lundi 8 janvier 2018

Chute


La digue avait lâché.


Sans prévenir, sans un bruit, elle s’était affaissée, glissant lentement dans le courant et se laissant submerger par les flots déchainés.
Il n’y avait pas eu de signes, pas d’alerte, rien qui puisse laisser penser qu’une fêlure se creusait.
Et puis soudain, le trop plein avait jailli, il s’était immiscé et avait fendu la muraille, balayant tout sur son passage.
Elle avait craqué sous le poids comme on se laisse pousser par le vent fort et la marée.
Elle n’allait pourtant pas si mal, on voyait bien qu’elle était fatiguée parfois, mais rien d’inquiétant.
Un peu de calme et tout s’apaisait.
Elle était solide.
On comptait sur elle.
Sans doute trop finalement.
On aurait peut-être pu s’en inquiéter avant.
C’est probablement pour ça qu’on ne s’en est pas aperçu.
Elle était devenue transparente.
Quoique non, pas transparente, plutôt très présente mais elle faisait partie du paysage.
On avait besoin d’elle, on savait qu’elle était là, et puis voilà.
Si on avait fait un peu attention, on aurait sans doute évité tout ça.

Mais voilà, c’est ainsi.
La vie ne laisse aucun répit.
Pas le temps de regarder ailleurs, il faut avancer, toujours avancer, ne pas se préoccuper de ce qui nous entoure, ne pas trop anticiper, c’est très couteux en temps comme en argent.

Les recherches avaient duré 3 jours.
On espérait qu’elle avait nagé, certains pensaient l’avoir vu plus loin.
Et puis non.
Elle avait tout laissée, ses enfants, son mari, sa vie.
Ceux qui l’avaient vu tomber disaient qu’elle souriait.


Je reviens aux ateliers d'écriture du lundi avec un texte écrit il y a plusieurs mois. 
La photo de cette semaine m'a remis en mémoire ce petit morceau d'écriture qui m'avait fait du bien à l'époque et qui attendait dans son petit coin. 
L'écriture cathartique... 
Mais je crois qu'il faut aller au bout du processus parfois pour que cela fonctionne réellement alors en ce début d'année, je le pose là, sur la photo d'une chute vertigineuse. 


D'autres textes chez Leiloona... 





14 commentaires:

  1. Bonsoir,

    J’aime bien votre texte.
    Ecriture cathartique dites-vous ?
    C’est intéressant, vous seule pouvez en juger, moi j’ajouterais écriture de femme. C’est ce que j’aime justement.

    G.

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  2. Oui ça fonctionne et tu as bien fait de publier ce texte très bien écrit. A le lire je me disais que cette femme (dans ton histoire) était bien fatiguée, et que je lui espérais donc surtout, de ne pas être réellement si perdue, et de se reposer. Bises.

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    1. La vraie s'est reposée un peu depuis et a lâché du lest, ça lui a fait du bien mais il était moins une ;^)

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  3. On sent venir la fin tout doucement, le choc n'est pas trop brutal ainsi. Pourtant, cette disparition est très violente.

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    1. Parfois, les choses les plus violentes se font sans même qu'on s'en aperçoive ;^)

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  4. Ce petit texte est saisissant de réalité, cette transparence, comme pour ne pas gêner, comme pour être oublié, puis la chute, fatale, tout s'écroule, et surtout la vie de ceux qui reste. Cet écrit fait du bien.

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  5. Très beau texte. L'écriture a des vertus qu'on ne soupçonne pas. Elle a bien souvent cet effet cathartique qui nous aide à repérer les failles et à avancer. Ecrire dans un petit carnet comment a été notre journée permet de faire le point et de voir ce qu'on pourrait faire différemment, ou le chemin qu'il reste à parcourir pour atteindre des objectifs...

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    1. J'ai essayé le petit carnet mais je ne tiens pas sur la durée. Je crois que c'est plutôt un besoin soudain qui me pousse à écrire quand vraiment j'en ai besoin.

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  6. Bien de reprendre les ateliers d'écriture même si ce texte était déjà en stock. Mais ça me rappelle un film qui disait que l'important n'est pas la chute mais l'atterrissage.

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    1. C'est La Haine ;^) Une phrase très apprécié chez moi. Pendant un moment, mon homme répétait souvent cette petite citation qui est tout de même bien vraie.

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  7. Oui, il y a une scission entre cette mort ma foi très violente, et l'écriture toute en douceur. C'est étrange, car ce qui en ressort reste la douceur ...

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    1. Elle se laisse glisser, mais je pense que cela commence bien avant la chute, ce qui rend la chose plus douce sans doute.

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