Paris était un doux rêve...
Mais j'y suis, me voilà.
Tel Rastignac, je regarde aujourd'hui les dorures de l'Opéra et j'y suis, c'est pour moi.
Je ne peux m'empêcher de penser qu'ils se sont trompés, qu'ils vont s'en apercevoir, qu'il vont m'annoncer que ce n'est pas moi qui ait eu la place.
La confiance en soi n'est pas mon fort, je le sais.
Il y a bien longtemps que j'ai chaussé les pointes.
Je me souviens de ce mercredi où ma mère m'a emmené pour la première fois dans cette petite salle si lumineuse où officiait cette femme fine et longue qui nous tirait sur les bras quand ils n'étaient pas assez tendus.
J'ai changé trois fois d'enseignante depuis.
J'ai tout appris : les pointes, les figures, la grâce.
J'ai aussi appris à me coiffer, à me tenir droite, à panser mes pieds meurtris.
L'apprentissage a été fait de bonheur et de souffrance.
Mais c'est un peu la vie, non ?
Ma première fois sur scène me l'a appris très tôt.
Le trac avant de monter sur scène, le peur de mal faire, l'envie de faire demi-tour, et puis le bonheur d'être là, de maitriser la situation, d'enchaîner les pas appris sans erreur.
Et surtout, la joie des applaudissements, la fierté d'y être parvenue, le besoin de retrouver ce moment si particulier aussi.
Je crois bien que c'est après cela que je cours.
Le goût de l'adulation, de la gloire sans doute.
Mais j'aime aussi l'ambiance, la vie de danseuse.
Et à l'Opéra, je sens que je vais être bien.
La compétition, les horaires, les représentations... c'est ce qui fait ma vie.
J'ai senti ce décalage avec les autres quand j'ai pris le métro ce matin.
Je les ai observé aller au bureau, je les ai imaginé enlevant leur manteau, puis s'installant derrière leur ordinateur pour y passer la journée.
J'ai alors pris conscience que ma journée sera beaucoup plus longue, mais tellement plus belle.
Nos vies ne sont pas les vôtres.
Moi, j'ai choisi cette vie il y a longtemps.
D'autres subissent la leur, j'ai décidé de prendre la mienne à bras le corps, d'être maitre de mon destin.
Mais je ne suis pas seule.
Ma mère m'a toujours soutenue.
Elle me regarde avec admiration, un sentiment qui remplace souvent l'amour sans faille qu'elle me portait auparavant.
Cela me blesse parfois.
J'aimerais retrouver dans ses yeux ce qu'elle y mettait il y a trop longtemps.
Mais le peut-elle, elle qui a tant rêvée en son temps de rejoindre la troupe dans laquelle je m'apprête à entrer ?
Est-ce bien mon rêve finalement ?
© Romaric Cazaux |
Mais j'y suis, me voilà.
Tel Rastignac, je regarde aujourd'hui les dorures de l'Opéra et j'y suis, c'est pour moi.
Je ne peux m'empêcher de penser qu'ils se sont trompés, qu'ils vont s'en apercevoir, qu'il vont m'annoncer que ce n'est pas moi qui ait eu la place.
La confiance en soi n'est pas mon fort, je le sais.
Il y a bien longtemps que j'ai chaussé les pointes.
Je me souviens de ce mercredi où ma mère m'a emmené pour la première fois dans cette petite salle si lumineuse où officiait cette femme fine et longue qui nous tirait sur les bras quand ils n'étaient pas assez tendus.
J'ai changé trois fois d'enseignante depuis.
J'ai tout appris : les pointes, les figures, la grâce.
J'ai aussi appris à me coiffer, à me tenir droite, à panser mes pieds meurtris.
L'apprentissage a été fait de bonheur et de souffrance.
Mais c'est un peu la vie, non ?
Ma première fois sur scène me l'a appris très tôt.
Le trac avant de monter sur scène, le peur de mal faire, l'envie de faire demi-tour, et puis le bonheur d'être là, de maitriser la situation, d'enchaîner les pas appris sans erreur.
Et surtout, la joie des applaudissements, la fierté d'y être parvenue, le besoin de retrouver ce moment si particulier aussi.
Je crois bien que c'est après cela que je cours.
Le goût de l'adulation, de la gloire sans doute.
Mais j'aime aussi l'ambiance, la vie de danseuse.
Et à l'Opéra, je sens que je vais être bien.
La compétition, les horaires, les représentations... c'est ce qui fait ma vie.
J'ai senti ce décalage avec les autres quand j'ai pris le métro ce matin.
Je les ai observé aller au bureau, je les ai imaginé enlevant leur manteau, puis s'installant derrière leur ordinateur pour y passer la journée.
J'ai alors pris conscience que ma journée sera beaucoup plus longue, mais tellement plus belle.
Nos vies ne sont pas les vôtres.
Moi, j'ai choisi cette vie il y a longtemps.
D'autres subissent la leur, j'ai décidé de prendre la mienne à bras le corps, d'être maitre de mon destin.
Mais je ne suis pas seule.
Ma mère m'a toujours soutenue.
Elle me regarde avec admiration, un sentiment qui remplace souvent l'amour sans faille qu'elle me portait auparavant.
Cela me blesse parfois.
J'aimerais retrouver dans ses yeux ce qu'elle y mettait il y a trop longtemps.
Mais le peut-elle, elle qui a tant rêvée en son temps de rejoindre la troupe dans laquelle je m'apprête à entrer ?
Est-ce bien mon rêve finalement ?
Voilà mon petit texte du lundi matin pour l’atelier d’écriturede Leiloona, comme souvent écrit d'un jet, en laissant l'histoire se construire elle-même.
Je n'étais pas forcément partie sur cette idée, mais ça me plait.
Et sur le blog de Leiloona, vous trouverez les liens vers les autres textes...
Je n'étais pas forcément partie sur cette idée, mais ça me plait.
Et sur le blog de Leiloona, vous trouverez les liens vers les autres textes...
ON sent d'ailleurs que tu n'es pas partie sur cette idée... j'aime, comme si elle se rendait compte, finalement, que l'on est parfois moins libre de ses choix que ce que l'on veut bien croire!
RépondreEffacerOui, mais cette prise de conscience ne l'empêche sans doute pas de poursuivre dans cette voie qu'elle a quand même choisi :^)
EffacerUn joli retournement de situation finale
RépondreEffacerMerci :^D
EffacerC'est une belle vie qu'elle choisit, difficile mais tellement enthousiasmante. J'aurais aimé avoir une vie d'artiste, créative qui sort de l'ordinaire. Mais c'est vrai aussi que souvent les parents projettent leurs rêves sur leurs enfants. Tu réussis à évoquer beaucoup de thématiques dans ton texte notamment la complexité des rapports entre une mère et sa fille.
RépondreEffacerLes vies créatives sont souvent aussi des vies très contraignantes paradoxalement. Et puis je crois qu'à partir d'un certain âge, on décide soi-même de se plier à ces rêves "de famille" ou au contraire de s'y opposer, même si c'est inconsciemment. Comme tu le dis, les rapports mère-fille sont complexes et même si on essaie de ne pas faire certaines choses, je crois qu'on ne peut pas éviter tous les traumatismes et tous les transferts.
Effacerqui de l'une ou de l'autre ??? éternelle question
RépondreEffaceroui, et y-a-t'il une réponse ? ;^)
EffacerAime-t-elle sa vie ou est-ce de l'auto-persuasion ? De nombreux textes aujourd'hui évoquent la complexité de la relation mère/fille.
RépondreEffacerJe pense qu'elle aime sa vie mais au seuil d'un tournant majeur pour elle, elle se laisse aller à un peu d'introspection ;^)
EffacerC'est fou comment ces histoires de danse se trouvent souvent étrangement liées à des relations mères-filles finalement assez douloureuses. J'aime aussi beaucoup ce retournement qui donne un tout autre sens au texte.
RépondreEffacerMerci :^) C'est vrai qu'on pense souvent à ça alors qu'il y a sans doute plein de mères qui ne rêvent pas de cette vie pour leur fille. Je ne suis pas sure que cette jeune femme soit en souffrance, mais elle se laisse aller à quelques réflexions personnelles.
EffacerJe ne suis pas sûre que cette jeune fille aurait tenu jusque là si elle n'y avait pas trouvé des satisfactions et montré qu'elle était douée pour ça...Bien sûr qu'au départ il y a eu un désir fort de la mère mais on la sent heureuse de faire partie d'une"élite",et qui a dit qu'un regard plein d'admiration d'une mère n'était pas un regard d'amour?....
RépondreEffacerTu as tout à fait raison et je le voyais plutôt comme une divagation introspective au moment de changer de vie et d'entamer un nouveau chapitre. Par contre, parfois, il y a une distance dans l'admiration qui éloigne un peu celui qui regarde, même s'il y a beaucoup d'amour. On sent une attente de la part de l'autre qui n'est pas forcément facile à satisfaire.
Effacerje n'avais pas pensé à la pression générée par l'admiration:on veut à tout prix être à la hauteur,alors que dans le regard d'amour il y a un grand espace de liberté....Je comprends tres bien ce que tu as voulu dire...Je retire la fin de mon commentaire!!!
EffacerOui on peut se demander à qui appartient le rêve de ces petites filles... ;)
RépondreEffacerSans doute à elle aussi quand elles arrivent à ce niveau, et je veux croire que toutes les mères ne rêvent pas de faire des ballerines de leur fille ;^)
EffacerC'est toute la question de "que fait-on et pour qui ?"
RépondreEffacerTexte joliment mené
Merci Stephie. Je crois qu'on le fait toujours un peu pour soi quand même ;^)
EffacerHé bien tu vois, tu écris très joliment (d'une traite en plus bravo !) ! Là où j'émets un bémol, en tant qu'ancienne "petite danseuse", obligée d'arrêter c'est que malgré une maman qui aurait eu ce rêve non réalisé, je n'aurais pas été loin, si la rage de danser n'y était pas... Mon cas est complètement différent mais la phrase "est-ce bien mon rêve finalement", je la trouve un peu mature pour cette jeune fille, sinon c'est parfait ! :)
RépondreEffacerTu as tout à fait raison, elle a évidemment eu envie d'aller jusque là mais je l'imagine assez bien se poser cette question à l'aube d'un changement de vie majeur pour elle. Mais l'interrogation ne préjuge pas de la réponse et il me semble qu'il faut tout de même de la maturité pour partir vivre seule cette vie difficile. Et en même temps, tu as raison, les ballerines arrivent jeunes à l'Opéra.
EffacerTu écris des textes...
RépondreEffacerIl n'y a que ton personnage qui puisse répondre à la question finale...mais belle évocation de cet univers difficile et impitoyable qui fait tant rêver les petites filles et aussi les petits mecs d'ailleurs !
Merci MTG, je crois que les rêves ne sont pas tous faits pour être réalisés mais heureusement que certains y parviennent tout de même.
EffacerEt j'écris des choses plus effrayantes parfois, mais on ne peut pas toujours mettre des serial killers partout ;^)