Il y a deux ans, j'ai découvert
Serge Joncour avec ravissement en lisant L'amour sans le faire.
Ce roman dont on avait peu entendu parler m'avait touché
par sa simplicité et l'ambiance qui y régnait.
J'en ai d'ailleurs gardé
un souvenir très
fort.
Cette année,
l'auteur revient avec un roman qui se déroule
à nouveau à la campagne mais l'histoire est
complètement différente.
Et là encore,
j'ai beaucoup aimé.
Invité à Donzières dans le Morvan
pour une résidence d'écrivain de plusieurs semaines, Serge,
auteur de romans et parisien, se retrouve au coeur d'une petite société
rurale.
Il découvre un village et ses habitants, le
libraire, l'hôtelière, le maire qui l'affuble du surnom
"notre écrivain national.
Mais en feuilletant un journal, il découvre
surtout Dora et une sombre histoire de disparition et de bataille écologique.
Un vieil octogénaire bravache a disparu et Dora et
Aurelik, marginaux originaires des pays de l'Est, sont les coupables idéals.
Alors bien sûr, il serait préférable
de passer ces quelques semaines tranquillement dans le village, mais
l'attraction pour les ennuis est la plus forte...
A la fois tendre, drôle
et parfois inquiétant, ce
roman joue avec son lecteur et le balade d'un genre à l'autre au fil des pages.
Pour moi, c'est là que
réside la plus grande réussite de ce roman.
Il oscille entre la chronique un peu comique du séjour de l'auteur, la description
des relations parfois intrusives de la campagne et le thriller quand Serge
commence à fouiner son nez
partout.
Car oui, c'est aussi un thriller !
Le personnage se retrouve pris en plein milieu d'une histoire
qui ne devrait pas le concerner.
Il est interrogé par
la police, soupçonné de complicité de meurtre, molesté, accusé et se met à
avoir peur de tout le monde, à
suspecter tout ceux qu'il croise.
Fasciné et
obsédé par Dora, il se laisse emporter
par les évènements et ne sait plus comment
s'en sortir.
Il est menacé,
il à peur d'être trop impliqué et fait tout pour l'être.
Car Serge a le don de se mettre dans les ennuis.
Mais ce roman est aussi une belle réflexion sur le métier
d'auteur et sa complexité.
Est-ce un métier
d'ailleurs et comment doit se comporter celui qui est invité tout frais payé pour faire l'écrivain ?
On découvre
l'envers du décor, les pensées de celui qui doit assurer un
atelier d'écriture mais n'a
aucune idée, de celui qui
se trouve face à un public
qui ne sait pas écrire pour
un atelier d'écriture, de
celui qui se trouve dans un diner où
il sert de faire-valoir.
Il faut être
aimable et quoi qu'il arrive, il faut écouter
la lectrice agressive ou celle qui croit tout savoir du roman.
C'est finalement un bel exercice de désacralisation de la figure sacrée de l'écrivain.
Et en toile de fond, la campagne est décrite avec une plume acerbe.
Je voudrais penser qu'il s'agit d'une caricature, hélas il existe de nombreux villages
comme celui-ci, des lieux où chacun
épie son voisin et
davantage encore le nouvel arrivant, des lieux où
on ne peut pas faire un pas sans que tous le sache.
Je ne saurais vous dire ce qui relève
de la réalité et ce qui appartient à la fiction.
D'après les
entretiens avec l'auteur, ce roman s'est écrit
au fil du temps, en prenant des notes après
chaque retour de voyages.
J'ai cherché au
début de ma lecture si je
trouvais l'auteur dans ces lignes et puis je l'ai écouté et
j'ai finalement décidé de considérer qu'il n'y avait que de la
fiction (avec un fond de vérité et peut-être un fond d'envie de la part de Serge Joncour ?).
Mais si vous faites un autre choix, je gage que votre lecture
sera tout aussi bonne.