Je croyais que le thème
de la dépression était passé de mode, mais apparemment ce n’est pas le cas.
C’est le troisième roman
de la rentrée littéraire que je lis, et après la dépression de la quarantaine
dans Reste l’été, j’enchaine avec
celle de la cinquantaine.
Pas très varié tout ça.
Lorraine Ageval passe l’été chez ses amies
d’enfance Douce et Hélène dans leur maison de famille du bassin d’Arcachon.
Cela fait plus de quinze ans qu’elle n’est pas
venue.
Depuis son second mariage, elle vit recluse, ne chante
plus, ne fait plus de film ou d’apparition publique. Pourtant, elle a connu
l’apogée de sa gloire en 1965 avec un film que l’on regarde encore, la Reine
visage. Ses chansons sont toujours diffusées et quand elle sort, on la
reconnaît dans la rue.
Mais son mariage est terminé et la voilà seule,
vide et sans but, ne sachant pas vraiment
si cela vaut la peine de continuer.
Puis elle rencontre Iohan, un jeune paumé, 17 ans
et le cœur en bandoulière, l’œil au beurre noir et la tête en vrac.
Lorraine se trouve alors un but, elle prend Iohan
avec elle, le traitant comme son fils alors qu’elle n’a pas su élever le sien…
Commençons par
l’histoire.
Jusqu’à la page 100, tout
va bien.
C’est intéressant, on
suit cette femme à la dérive, qui se retrouve seule et ne sait plus trop où
elle en est.
Les phrases sont parfois
maladroites, mais les relations entre les personnages fonctionnent, tous sont
perdus dans une grande maison qui semble s’effondrer mais tient bon, un peu
comme leurs vies.
J’attendais donc de voir
comment tout cela allait évoluer, comment cet équilibre fragile qui venait de
s’instaurer allait se prolonger ou au contraire se briser.
Et puis tout à coup,
Lorraine rentre à Paris avec Iohan dans ses bagages, sans crier gare et sans
que le lecteur en soit vraiment informé.
Soit, appelons cela un
coup de tête.
C’est alors que tout se
corse.
Tandis que le personnage
de Lorraine suit son chemin de dépressive droguée aux tranquillisants, l’auteur
emporte Iohan dans des scènes orgiaques au bois de Boulogne, en boite de nuit,
dans une voiture…
Ne vous inquiétez pas, il
ne vous épargnera rien, ni les positions, ni les gestes des participants,
décrits avec une exactitude de phrases et de vocabulaire qui m’a franchement rebutée.
Il ne s’agit pas de pruderie,
mais je ne vois pas ce que cela apporte à l’histoire. D’ailleurs, j’ai fini par
passer la plupart de ces pages sans que cela m’empêche de suivre le reste.
C’est superflu et sans
lien réel avec l’histoire de Lorraine qui se serait sans doute suffit à
elle-même.
J’ai bien pensé au sida
(vu tous les hommes que Iohan « croise »), mais il n’en est jamais question.
Ou alors il s’agit du
Poivre du titre. Si c’est le cas, c’est un peu tordu mais admettons.
(Je ne vous en dis pas
plus, ce serait dommage tout de même).
Quant au style, je l’ai
parfois trouvé bancal.
Je passe sur les scènes
de sexe trop crues, sans aucune poésie ni attrait dont j’ai déjà parlé.
L’auteur a choisi de
raconter la majeure partie de l’histoire au présent, sans doute pour renforcer
la distance avec le passé, avec la jeunesse.
Les phrases sont courtes,
elles s’enchainent sans liaison apparente mais cela pourrait fonctionner s’il
n’y avait pas de temps en temps une image un peu tordue.
En voici une par
exemple : « les bateaux font des incisions blanches en silence sur le
bassin ».
C’est forcément
personnel, mais ces incisions me laissent de marbre.
Au final, cela donne donc
un roman qui pourrait être intéressant, mais qui se révèle déséquilibré, avec
des maladresses parfois agaçantes et un trop plein de sexe injustifié.
Évidemment, cet avis
n’engage que moi.
Si vous êtes fan de roman
pornographique ou si vous êtes prêt à sauter des passages pour connaître
l’histoire de Lorraine Ageval, ce livre pourrait vous plaire.