Face à Notre-Dame sur ce quai désert, elle avait la vie devant elle et des projets plein la tête.
Elle avait installé son trépied, vissé son reflex et ajusté la luminosité et le temps d'exposition.
Cette photo était le point d'orgue de sa série sur les SDF qui dormaient sur les quais.
Elle en avait photographié des dizaines, de jour, de nuit, à leur insu, avec leur accord.
Elle voulait dénoncer leurs conditions de vie, ou plutôt de survie.
Elle voulait dénoncer leurs conditions de vie, ou plutôt de survie.
En contrepoint de ces vies minuscules et oubliés, de ceux qu'on ne veut pas voir, elle voulait que chacun visualise la vacuité de ces vues de carte postale qu'on affiche dans son salon pour montrer son bon goût.
Elle avait cadré la vue, en choisissant un point où les humains n'apparaissaient pas.
Les lignes, les lumières, le noir et blanc devraient faire leur effet.
Elle avait cadré la vue, en choisissant un point où les humains n'apparaissaient pas.
Les lignes, les lumières, le noir et blanc devraient faire leur effet.
La salle était réservée, elle avait commencé à penser l'installation des clichés et le sens de circulation des visiteurs.
Tout n'était pas prêt et il lui restait aussi du travail pour l'exposition de son travail final aux beaux-arts.
Un cycle s'achevait avec la fin de ses études.
Elle était évidemment nostalgique de ces années d'euphorie qu'elle avait partagé avec ceux de sa promo.
L'émulation du groupe, la créativité permanente, l'apprentissage de nouvelles techniques, c'était grisant et enthousiasmant.
Mais elle avait confiance en elle (qui d'autre sinon ?), une grande carrière de photographe l'attendait et elle était impatiente de pouvoir se lancer réellement.
Elle savait que cela ne serait pas simple mais elle connaissait du monde et puis Benoît l'aiderait.
Cela semblait agréable d'avoir enfin quelqu'un sur qui compter.
Elle l'avait rencontré il y a peu de temps mais il s'était déjà imposé dans sa vie.
Il prenait les choses en main, il l'aidait, la maternait un peu, la protégeait surtout.
Il s'était occupé de tout pour l'expo.
Elle n'avait pas encore vu la salle mais il lui avait tracé un plan et lui avait donné toutes les informations nécessaires.
Et puis elle s'était re concentrée sur cette photo.
Là, face à la vue superbe, elle défiait notre dame.
Pour une fois, la beauté du bâtiment ne prendrait pas.
Il fallait que chacun la voie comme elle, comme un bloc de pierre froid et vide.
Elle avait ajusté son appareil photo par deux fois, comme si cette dernière photo ne voulait pas se prendre.
Elle avait recommencé une troisième fois, il restait une zone de flou qui ne lui plaisait pas.
Et puis finalement, au moment où ce bateau mouche entrait dans le champ, elle avait déclenché.
Comme c'était loin tout ça.
Elle avait recommencé une troisième fois, il restait une zone de flou qui ne lui plaisait pas.
Et puis finalement, au moment où ce bateau mouche entrait dans le champ, elle avait déclenché.
Comme c'était loin tout ça.
Elle reposa la photo qui n'avait jamais été tiré à plus d'un exemplaire sur l'étagère après avoir essuyé la poussière qui s'y était déposé.
Benoît allait rentrer, il fallait qu'elle s'y remette.
La vaisselle l'attendait avant d'aller chercher les enfants à l'école et il y a bien longtemps que son reflex avait été revendu.
Comme souvent, je crois que la fin de ce petit texte est un peu trop évasive, mais c'est aussi ce qui fait le charme de cet atelier il me semble :)
Vous trouverez d'autres textes chez Leiloona.