Bien que Laurent Gaudé
soit présent dans ma PAL depuis plusieurs années, je n’avais jamais lu la
moindre ligne de cet auteur.
Encensé par la critique
et par bon nombre de lecteurs, il évoque pour moi le figure de l’auteur à la
mode mais exigeant, loin des bestsellers habituels et pourtant assez vendu pour
se permettre de proposer des textes pointus.
Le choix de sa maison
d’édition renforce d’ailleurs cette image, puisque ce sont les éditions Acte
sud qui se chargent des sorties de nouveaux romans, tandis que les poches
sortent d’abord chez Babel.
J’avais donc dans les
mains une belle promesse de lecture en recevant ce roman.
Alexandre sait récompenser ses troupes. Après la
bataille vient le festin, la fête, l’orgie à laquelle chacun de ses généraux
est invité à participer.
Mais ce jour là, alors qu’il s’était laissé aller
à danser pour son musicien préféré, le grand Alexandre s’effondre et ne se
relève pas.
La fièvre le prend alors et ne le lâchera plus.
Dans sa tour au milieu du désert, Drypteis s’est
retirée du monde.
Elle veille sur son enfant et vit au rythme de la
communauté religieuse qui l’a accueilli. Mais l’empire la rattrape.
Il faut partir et suivre les soldats.
Éricléops, fidèle soldat d’Alexandre, et allé
jusqu’en Inde délivrer le message d’Alexandre.
Il revient porteur d’une réponse mais c’est
Alexandre qui va le rejoindre.
Que dire de ce roman,
sinon que je l’ai trouvé magnifique.
L’écriture de Laurent
Gaudé est soignée, recherchée sans affectation, équilibrée, rythmée.
Le récit est construit
sur l’alternance de plusieurs voix qui se succèdent sans ordre apparent pour
raconter cette histoire.
Le style ne change pas
entre ces différents personnages, mais chacune de ces voix a sa particularité,
sa vision des choses, ses espérances ou au contraire une conscience aigue de
son destin et de sa fin.
Chacune donne au lecteur
un point de vue différent et une occasion de s’intégrer dans le récit.
Clairement, c’est l’histoire
de Drypteis qui m’a le plus séduite.
Cette femme qui a voulu
s’extraire de son destin, prendre sa vie en main en se retirant aux confins de
son monde et se retrouve malgré elle au milieu d’un nouveau carnage, m’a
profondément touchée.
Son chemin est long et
difficile mais elle le choisit, elle ne se laisse pas faire et le texte est à
la hauteur de sa personnalité.
Son voyage entraine les
autres, et si Alexandre est au cœur du récit, il ne peut que se laisser porter,
demander pour être exaucé sans pouvoir agir lui-même.
Il en est de même pour Éricléops,
qui parvient à s’extraire de sa condition pour guider ses anciens camarades,
mais reste soumis à Alexandre.
Les jeux de pouvoir, la
quête du trône d’Alexandre passent alors au second plan pour laisser la place à
autre chose, à une quête de soi même et de sa place en ce monde.
Quelle est la place de
Drypteis, du corps d’Alexandre, de chacun de ses lieutenants, de son
épouse ?
Comment trouver sa place
en ce monde quand d’autres ont choisi pour vous ? Comment s’extraire d’un
destin qui vous enferme et tente de vous rattraper ? N’y a-t-il que la
mort pour solution ou la disparition pourrait-elle suffire ?
Évidemment, le commun des
mortels a peu l’occasion de se poser ces questions, mais si aucun empire ne
souhaite vous rattraper, vivez-vous pour autant la vie à laquelle vous
aspiriez ?
D’autres que vous même
n’ont-ils pas essayé de vous entrainer sur des chemins qui n’étaient pas faits
pour vous ?
Au delà
d’Alexandre et du roman historique, ce roman m’a semblé parler de choix de vie,
de poids sur les épaules et d’acceptation de soi.
Bien sûr, il faut adhérer
dès le départ à ce récit d’outre-tombe, et j’ai parfois trouvé un peu too much l’arrivée d’un fantôme au
milieu de la plaine.
La quantité pléthorique
de personnages m’a aussi perdu quelques fois.
Ces deux petites réserves
n’ont toutefois jamais gêné ma lecture.
Si vous aimez Laurent
Gaudé, si vous appréciez la belle écriture, les romans travaillés, exigeants
mais qui n’excluent personne, si vous avez une passion pour Alexandre le Grand
ou les romans historiques (mais celui-ci va au-delà), ce livre pourrait bien
vous plaire.
Je clos le 1er
pourcentage du challenge 1% Rentrée littéraire 2012 avec ce 7e roman.