lundi 23 novembre 2015

Paris

© Julien Ribot
Souffler, emplir ses poumons, retrouver l'air qui me fait défaut dans tes rues, sentir un poids qui s'éloigne quand je te quitte. 
Paris tu m'oppresses, tu m'effraie, tu m'enserre dans un étau de peur qui alourdit mes pas, qui s'accroche à mon cou, qui me tire vers le bas. 
Je voudrais retrouver cette légèreté perdue, ce souffle de vie permanent qui parfois me fatigue, ce bruit, ce mouvement, ces humeurs et ces emportements qui font les parisiens. 
Je voudrais que ce silence cesse, que les conversations reprennent, que l'on cesse même de se regarder avec un petit sourire qui dit tout notre amour et notre soutien, parce qu'il dit aussi la blessure et la peine, la peur et le combat. 
Je voudrais pouvoir me dire "je n'ai plus peur" et y croire. 
Je voudrais partir en paix chaque matin de chez moi en pensant simplement que mes étudiants vont encore dormir en cours, en me demandant qui sera là pour le déjeuner, si le soleil va nous accompagner aujourd'hui, quelle balade je pourrais faire en rentrant du bureau...
Je voudrais recommencer à râler et pester après tout et rien. 
Je voudrais cesser de regarder autour de moi en cherchant d'où va venir la prochaine menace. 
Je voudrais vivre. 
On ne sait pas ce qu'on perd dit le proverbe, jusqu'à ce qu'on l'ait perdu, et l'insouciance est de ces possessions qu'on affirme volontiers ne pas posséder jusqu'à ce qu'on nous la vole. 
Il n'est plus temps alors de la regretter, elle reviendra plus tard, quand le vent aura emporté les nuages, quand on s'autorisera à nouveau à respirer, quand ce qui pèse s'allègera et nous rendra le souffle. 
Mais en attendant, il faut vivre et peut-être vivre mieux pour ceux qui ne sont plus, mais surtout pour soi. 
L'insouciance reviendra, sans un mot, elle revient toujours. 
Elle sera d'humeur changeante, on ne la verra pas immédiatement, et puis un jour on s'apercevra qu'elle est là. 
Oh elle fera encore de petites fugues, elle prendra parfois la fuite face à une image, un son, un parfum, elle laissera place à la nostalgie et son cortège, elle rasera les murs pour nous laisser faire notre deuil. 

A toi qui n'est pas Parisien, recommence à nous haïr, nous les prétentieux jamais contents égocentriques exubérants râleurs envahissants beaux parleurs, ça nous rend plus vivants !  
Mais laisse-nous un peu de temps pour digérer et garde une petite place pour un peu de compassion face à ce qui s'est abattu sur certains d'entre nous avec une rage aveugle et nous a si profondément changés. 




En ce lundi, la photo si parisienne choisie par Leiloona m'a menée vers un texte un peu hors sujet mais elle m'a aussi montrée cette petite lumière allumée dans l'obscurité. 
Je ne suis qu'une Parisienne de pacotille, une Parisienne de jour qui vit à la campagne, mais je ressens violemment ce décalage entre deux ressentis lorsque je passe de l'une à l'autre. 
La France est affligée, nous sommes nombreux à être touchés plus ou moins directement, mais je peux vous assurer que Paris n'est plus Paris. 









16 commentaires:

  1. Oui, l'insouciance reviendra, nous garderons dans un coin de notre tête ce 13 novembre mais la vie est plus forte que la peur.

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    1. Oui, tu as raison. Ce ne sera plus pareil, mais ça reviendra.

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  2. Patience...les choses iront mieux, pas tout de suite mais plus tard ! Oui vivre est la seule solution ou sinon rentrer dans une grotte et hiberner !
    Sinon, pour te permettre de râler un peu, Camille ça va pas nous aider à ne plus haïr les parigots...Warf :D

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    1. Ah mais haïssons les Parisiens, ça veut dire que tout est redevenu normal ;^)

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    2. Mais au fait c'est une arnaque ton truc puisque tu n'es pas parisienne je crois... :D

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    3. Ah mais je le dis ;^) Mais je t'assure que quand je rentre dans ma campagne, pour mes voisins, je suis la Parisienne !

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  3. Il faudra bien sûr que l'insouciance revienne... Il est trop tôt, je crois.

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    1. Oui, mais quand je rentre dans ma campagne, j'ai souvent l'impression que les gens ne comprennent pas, qu'ils trouvent qu'on exagère. Il faut laisser le temps faire son oeuvre, et pour une fois, accepter que Paris ne vive pas les évènements comme la province.

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  4. J'aime tes mots sur l'insouciance,ce sentiment si leger qu'on ne le reconnaît que lorsqu'on l'a perdu....Une jolie écriture imagée...

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  5. Bravo pour ce beau texte et bonne semaine !

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  6. Comme toi je veux encore croire à l'insouciance de ces petites fugues. Un très beau texte!

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    1. Merci Sabine. Le bon temps reviendra, il faut patienter.

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  7. J'ai été banlieusarde pendant cinq ans. J'aime Paris et son agitation.
    J'y retourne de temps en temps.
    Notamment le week-end prochain : et comme toi, j'ai peur de sentir "peser" cette atmosphère lourde autour de moi.
    J'aimerais pouvoir dire que je n'ai pas peur, mais ce serait faux.
    Mais j'irai quand même.

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    1. Oui, il faut y aller quand même, mais pas au prix d'une montée de stress trop importante. On n'est pas obligé de se faire du mal dans la plupart des cas. Si tu le sens, alors il faut le faire tout de même. Et tout le monde a peur, ça se voit dès qu'il y a un bruit ou quelqu'un qui parle un peu fort ;^)

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