Cette rentrée littéraire est pleine de belles
surprises !
Et pourtant, il n’est pas facile de choisir ce qui va
réellement nous plaire quand on n’a qu’une couverture et un petit résumé.
Je pourrais attendre, voir les billets de blog fleurir et
lire ces romans une fois que tout aura été dit dessus, mais c’est moins drôle,
vous l’avouerez.
Et puis parfois, de billets en billets, on découvre beaucoup
trop d’informations sur la trame du récit et adieu les surprises et les
dévoilements progressifs.
Pour Petit Pays,
pas de rebondissements à répétition (une surprise à la fin tout de même), pas
de grosses surprises, mais une écriture magnifique et un récit parfaitement
maitrisé !
Pour un premier roman, c’est un coup de maitre !
Son pays, c’est le
Burundi, c’est là qu’il a grandit avec sa sœur Ana dans une impasse avec ses
copains.
Un papa français, une
maman rwandaise, ça ne gênait pas grand monde dans cette petite rue où on
pouvait passer l’après-midi à voler des mangues et les dévorer cachés dans un
van abandonné sur le terrain vague.
Et puis les élections
sont arrivées, le président a changé.
Et puis le Rwanda
voisin a basculé et tout a changé…
J’ai tourné longtemps autour de ce roman.
Le sujet ne m’enthousiasmait guère, je l’avoue.
La guerre, le Rwanda, les massacres, ce n’était pas ce que
j’avais envie de lire en cette fin d’été.
Et puis finalement, je me suis décidée.
Et j’ai bien fait.
Le récit débute par une alternance de chapitres en italique
et en police normale.
L’italique, c’est Gaby aujourd’hui, jeune homme déraciné qui
ne trouve pas sa place et qui n’a qu’une envie : replonger dans ses années
d’enfance idéalisées.
La police normale, c’est Gaby enfant qui raconte ses
journées loin des préoccupations des adultes qui vont le rattraper.
Les mots sont bien choisis, les phrases claquent et ces
passages en italique sont absolument magnifiques !
Je note rarement des citations, mais là, on ne peut que
relire plusieurs fois ces phrases qui disent tout en quelques mots (que je mets
à la fin de mon billet).
Et puis les mots se font plus classiques pour raconter les
jours heureux et on se plonge dans cette enfance au goût de mangues qui va se
terminer si brutalement.
Mais la très bonne idée de ce roman, c’est d’avoir tenu Gaby
un peu à l’écart de cette guerre qui gronde.
Il vit dans son impasse, il joue avec ses amis et ses
parents ont tenus à ne pas lui parler de politique.
Evidemment, il sait confusément ce qui se passe, il voit, il
entend certaines choses, mais pendant plusieurs semaines, ce n’est qu’un
arrière-plan qui l’inquiète sans le toucher.
Et puis il va être rattrapé par les paroles de ses amis, par
les événements eux-mêmes, avant que tout bascule.
Ce n’est pas un roman qui se complait dans l’horreur, c’est
un roman qui dit les choses, qui parle de l’indicible avec des mots simples et
beaux, qui raconte ce qu’il ne faut pas oublier.
Comme dans la vraie vie, la guerre n’est pas là d’un coup
détruisant tout sur son passage mais elle s’immisce dans la vie de ceux qui la
subisse pour les marquer à vie.
Petit pays raconte
ce basculement de centaines de vie, il rappelle qu’il ne faut pas oublier, il
rappelle aussi le rôle des Français dans le massacre du Rwanda par quelques
mots isolés.
Il célèbre aussi le pouvoir des livres et c’est très beau à
lire !
Ne faites pas comme moi, n’hésitez pas pour lire ce livre.
Il est beau, il dit de belles choses dans une belle langue,
et de beaucoup moins belles qu’il ne faut pas oublier.
A ne pas manquer !
« Une
chaine d'infos en continu diffuse des images d'êtres humains fuyant la guerre.
J'observe leurs embarcations de fortune accoster sur le sol européen. Les
enfants qui en sortent sont transis de froid, affamés, déshydratés. Ils jouent
leur vie sur le terrain de la folie du monde. »
« Je
n'habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la
topographie d'un lieu, l'anfractuosité de l'environnement. Ici, rien de tout
ça. Je ne fais que passer. Je loge. Je crèche. Je squatte. Ma cité est dortoir
et fonctionnelle. »
« Grâce
à mes lecture, j’avais aboli les limites de l’impasse, je respirais à nouveau,
le monde s’étendait plus loin, au-delà des clôtures qui nous recroquevillaient
sur nous-mêmes et sur nos peurs. »
Gaël Faye chantait des chansons jusqu'à maintenant :)
Et bravo pour le prix du roman Fnac !