Alexandra a relancé son atelier d'écriture, la belle nouvelle 🤗.
Je dois néanmoins avouer que mon texte concerne la photo de la semaine dernière... Je l'avais écrit dans ma tête mais pas par ici 😂.
C'est réparé et le voici !
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Elle regarda au loin, là-bas vers le large.
Elle n’aurait pas pensé pouvoir revenir ici un jour.
Ce restaurant symbolisait pour elle ses années de faste, de fêtes incessantes, de luxe, où elle se grisait de quelques paillettes pour ne pas penser à ce qui importait.
Ce n’était pourtant pas un endroit clinquant mais le luxe réside parfois justement où on ne le voit pas.
La vue était toujours aussi incroyable et après ces derniers mois où elle n’avait fait que courir, se cacher, fuir, c’était une bulle d’air qui lui faisait du bien.
Tout avait changé un an et demi plus tôt.
Ils l’avaient contacté dans un parc où elle avait l’habitude de s’arrêter pour manger un morceau l’après-midi.
Tellement classique.
Elle n’y avait pas vraiment cru au départ et pensait plutôt qu’on lui tendait un piège pour tester sa fiabilité.
Elle avait donc dit non, fermement.
Ils étaient revenus, encore et encore, à intervalles irréguliers, surgissant dans un magasin, un bus, une ruelle.
Et puis un jour de lassitude, elle avait dit oui.
Passer ses journées dans les chiffres d’une famille au commerce pas très honnête, c’est fatigant.
Quand le chef est, en supplément, peu respectueux de ses employés, c’est usant.
Une énième insulte, un café envoyé en pleine figure, c’était trop.
Elle avait ramassé son sac et quitté l’immeuble, trop heureuse de percuter l’un des hommes qu’elle avait déjà vu en sortant.
Il avait discrètement échangé leurs téléphones tombés à terre et était reparti en s’excusant.
Tout s’était enchainé ensuite à une vitesse folle : témoignage, protection de témoin, procès, planques, hôtels, surveillances…
Deux gardes du corps veillaient sur elle en permanence.
Un soir, dans un hôtel pas plus sordide qu’un autre, elle avait invité l’un d’entre eux à entrer.
Nino avait gardé ses distances… un temps.
Et puis le procès touchait à sa fin et avant de prendre le large pour sa nouvelle vie, elle avait demandé à réaliser une dernière chose chez elle, dans son pays.
La tension retombait et elle avait pris conscience de la vacuité des mois qui s’annonçaient.
Toute sa vie, elle avait senti ce petit frémissement de la peur sur sa colonne vertébrale.
Il y avait toujours eu une arme à proximité, la possibilité d’une fusillade, d’une arrestation.
Et d’un coup, c’était terminé.
Qu’allait-elle faire de ses journées ?
Un petit job de bureau sous-payé ?
Comment se supporter dans ces conditions ?
Elle avait alors pris sa décision et demandé un déjeuner sur cette terrasse avec Nino.
Il n’avait pas encore décidé de l’accompagner dans sa fuite.
C’était un adieu digne de ce nom.
Toutes les précautions avaient été prises.
Le déjeuner avait lieu plus tôt, le restaurant était vide et on verrait un jet ski arriver à des kilomètres.
Elle guettait néanmoins et scrutait la mer.
Et le petit frisson était là.
Soudain, une succession de bruits la prirent au dépourvu.
Elle se jeta par terre.
Non !
Finalement, elle ne voulait pas mourir !
Elle s’était fait des illusions !
Le frisson, elle le trouverait ailleurs !
Et elle aimait Nino.
Elle voulait qu’il l’accompagne !
Il se jeta sur elle pour la relever en lui prenant la tête entre les mains :
« Paloma, ce n’est rien ! Le serveur a fait tomber des casseroles, tout va bien ».
Elle se mit à rire, heureuse d’être là, dans ses bras et soudain pressée de partir.
Elle se releva.
La balle l’atteignit juste au-dessus de l’oreille et ressorti de l’autre côté dans un souffle.