vendredi 7 février 2025

Célèbre de Maud Ventura

 Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec ce roman.
Je n’ai pas lu le précédent qui a eu beaucoup de succès et je ne connaissais pas du tout la plume de cette autrice.
C’était donc une découverte. 
 
 


Cléo est célèbre, très célèbre.
Dès son enfance, elle savait qu’elle le serait, comme un destin tout tracé et inévitable.
Elle le répétait d’ailleurs à son père et a tout fait pour le devenir.
Au sommet de sa gloire, elle fait le point pendant ses vacances sur une île déserte et raconte son inexorable ascension…

Maud Ventura se lance dans ce récit avec un plaisir manifeste.
Cléo est infecte, imbue d’elle-même, prétentieuse et égoïste.
Les pages défilent et elle l’est davantage à chaque chapitre.
L’héroïne revient sur son enfance, ses projets de vie et sur les moyens qu’elle a utilisé pour parvenir à sa position actuelle.
C’est une description froide, clinique, qui ne s’embarrasse pas de sentiment.
Cléo est célèbre et elle le fait savoir.
Elle a tout calculé et décrit son parcours avec une jouissance qui, à elle seule, est une prouesse d’écriture.


Maud Ventura nous donne accès à une dimension de ce personnage qu’on devine très proche de la réalité.
La célébrité est un monde à part qui isole, enferme, et qui déconnecte de la réalité, permettant les abus et supprimant les barrières.
Cléo a tout prévu, elle a su se montrer sous son meilleur jour avant d’identifier les personnes qu’elle pouvait écraser.
Mais ce qui parait au premier abord très froid et très excessif, laisse deviner quelques failles, l’absence de joie et de plaisir dans cette vie où tout semble trop facile.
Certaines phrases, quelques scènes font émerger la fragilité du personnage, sa peur de l’oubli, de l’échec, de la perte.
Cléo est dure, cruelle, cynique, calculatrice, mais elle perd pied aussi très souvent, distillant quelques mots sur ces moments où elle ne contrôle plus rien.
C’est extrêmement efficace, très agaçant mais addictif, et cela permet de ne pas totalement détester cette jeune femme tout de même très agaçante.
J’aurais aimé peut-être que les failles soient davantage exploitées, ce qui aurait pu donner plus de profondeur au texte mais ce n’était sans doute pas l’objectif de Maud Ventura.

La version audio est lue par Suzanne Jouannet.
Sa voix et son ton collent parfaitement à ce récit grinçant qui ne laisse pas de temps mort.
Elle exprime la détermination de Cloé avec un rythme et une vivacité qu’on imagine bien pour cette jeune femme dont la vie file droit vers le prochain album, le prochain concert, la prochaine étape.


Si vous cherchez un roman un peu décalé, très cynique, agréablement grinçant, avec un personnage central que vous aimerez détester, ce livre audio pourrait bien vous plaire ! 
 
 


mercredi 5 février 2025

Escobar : Une éducation criminelle, de A. Madrigal, J.S. Marroquin, P. M. Farina

Voilà une bande dessinée assez originale.
Le titre est un peu trompeur, car elle s’intitule Escobar : une éducation criminelle.
Je pensais donc que j’allais lire un texte sur le trafiquant de drogue, mais il n’en est rien puisqu’il est question de… son fils.
Évidemment, lui aussi se nomme « Escobar » et le récit s’appuie sur ses mémoires, et sur un épisode de son enfance. 
 
 

 
On en parle peu, en effet, mais Escobar avait des enfants, dont Juan Pablo, un fils qui a été élevé et surveillé par des « nounous » un peu particulière, puisqu’il s’agissait d’hommes de main et d’une femme assassin.
Le livre décrit donc chacune de ces nounous, l’une après l’autre, à la suite d’une scène tragique à laquelle a assisté Juan Pablo.
C’est une succession de portraits qui reviennent sur le caractère de chacun et sur ce qui les a amenés jusque là. 
On remonte à l'origine de leur vie criminelle, ou on découvre un épisode de leur vie de truands. 
L’histoire cadre permet de lier ces épisodes, et de garder un fil conducteur jusqu’à la dernière page, même si c'est assez ténu.

La lecture est agréable, c’est plutôt intéressant, mais il faut quand même être très intéressé par Escobar.
On en apprend un peu plus sur le personnage, et si vous avez aimé la série Narco, vous pourrez apprécier.
Le récit est malin et permet d’aborder plusieurs épisodes de la vie de Juan Pablo qui a échappé plusieurs fois à des attentats.
Le dessin d’Alberto Madrigal est vif, expressif et les couleurs permettent de lisser un peu le trash de certaines scènes. 
C'est un dessin qui tend vers le manga, ce qui change un peu. 

C’est donc une bande dessinée maligne, bien construite, qui se lit avec plaisir, même si vous n'apprendrez rien de plus sur Escobar.

 





 


lundi 27 janvier 2025

Le barman du Ritz de Philippe Collin

Le Ritz, emblème du luxe à la française, est resté ouvert pendant toute la seconde guerre mondiale. 
Cela méritait bien un roman sur ses coulisses pendant cette période troublée. 

 


Franck se prépare pour une nouvelle soirée dans son bar au cœur du Ritz. 
Après plusieurs années passées à New York, sa réputation lui a permis de devenir le barman en chef de l’un des bars les plus réputés de Paris. 
Mais les Allemands approchent et il va falloir faire des choix… 


Voilà un roman très original ! 
D’ailleurs, je ne suis pas sure qu’il s’agisse réellement d’un roman. 
Philippe Collin nous propose un texte évoquant le Barman du Ritz, Franck Meier, et sa vie pendant l’occupation allemande à Paris entre 1939 et 1945. 
Ce barman était assez connu dans la bonne société, qui fréquentait assidûment la bar du Ritz pendant la belle époque. 
La guerre rebat les cartes, et la clientèle du bar change partiellement au moment de l’arrivée des soldats allemands. 
Franck s’interroge alors sur la conduite à adopter, lorsqu’on a un travail, pas d’argent pour fuir et pas vraiment envie de quitter Paris. 
Il va falloir faire avec et composer avec l’ennemi, la survie, sa conscience, les connaissances diverses et leurs choix parfois opposés. 

Le style de l’auteur est descriptif, et presque froid.
Cela m’a surprise au début de l’écoute du texte mais cela permet sans doute de respecter le peu d’information disponible sur les pensées de ce barman. 
Franck Meier a laissé un manuel de cocktails, et les archives du Ritz permettent de disposer d’informations sur sa présence, ou les évènements qu’a subi l’hôtel pendant la guerre. 
Les archives donnent aussi des informations sur les personnes ayant séjourné dans l’hôtel ou y ayant travaillé et Philippe Collin est d’abord historien. 
Il a donc utilisé ce matériaux brut pour nous proposer un récit qui croise les sources, et s’appuie sur un personnage pour en évoquer des dizaines. 
On voit passer dans son bar des célébrités, ainsi que des collabos plus obscures, des profiteurs, et d’autres ayant davantage de scrupules. 
C’est la petite histoire qui se dévoile ici, avec ces petites lâchetés, son courage caché et ses doutes, celle des couloirs et du petit personnel. 
 
La version audio est lue par Florian Wormser. 
C’est un peu froid, mais je me suis vite habituée et cela correspond à la tonalité du texte. 
L’auteur met une distance qui est maintenue dans la lecture, ce qui permet de la percevoir et de rester spectateur de ce qui se déroule dans le récit. 

Finalement, une question demeure : servir des verres aux généraux allemands, est-ce collaborer ? 
Il n’y a pas de réponse dans ce livre, et peut-être n’est-il pas possible de répondre réellement.




lundi 20 janvier 2025

L'inconnue du portrait de Camille de Peretti

Je ne sais pas pourquoi, je pensais que ce roman était sorti il y a très longtemps, alors qu’il a fait partie des sorties de la rentrée littéraire de janvier 2024.
C’est donc assez récent, et Audiolib n’a pas attendu longtemps pour nous en proposer une version audio, et c’est tant mieux !




En Italie, une doctorante en histoire de l’art vient de jeter un pavé dans la mare en identifiant un tableau disparu de Klimt sous un tableau connu et accroché dans un musée.
L’artiste l’aurait repeint pour modifier le motif initial.
Aux Etats-Unis, la mère de Pearl attaque le géniteur de sa fille en justice pour obtenir le financement de ses frais de scolarité universitaire.
En 1929, Isidore, jeune cireur de chaussures immigré, tente de se faire une place à New York en plaçant un peu d’argent en bourse…


Je dois avouer qu’en ouvrant ce roman, je ne m’attendais pas à ce que j’ai lu !
C’est amusant comme les résumés ou les informations que l’on reçoit sur un roman peuvent susciter en nous des images et des attentes.
Comme il est question de tableau, de Klimt, de repeint, d’analyses en histoire de l’art, j’avais supposé qu’il y aurait davantage d’informations techniques, que ce serait un roman un peu didactique.
Et finalement pas du tout !

Une fois ce moment de surprise passé, je suis entrée dans le texte avec plaisir et j’ai profité de plusieurs heures en compagnie d’Isidore et de Pearl.
Le texte mêle le récit de la vie d’Isidore, assez mouvementée, de sa mère également, et celui de Pearl après qu’elle ait retrouvé son père.
Le tableau est en arrière-plan, il joue un rôle, mais il n’est finalement pas très présent.

Le style d’Isabelle de Peretti est fluctuant.
Elle parvient à adapter le texte qu’elle écrit à l’époque et au personnage choisi.
Cela donne un récit bien ancré dans l’époque décrite et cela facilite l’immersion du lecteur.
En revanche, j’avoue être restée en retrait par rapport à Isidore, que j’ai davantage observé comme un spécimen de self made man (est-ce qu’on dit encore cela 😅).
J’ai davantage préféré le personnage de Pearl.
Ce sont néanmoins des caractères bien trempés, qui savent ce qu’ils veulent et qui avancent quoi qu’il arrive.
Ils donnent une impression de force tranquille à qui tout arrive mais que rien ne peut détruire.
Et puis le portrait (et celle qui y figure) resurgit dans le récit de temps en temps, parfois par surprise, parfois parce que les personnages s’y intéressent, tel un troisième personnage principal.

La version audio est intéressante, car la lecture de Mathieu Buscatto est bien faite (je ne suis jamais déçue chez Audiolib), mais en plus, il y a un entretien avec l’autrice en fin de lecture.
Ce n’est pas toujours possible pour l’éditeur de faire ces entretiens, mais c’est un vrai plus qui permet de comprendre comment le roman a été écrit, ou d’en savoir un peu plus sur les objectifs de l’auteur.
C’est toujours très instructif.


Alors ? Tenté·e ?
Les avis sont plutôt unanimes sur ce roman, et j’en rajoute un ! 
 

 
 
 

lundi 13 janvier 2025

Bride d’Ali Hazelwood

Attention ! Romance ! 
Mais une belle romance !! 
 



Misery a quitté sa communauté depuis plusieurs années. 
Il faut dire qu’ils n’ont rien fait pour la convaincre de changer d’avis !! 
Envoyée chez les humains dès ses 8 ans pour servir d’otage, elle ne s’est jamais senti aimée ou remerciée par les autres vampires pour ce qu’elle avait fait. 
Lorsque son père la convoque brusquement, elle se demande quelle mouche le pique, mais quand il lui propose de se marier pendant un an avec le mâle alpha de la horde de loups-garous qui habite de l’autre coté de la frontière, elle se dit qu’elle est vraiment considérée comme une simple monnaie d’échange pour les siens… 

Vous le savez si vous fréquentez un peu ce blog, j’ai déjà lu plusieurs romans d’Ali Hazelwood, mais ils se passaient tous dans un monde bien réel, et à l’université (où, je peux vous l’assurer, je n’ai jamais vu de loup-garou ou de vampire). 
Lorsque j’ai vu le résumé de celui-ci, j’ai hésité !
J’aime bien ses romances, mais basculer dans la fantasy en convoquant des loups-garous et des vampires, cela me paraissait un peu particulier. 
Et puis un peu en panne de lecture après une déconvenue littéraire, je me suis dit que finir l’année avec cette autrice, c’était une bonne garantie de repartir sur de bonnes bases le 1er janvier. 
Et j’ai eu raison ! 

L’histoire de Misery est touchante, attachante, pleine de beaux sentiments, mais pas simpliste. 
En quelques mots, l’autrice parvient à donner toute une palette d’émotions à ses personnages. 
Elle est vraiment forte pour cela ! 
Elle n’oublie pas non plus les personnages secondaires et c’est vraiment sympa. 

La lecture de Zina Khakhoulia nous fait vivre les aventures de Misery sans temps mort et avec une expressivité qui colle parfaitement à l’histoire. 
J’ai eu plus de mal avec les interventions de Quentin Malek, inexpressives et froides. Il lit les incises de début de chapitre qui concernent un autre personnages mais puisque la voix change, un peu de vie dans ces phrases aurait aussi bien fonctionné. 

J’ai découvert depuis qu’il y a un vrai domaine réservé pour les fans de romances inter-espèces. 
Pas sûre d’en lire d’autres, mais si Ali Hazelwood en publiait d’autres, je me laisserais tenter sans problème. 
Je pensais d’ailleurs qu’il s’agissait d’une série et j’hésitais à m’y lancer, et finalement, après lecture, je regrette qu’il n’y ait qu’un épisode 😅.

 

 

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...