Voilà un livre que j’ai adoré !
Court, efficace, écrit simplement tout en ménageant quelques effets stylistiques bien venus, ce petit roman ou cette longue nouvelle mérite le prix qu’il a reçu.
Shimura Kōbō est un Japonais d’une cinquantaine d’années, météorologue et célibataire. Il part à heures fixes tous les matins, il rentre quasiment tous les jours à la même heure et vit seul dans un quartier tranquille où les grand-mères du coin passent leurs journées devant leurs portes. Comment imaginer, dans ces conditions, qu’un squatteur a élu domicile chez lui et se sert dans son frigo à son insu ?
Hésitant à prévenir la police, Shimura se demande d’abord si ce n’est pas lui qui exagère, s’il ne s’imagine pas avoir vu un yaourt disparaître. Il s’emploie donc à vérifier chaque jour le nombre de denrées dans le frigo où la quantité restant dans la bouteille de jus d’orange. Mais après plusieurs jours, il doit bien l’admettre, il y a quelqu’un qui se sert chez lui.
Que feriez-vous si vous étiez dans la même situation que ce pauvre Shimura ?
J’avoue m’être posée la question, car le squat n’est finalement pas le cœur du problème. Il me semble qu’à partir de cette situation, l’auteur nous amène à réfléchir sur la place de certaines personnes dans la société. Cette femme qui s’installe chez lui se retrouve à la rue dès qu’il l’a découverte. Bien sûr, n’importe qui ferait la même chose, et il n’est pas concevable de partager son chez soi sans le vouloir vraiment. La situation décrite est cependant celle d’une femme que la société japonaise a formatée puis abandonnée.
Mais que doit-on faire face à l’exclusion ? Vaste question, me direz-vous, et ce n’est finalement pas celle qui m’a le plus touché (à ma grande honte, je l’avoue).
Après avoir réglé son problème, Shimura se retrouve dans une maison qui n’est plus vraiment la sienne. Savoir qu’un autre l’a habité à son insu, a touché ses souvenirs, sa vaisselle, s’est servi de son rice-cooker… le laisse avec un sentiment d’infraction personnelle et une impression de vol. Ce n’est plus sa maison, il ne s’y sent plus chez lui.
Quelques mots suffisent à l’auteur pour exprimer ce rejet du personnage, et un habile changement de narrateur permet de montrer davantage encore l’arrachement qui est le sien.
Le style est fluide et j’ai beaucoup apprécié les quelques listes faites par Shimura, ou l’évocation du port de Dejima. Ce port était le seul point de contact entre la Japon et l'Occident pendant deux siècles et demi. Doit-on y voir une autre forme d'exclusion ? Il en est de même pour le choix de Nagasaki. Il est bien singulier qu'Eric Faye ait choisi d'installer son histoire dans cette ville martyre.
Le dénouement final est également très bien trouvé, même si le lecteur attentif se doute d’une partie de ce qui lui est révélé.
Certains trouveront le texte trop court. C’est vrai qu’on aurait pu en attendre plus. On aimerait en savoir davantage sur le devenir des personnages, mais je suppose que leur vie continue et que cet épisode n’en est qu’un justement. Ils poursuivent leur routine, la reprenant là où ils l’avaient laissé.
Verdict : une belle découverte que je vous conseille si vous n’avez pas encore cédé à la tentation !
Et un quatrième livre lu pour le challenge 1% littéraire
J'avais entendu une histoire similaire aux infos il y a quelques temps.
RépondreEffacerTa critique me tente bien!!!!
@ Chrys : Bonne future lecture, alors :) C'est vraiment un bon bouquin !
RépondreEffacerJe vais finir pas le lire.
RépondreEffacer@ Manu : Je ne peux que t'encourager, c'est vraiment un bon bouquin ;)
RépondreEffacerTrès belle lecture pour moi aussi. Je pense que tu as raison sur cette fin. Ceci n'est qu'un épisode dans leur vie et ils tournent la page, même si c'est un drôle de page ;)
RépondreEffacerUn de mes romans préférés cette année. Je conseille également !
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