Pour commencer l'année, j'ai ouvert un roman bien difficile.
Il est d'ailleurs tellement difficile que je ne sais pas trop comment en parler.
Je ne suis pas sure non plus de ce que j'en pense.
Ce n'est donc pas un coup de coeur mais pas non plus un livre méprisable comme j'ai pu le lire ici ou là.
Car le problème de ce livre, c'est tout de même ce qu'on en lit depuis sa parution.
J'ai lu de tout.
Des billets parodiques, imitant le style particulier de ce livre, des billets élogieux de lecteurs ayant adorés, des billets colériques de lecteurs qui avaient l'impression qu'on s'était moqué d'eux.
Pas facile dans tout ça de se faire une idée.
Et puis je n'avais pas prévu de le lire mais il s'est présenté à moi, par hasard, alors que belle-maman le rangeait dans son placard.
J'ai hésité, je n'étais pas sure d'avoir vraiment envie de le lire, le sujet n'est pas facile et allais-je avoir assez de temps pendant mes vacances...
Et finalement, je me suis décidée.
Charlotte porte le prénom de sa tante, décédée depuis plusieurs années.
Quand elle se rend au cimetière avec sa mère, elle voit ce prénom, le sien, sur la pierre tombale.
Elle ne sait pas ce qui est arrivé à la première Charlotte.
On ne lui a pas dit qu'elle s'était jetée d'un pont, comme ça, une nuit, après avoir sagement déposé ses affaires.
Mais Charlotte est aussi juive, elle se nomme Salomon, et en ces années 1930, ce n'est pas une bonne chose.
Et puis Charlotte perd sa mère et doit apprendre à vivre sans elle.
Heureusement qu'elle est douée pour le dessin, cela lui permet d'exprimer son chagrin, de le laisser sortir...
Comme je le disais plus haut, je ne sais pas trop quoi vous dire de ce roman.
J'ai beaucoup aimé le début.
Le procédé stylistique utilisé par l'auteur m'a semblé original et plutôt adapté à l'histoire qu'il raconte.
L'histoire de Charlotte Salomon est atroce, elle supporterait sans doute difficilement les fioritures.
Issue d'une lignée de femmes et d'hommes suicidés, elle vit avec les silences et les non-dits jusqu'à la délivrance finale du secret.
Mais l'Histoire la rattrape comme un destin inéluctable.
Difficile de faire du joli avec un sujet pareil !
On sent aussi que ce livre était inévitable pour Foenkinos.
Il a fait beaucoup de recherches, de déplacements, il a été habité par Charlotte Salomon.
On le voit quand il passe par l'autofiction et s'immisce dans le récit.
Il raconte comment il a retrouvé les lieux et les gens qui ont participé à cette histoire.
Il a aussi le mérite de mettre un coup de projecteur formidable sur Charlotte Salomon qui était tombée dans l'oubli.
Elle redevient un peintre plutôt qu'une victime, son travail est à nouveau mis en valeur.
Mais passée la moitié du livre, j'ai eu plus de mal.
Comme dans l'oeuvre de Charlotte Salomon, Foenkinos relie les évènements décrits à des tableaux, à de la musique.
Ce procédé qui se fait presque systématique au mitan du roman m'a semblé artificiel à force d'être répété.
La synesthésie, je connais chez Kandinsky, mais j'ai l'impression que cela passe mieux en tableau.
Il y a aussi beaucoup d'informations historiques que l'on connait déjà et qui m'ont semblé longues et inutiles.
Il s'en dégage une froideur et une distance qui m'ont empêchée de vraiment apprécier ma lecture.
Il m'a manqué quelque chose.
Par contre, impossible de lâcher le livre pendant les 50 dernières pages.
On connait la fin malheureusement, mais ces pages m'ont happées et je n'ai pas pu m'en défaire avant d'avoir terminé.
Malgré les phrases courtes et le texte déconstruit, l'émotion est bien réelle même si on est habitué à avoir plus de chair autour d'un texte et qu'elle est suscitée par les évènements.
Comme vous le voyez, c'est un avis "oui, mais non" ou plutôt "non, mais oui" car j'ai tout de même envie de vous le conseiller.
Je crois que ce roman ne peut pas être lu par quelqu'un d'autre que soi.
C'est à chacun de s'en faire une idée et de voir ce qui se passe en lui au moment de sa lecture.
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Charlotte Salomon |