Je dois vous avouer un secret : je suis fan de films
d'anticipation !
J'adore Bienvenue à
Gattaca sans restriction, je suis fan de Minority Report et
d'Inception.
Mais quand il s'agit de livres, j'ai plus de mal, je l'avoue.
Néanmoins,
quand j'ai vu ce titre dans la sélection du prix Audiolib, j'étais
ravie de pouvoir lire ce classique du genre, un peu pour le découvrir et un peu pour voir si
vraiment je n'aime pas ça.
Alors en route pour le futur.
En l'an 632 de l'ère de Ford, les bébés
poussent dans des bocaux et sont sélectionnés pour accomplir
toute leur vie la même tâche.
Pour les tâches serviles et peu attrayantes, les
embryons sont répétés encore et encore, créant
des bataillons d'individus tous identiques destinés à
appuyer sur un bouton ou permettre aux Alpha
plus élaborés de vivre leur vie le plus
confortablement possible.
Les rations de Somma permettent de tout supporter, de se
mettre en congé de sa vie et de tout oublier.
Les traitements maintiennent les corps jeunes et en bonne
santé.
Dans ce monde aseptisé où tout est à
sa place, Lenina a envie de sortir un peu de sa routine et elle accepte
l'invitation de Bernard pour aller passer les vacances dans la réserve
à
sauvage qu'il souhaite visiter.
Mais la visite ne va pas tout à fait se passer
comme prévu.
Bon, disons le clairement, le début
du récit m'a paru imbuvable
et je crois que c'est en partie dû
à la version audio (mais en partie seulement et juste pour le début).
Dans un roman d'anticipation, forcément,
il faut présenter au
lecteur tout ce qu'il s'est passé pendant
les années qui le séparent du récit.
Il faut expliquer, détailler
un peu et cela nécessite
d'y passer quelques pages.
Huxley le fait plutôt
bien en utilisant le motif de la visite de novices à qui on explique les choses.
C'est une étape
indispensable et il choisit d'utiliser des étudiants
qui visitent le centre de créations
des nouveaux humains produits en flacon, ce qui en fait un passage un peu sec
et hiératique.
C'est plutôt
lassant, et j'étais parfois
un peu perdue, surtout en audio où il faut être attentif.
Du coup, j'ai eu peur que cela se poursuive sur le même ton.
Heureusement, il n'en est rien.
Passé les
premières pages, le récit démarre vraiment, Lénina
confirme à Bernard qu'elle
viendra avec lui et ça
devient vraiment intéressant.
Huxley crée
deux mondes parallèles :
celui qui vit selon les principes de Ford, et la réserve à
sauvages qui croit en Dieu et vit sans technologie.
Mais les codes qui régissent
ces deux fonctionnements sont finalement assez proches.
Dans les deux cas, les individus sont endoctrinés, aveuglés par la manipulation mentale qu'ils ont subis
depuis leur enfance mais les résultats
sont contradictoires.
On peut alors s'interroger sur la cible de l'auteur.
Le contrôle
par la technologie est-il identique au conditionnement religieux ?
Vouloir le bonheur de tous en le leur imposant est-il une
solution idéale ?
Ce roman donne assurément
à réfléchir.
Il est rempli de références comme le mythe du bon
sauvage, les expositions universelles du 19e siècle
avec les cages remplies de "sauvages", le conditionnement
psychologique, les méfaits
de la religion, le rejet de la différence,
la reproduction sociale, l'asepsie de plus en plus présente, la quête
du bonheur sans son pendant qui permet de l'apprécier...
Sans compter les noms de certains personnages qui sont des références
à peine voilées.
On ne peut pas en sortir indemne et il me semble que le lecteur
sera forcément touché par l'un de ces thèmes.
L'irruption d'un individu différent,
un sauvage né d'un père et d'une mère, dans cette société
bien organisée met
forcément en valeur les excès du contrôle (et de la drogue).
J'ai évoqué la version audio
un peu plus haut.
Le lecteur Thibault de Montalembert est très bon.
Je l'avais déjà constaté en écoutant l'île du point Nemo l'an dernier (serait-il toujours assigné à
la science-fiction ?), il a un ton et un timbre de voix vraiment très
agréable.
Mais dans le roman, Huxley s'amuse à
croiser les voix de ses personnages, ce qui rend le récit
vivant.
Or, quand on écoute l'histoire, même
si le lecteur module sa voix en fonction des personnages, ces passages sont
difficiles à saisir.
Comme il n'y en a que deux, on passe néanmoins
outre sans problème.
La dernière plage du CD comporte aussi un texte
de l'auteur qui revient sur son récit plusieurs années
plus tard.
Il évoque notamment la fin de l'histoire
et explique qu'il aurait pu finir autrement, même si au moment de
l'écriture, il n'a vu qu'une fin possible.
Pour résumer,
c'est donc une très bonne
version du roman, mais il vous faudra peut-être avoir la patience de passer la piste 7
pour bien l'apprécier.