Il n'est pas toujours
simple de parler des livres qui nous ont plu, je l'ai déjà dit par
ici.
Parce qu'ils nous
ont touché, ou au contraire qu'ils nous ont choqué (comme l'avait
fait
Tokyo
de Mo Hayder), ou plus
simplement parce qu'ils nous ont fait réfléchir, il faut les
laisser reposer et prendre son temps pour écrire un billet.
Rebecca est pour moi l'un
de ces romans qui vont rester dans ma mémoire comme un très bon
moment de lecture, que je conseillerai sans aucun doute, mais dont il
m'est difficile de parler.
C'est une histoire qui
tourne et se détourne, qui emmène son lecteur d'un côté, qui lui
laisse entrevoir la suite et puis finalement qui prend un autre tour.
Il n'y a pas de trahison
de l'auteur, pas de dissimulation, mais une trame joliment construite
qui ne laisse pas souffler.
Les époux de Winter
séjournent dans un petit hôtel face à la mer.
Bien sûr, ils auraient
pu choisir un hôtel plus luxueux, plus conforme à leur rang social,
mais ils ne souhaitent pas croiser tous ces gens, tous ceux qui les
ont connus avant.
Leur nouvelle vie est
calme, sereine, mais parfois, le souvenir de Manderley revient,
tenace, douloureux.
Dans cette maison
splendide, fierté de la famille de Winter où les fêtes étaient
inoubliables, la première épouse de Maxim s'est noyée.
Remarié seulement
quelques mois plus tard, il a tenté de reprendre une vie normale,
faite de visites, de diner et consacrée à son domaine.
Mais pour la jeune
épouse, timide, simple et un peu effacée, le fardeau est bien
lourd. La conduite d'un domaine aussi important ne s'improvise pas et
surtout, ce souvenir qui plane sur tous ne la laisse pas en paix.
Rebecca, femme révérée
dont le souvenir est partout présent, est une adversaire trop
difficile à combattre...
J'avoue avoir été déçue
par les 20 premières pages du roman.
Je ne saurais pas dire
pourquoi, mais ce moment si important dans un roman ne m'a pas
accroché et ces pages se sont tournées sans enthousiasme.
M'étant décidée à
aller plus loin, j'ai poursuivi ma lecture et passé la page 21, je
n'ai plus quitté Manderley !!
L'histoire est racontée
par la seconde Madame de Winter qui se souvient et revient sur les
événements nombreux qui ont changé sa vie.
Son point de vue est
nécessairement partiel, et le lecteur la suit dès sa rencontre avec
Maxim, jusqu'à cet hôtel où ils séjournent plusieurs années
après le drame. On découvre Manderley avec elle, on s'interroge, on
observe, on juge parfois cette jeune femme trop timide, trop naïve,
qui n'ose pas et ne trouve pas sa place.
Elle a tellement peur de
faire un faux pas, de ne pas être à la hauteur, qu'elle multiplie
les gaffes et ne parvient pas à s'imposer.
Mais sa jeunesse explique
ces manques, et je n'ai pu m'empêcher de retrouver certaines des
inquiétudes que je pouvais avoir à cet âge.
On ne connaitra jamais le
prénom de cette narratrice, seconde Madame de Winter qui a bien du
mal à se faire à cette nouvelle position.
Il s'agit sans doute de
renforcer l'opposition entre ces deux femmes, car Rebecca, femme
forte et autoritaire dont chacun prononce le prénom (et uniquement
le prénom) avec tant de sous entendus, est évidemment l'adversaire
de cette jeune personne fade et effacée qui doit marcher sur les pas
de celle qui l'a précédé.
Ne vous attendez pas à
une histoire de fantôme, car ici, il n'en est pas question.
Ce n'est pas un thriller
non plus, au sens moderne du terme, mais cela n'empêche pas le
lecteur de s'inquiéter, de guetter la catastrophe, le basculement
qui plongera tous le monde dans la tourmente.
La tension est bien là et
ne lâche pas le lecteur, surtout que Daphné du Maurier nous
surprend toujours au détour du chemin.
La psychologie des
personnages est claire mais pas nécessairement transparente.
De même, la fin se
devine, mais pas dans ses détails, et l'auteure sait dérouter son
lecteur jusqu'à la fin et au retournement que je n'avais absolument
pas prévu.
Finalement, j'ai eu de
l'empathie pour cette oie blanche qui n'ose rien de peur de mal
faire.
Elle a vieilli au moment
de son récit, mais je n'ai pu m'empêcher d'avoir de la tendresse
pour cette jeune femme prévisible, mais qui ne peut pas faire
autrement.
À 20 ans, comment tenir
tête à cette Mrs Danvers si sure de son fait ?
L'atmosphère des années
1920 ou 1930, les relations entre les gens dans la campagne anglaise,
ou das les palaces européens sont aussi bien rendues et on est
emporté par cette écriture.
J'ai d'ailleurs eu l'envie
de relire le début une fois la dernière page tournée, ce qui
aurait pu m'entrainer dans une lecture sans fin de Rebecca, mais
je vais plutôt lire d'autres romans de Daphné du Maurier.
En bref, c'est donc un
livre à lire !
Si vous aimez Hitchcock,
si vous aimez les thrillers psychologiques, si vous cherchez un bon
livre, celui-ci pourrait bien vous plaire.