J’ai découvert récemment
une toute nouvelle pratique qui consiste à réécrire des textes classiques en
version érotique, ou à insérer carrément des scènes soi disant
« hot » dans des ouvrages qui n’en comporteraient pas.
Un article de 20 minutes la semaine dernière, par exemple, annonçait que la maison d’édition spécialisée dans les livres érotiques Total-E-Bound allait publier des versions revisitées de classiques de la littérature britannique.
L’idée est, par exemple,
de proposer un Sherlock Holmes qui fait son coming-out avec Watson ou des
scènes coquines entre Elizabeth Bennett et Darcy (qui ne s’appelle pas Mark
comme le dit le journaliste).
Mais ce ne sont pas les
seuls ouvrages touchés, puisque Jane Eyre
ou les Hauts de Hurlevent sont aussi
touchés.
Je suis septique…
Si Jane Austen ne parle
pas de sexe dans Orgueil et Préjugés,
c’est sans doute qu’il n’y en a pas !
Prétextant une
auto-censure des écrivains, l’éditeur ajoute « simplement » des
scènes au milieu du roman.
J’ai franchement envie de
crier au sacrilège !!
Je ne vois pas la
littérature comme un objet trop figé, mais si l’auteur a publié son roman ainsi,
c’est qu’il ne voulait pas qu’il en soit autrement.
L’éditeur se défend en
arguant de la séduction d’un nouveau public, plus jeune.
Sans doute serait-il plus
intéressant de montrer à ce même public que les auteurs savent aussi cacher des
scènes vraiment torrides dans leurs romans.
Je me souviens de cours
de stylistique à l’université où je faisais rougir toutes mes étudiantes en
dégotant des extraits à double sens.
En voici un par exemple,
extrait de l’Éducation sentimentale :
« Quels étaient son nom, sa
demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre,
toutes les robes qu'elle avait portées, les gens qu'elle fréquentait ; et le
désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus
profonde, dans une curiosité douloureuse qui n'avait pas de limites. »
C’est très joli, n’est-ce pas ? Mais
pourquoi les meubles de sa chambre ? et
quelle est cette envie plus profonde, douloureuse ? Les fantasmes de Frédéric
se construisent ici sur un mode tellement plus intéressant, qu’il serait
dommage d’être plus explicite.
D’ailleurs Flaubert est coutumier du fait,
et quand je lis que lors de leurs rencontres clandestines dans la Babylone
normande, Emma faisait l’homme et Léon devenait femme, mon imagination divague
bien plus qu’à la lecture d’un roman Harlequin que je pratique aussi.
Il en est de même quand je lis Salammbô !
Tout ça pour dire qu’il me semble bien
dommage de choisir ce moyen pour attirer les jeunes.
Et je n’ai qu’une pensée,
la même que celle qui m’assaille quand je tombe sur un livre en français
facile :
Ne touchez pas aux
Classiques !!