Je connaissais d'ailleurs davantage sa réputation que son
travail, et je n'aurais pas été capable de citer un seul de ses titres, ce que
je mets dans la catégorie de mes hontes personnelles.
Rassurez-vous, je n'ai pas réellement de hontes inavouables,
et cette catégorie de mon égo personnel n'est là que pour m'indiquer les
lacunes à combler.
Pour en revenir à Somerset Maugham, le partenariat auquel
j'ai répondu chez Livraddict était une belle occasion de combler cette lacune.
800 pages d'un coup, c'est une belle progression !
Ce que je n'avais pas vu (j'ai sans doute lu en diagonale),
c'est que ce livre est en fait la réunion de plus d'une vingtaine de nouvelles
de l'auteur.
Il s'agit du dernier tome publié par les éditions Robert Laffont.
Chaque tome contient plus de 800 pages afin de pouvoir présenter la production
mirifique de l'auteur.
Dans celui-ci, il y a 30 nouvelles de taille variable. Certaines se déroulent en 4 ou 5 pages
quand d'autres se déploient en 45 pages.
Difficile de faire un résumé de nouvelles, mais je vais
essayer de vous parler de celle qui m'a le plus marqué et du cadre commun à
toutes les nouvelles.
Le narrateur est effectivement le même dans toutes les
nouvelles. Figure de l'auteur, c'est un voyageur acharné, qui vogue d'île en
île et de village en village tout en conservant un certain confort. Il fait
quelque fois des concessions et se retrouve dans des hébergements sommaires et
rustiques, mais il aime avoir ses bagages, un bon lit et surtout son sac de
livres.
Car ce narrateur voyage avec un sac de livres quelque
soit sa destination, ce qui lui permet parfois de faire plus ample connaissance
en partageant son stock avec son hôte par exemple.
C'est un de ces hôtes-lecteurs qui lui raconte l'histoire
d'un homme croisé la veille au club.
Cet homme, il l'avait rencontré bien des années plus tôt,
alors qu'il était gouverneur dans un autre coin de la Malaisie. Ils s'étaient
alors lié d'amitié et l'homme avait une sœur dont le gouverneur était tombé
amoureux. Mais les choses ne s'étaient pas passé comme il aurait pu le
prévoir...
Au fil de ces 800 pages, les nouvelles se succèdent, comme
les situations. Sur un bateau, dans une grande ville, dans un village isolé,
sur une île, le narrateur se promène et nous emmène faire le tour de ces
occidentaux qui ont subi ou fait le choix de s'exiler loin de chez eux.
Comme le dit l'auteur, lui ne fait que passer et sait qu'un
bateau l'attend pour faire le chemin en sens inverses, mais pour beaucoup de
ceux qu'il croise, le voyage de « retour » ne se fera jamais.
Il se dégage alors un parfum suranné de ces nouvelles.
Elles nous ramènent à ces années de colonisation où
l'exotisme était si fort quand on pensait à ces espaces inconnus, et où les
voyages duraient si longtemps. Il n'y avait pas de décalage horaire, les
fuseaux horaires passant lentement, au fil des jours.
Et c'est aussi l'impression que j'ai eu au fil de ces
nouvelles. Le temps défile lentement, le narrateur n'a aucun impératif, il suit
ses envies et va de ville en ville quand on lui parle d'un lieu ou de quelqu'un
à aller voir.
Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas, et malgré
le format assez court, on s'attache aux personnages, on apprend à les
connaître, mais comme le fait un voyageur, en quelques heures ou en quelques
jours.
Il n'est pas question
ici de s'installer pour côtoyer 500 pages les mêmes personnages, mais c'est
finalement le regard du narrateur que l'on apprend à connaître, car c'est lui
qui nous présente cette galerie de portraits.
Si je devais exprimer une préférence, ce serait évidemment
pour les nouvelles les plus longues, qui m'ont tout de même laissé plus de
temps pour m'installer dans l'histoire, mais j'ai aussi apprécié les textes
plus court où en 3 ou 4 pages, l'histoire est écrite.
Le personnage du narrateur et le fait que certaines
nouvelles fonctionnent ensemble ou reprennent des éléments lus précédemment est
aussi un élément qui facilite la lecture en continu et invite à lire les
nouvelles dans l'ordre.
Je n'ai pas encore parlé de l'écriture de Somerset Maugham,
mais quand il s'agit d'une traduction, c'est toujours autant le travail du
traducteur qui est loué que celui de l'auteur.
Je dirais néanmoins que la narration l'emporte souvent
(logique dans des nouvelles), mais qu'il y a de beaux passages comme celui-ci
qui parle de livres.
Pour ceux d'entre vous qui aiment les nouvelles, bien sûr,
ceux qui ont une lacune à combler comme la mienne, qui veulent lire un texte
bien construit, entendre parler des colonies, de jungle et de fièvres, s'évader
un peu ou parfois beaucoup, ce livre est pour vous.
Je remercie Livraddict et les éditions Robert Laffont pour l'envoi
de ce livre et cette belle lecture.