mardi 19 avril 2016

Si c'est un homme de Primo Levi { Prix Audiolib }

J'ai été très surprise de voir ce livre dans la sélection pour le prix Audiolib.
Ce classique de la "littérature des camps" est un récit qui me faisait un peu peur, qui n'est forcément pas léger et qui est très différent des textes qui l'accompagnent pour ce prix.
Mais c'est aussi une excellente idée de l'avoir enregistré en format audio.


 Capturé en 1943 suite à une dénonciation, Primo Levi est déporté à Auschwitz avec de nombreux juifs italiens dont bien peu reviendront. 
Lors de la sélection, il est envoyé de justesse à Monowitz, camp de travail où il va survivre plus d'une année avant la libération du camp. 
Il raconte ici ces journées de froid, de faim, de fatigue, la souffrance, la déshumanisation, l'incompréhension. 
Son récit est essentiel pour l'Histoire et pour son histoire personnelle également. 

Il m'est difficile de donner un "avis" sur ce roman.
Tout comme Charlotte Delbo, lu il y a longtemps, ou Kinderzimmer, ce sont des récits qui sont nécessaires au devoir de mémoire.
Ils sont plus ou moins romancés, plus ou moins appuyés sur les souvenirs, mais comment les "juger" ?
Le thème lui-même ne se juge pas, il me semble.
Ce qui est arrivé ne doit pas être oublié et c'est important de disposer de ces récits vus de l'intérieur.
J'ai l'impression que la force du texte de Si c'est un homme est plus grande que celle de Kinderzimmer car Primo Levi a vécu Auschwitz, le camp, le travail absurde et la disparition de son humanité.
Il parle de tout cela à un moment où il n'est sans doute pas encore passé à autre chose (1946-1947).

Il y a tout de même des choix d'auteur dans ce récit et on ne peut pas lui refuser le statut d'écrivain, ce n'est pas simplement une compilation de mots.
Il explique toutefois lui-même dans l'interview qui clôt ce livre audio, que le texte est un peu brut.
La suite de ce livre est davantage travaillée apparemment.
Mais il y a tout de même une focalisation sur ce qui fait l'humanité d'un homme, ou au contraire ce qui en fait une bête et lui enlève cette humanité.
Il y a aussi plusieurs références à Dante, à l'interprétation que l'on peut faire de ces textes, signe que malgré la situation, Levi est resté un homme malgré tout et un homme cultivé.

Le récit est moins tragique que d'autres sur le même sujet, car Primo Levi était dans un camp de travail, il décrit les choses de façon un peu détachée, parfois froidement et surtout, il est rentré chez lui ensuite.
Cela permet de lire le récit sans pleurer toutes les trois pages (contrairement à Kinderzimmer par exemple), mais cela n'enlève rien à l'absurdité de l'extermination, à la dureté de ce qu'il a vécu. 

La version audio dure 7h35, ce qui est une durée très raisonnable qui permet de ne pas s'infliger le récit du camp d'Auschwitz pendant une trop longue période.
C'est tout de même un texte éprouvant et la version audio me faisait peur, même si j'avais vraiment envie de le lire.
La lecture de Raphaël Einthoven est très expressive tout en laissant le texte exister.
Il le dit lui-même dans l'interview à la fin où il explique que la lecture doit être à la fois expressive pour ne pas être monocorde, tout en évitant de trop incarner les personnages.
Cette interview m'a vraiment plu pour ce qu'il dit du texte et de sa lecture, tout comme celle de Primo Levi par Philippe Roth qui la précède.
Raphaël Einthoven aborde aussi le problème du devoir de mémoire, de l'humanité des bourreaux et des victimes, du pardon impossible et non souhaitable. 
J'y ai beaucoup appris, c'est vraiment une belle interview à ne pas manquer !! 
C'est d'ailleurs un véritable plus de les versions audios et je suis toujours ravie de voir qu'il y a des interviews en fin de livre audio chez audiolib.
Quand en plus cela éclaire le récit, c'est encore mieux !

Conseiller ce récit me parait impossible et on se doit de ne pas passer à côté tout de même.
Si vous avez besoin de découvrir la vie des camps, si vous sentez qu'il vous manque ce livre à votre pensée, si vous avez envie d'en savoir plus sur cette période de cette histoire, si vous voulez en savoir plus sur la nature humaine, cela pourrait vous intéresser.









12 commentaires:

  1. Je l'ai commencé aujourd'hui. Je l'ai lu en version papier il n'y a pas si longtemps et je redoutais que la version audio soit plombante. Je m'aperçois que ce n'est pas du tout le cas. Ouf !

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    1. Non, je trouve qu'Einthoven s'en sort vraiment bien. Pourtant, j'avais peur aussi, le voyant à la télé souvent un peu too much. Mais là, il respecte le texte et c'est vraiment une belle lecture de sa part.

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  2. J'ai été moi aussi agréablement surprise par cette version audio.

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  3. J'ai envie de le lire depuis longtemps mais j'hésite, j'ai peur que ce soit trop dur, trop douloureux.
    En effet, je trouve ça idiot de mélanger des classiques avec des auteurs d'aujourd'hui pour un prix littéraire, s'il n'y a qu'une seule catégorie.

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    1. Oui, c'est une sélection éclectique si l'on peut dire. Levi est factuel dans son texte. C'est dur, mais il était dans un camp de travail, par dans le camp principal. C'est sans doute pour cela aussi qu'il peut susciter cette réflexion sur ce qui fait qu'on est humain ou non. Il y a un détachement face à la mort qui est acceptée comme inéluctable et n'est donc pas mise en scène de façon morbide. Mais cela reste un récit sur les camps.

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  4. Je n'ai toujours pas lu ce livre... et je ne sais pas si j'en ai envie. J'ai déjà lu pas mal sur le sujet. Ma fille était hier avec un ancien déporté au collège (toujours fière en tant que maman que cet homme choisisse le texte de ma fille en premier prix). Elle a gagné un DVD où il parle de son expérience, je regarderai sans doute ça avec elle...

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    1. J'ai vu son prix, bravo à elle !!
      Avec ma mère, on a regardé Shoah quand j'étais ado (en intégralité !) et elle avait des livres sur les camps. J'en ai lu plusieurs mais j'avais repoussé celui-ci. Il n'est sans doute pas indispensable de le lire mais il est bon qu'il existe pour permettre de parler de ce qu'il s'est passé là bas.

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  5. C'est vrai qu'on ne peut le recommander, et pourtant...

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    1. Oui, mais il me semble qu'il faut le lire au bon moment et cela appartient à chacun de reconnaitre ce moment. Et puis cela me semblait insuffisant de le recommander, c'est tellement plus important que cela.

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  6. J'ai du mal à considérer ce livre comme un roman, je dirai que c'est plus un témoignage.

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    1. Oui, tu as raison. C'est un terme que j'ai utilisé un peu par habitude parce qu'effectivement, cela n'a rien d'un roman.

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