Intéressée par le Japon, fan de thriller de bonne qualité,
je cherchais à compléter mon panier sur un site de vente en ligne entre
particulier il y a quelques mois. Je suis ainsi tombée sur ce roman dont
j’avais vaguement entendu parler ou que j’avais déjà dû croiser.
Sans aucun a priori, je me suis dit que ce serait l’occasion
de découvrir cette auteure.
Allez savoir pourquoi, j’ai toujours l’impression qu’une
femme proposera un thriller de bonne qualité mais moins violent que ne peut le
faire un homme. C’est un stéréotype que je ne saurais pas identifier mais que
Mo Hayder contredit magistralement !
Mais peut-on dire que ce roman est réellement violent ?
Pour le lecteur, certainement !
Les personnages sont dérangeants, l’histoire est vraiment
trash, et je me suis demandé plusieurs fois si Mo Hayder n’avait pas des
troubles du comportement pour avoir une imagination aussi malsaine.
J’ai été bousculée, dégoutée, écœurée, je n’ai pas toujours
compris les personnages, je ne me suis jamais identifiée à aucun d’entre eux,
j’ai été vraiment mal à l’aise en lisant cette histoire.
Et pourtant… et pourtant… je l’ai lu, parfois tard le soir,
je ne l’ai pas emmené dans le train pour pouvoir la savourer pleinement, je
n’ai pas précipité la lecture des dernières pages pour en apprécier chaque
passage.
J’ai aussi mis du temps pour écrire ce billet qui était
prévu le 20 septembre, car c’est une lecture commune. Mais franchement, il
m’était impossible de l’écrire plus tôt, je devais digérer cette lecture.
Et comme vous venez de le lire dans les deux paragraphes qui
précèdent, je ne suis pas encore sure de ce que je vais vous raconter.
Ce qui est certain, par contre, c’est que ce livre m’a fait
une forte impression et qu’il restera longtemps en moi, comme un souvenir qui
fait réfléchir et qui dérange quand même un peu car il oblige à se retourner
sur quelque chose qu’on voudrait oublier.
Grey, une jeune femme
britannique qui fait des études sur le massacre de Nankin, débarque un jour à
Tokyo chez le professeur Shi Chongming pour obtenir de lui un film tourné
pendant le massacre.
Le professeur refuse
de lui confier le film, et affirme ne pas le posséder. Grey lui explique alors
que ce film est vital pour elle. Lorsqu’elle était plus jeune, elle a lu une
description du massacre dans un livre que ses parents ont fait disparaitre ensuite,
lui affirmant qu’elle avait inventé cette scène particulièrement violente.
Pourtant, la jeune femme est persuadée de l’avoir bien lu et de n’avoir rien
inventé. Voir ce film lui permettrait d’obtenir une confirmation de ce qu’elle
a lu et de prouver qu’elle n’est pas folle.
Malgré le refus
obstiné du professeur, la jeune femme va persister et le harceler pour qu’il
lui montre le film, jusqu’à ce qu’il lui propose un marché…
L’histoire de ces
deux personnages est présentée dans des chapitres qui alternent avec ceux
racontant l’histoire de Shi Chongming à Nankin au moment du massacre. Dans ces
chapitres historiques, on assiste à l’approche des soldats japonais, au récit
de la vie quotidienne du professeur et de sa femme pendant que ces mêmes
soldats occupent la ville, puis à leur fuite.
Les deux histoires vont évidemment influer l’une sur l’autre
à la fin du roman et nous dévoiler progressivement la vie de ces deux êtres
malmenés par la guerre et le carcan de leurs sociétés respectives.
J’ai beaucoup apprécié cette alternance, car j’avoue qu’elle
me permettait de souffler. Le personnage du professeur m’a semblé plus
attachant (jusqu’à un certain point) que celui de Grey, mais cette lecture
s’est faite dans une tension permanente.
Pas une seule seconde le lecteur ne peut souffler. Il se
passe toujours quelque chose ou un élément du passé est révélé, plus écœurant
que le précédent.
Il y a une sorte de surenchère permanente sans que cela soit
superflu. L’ensemble est cohérent, et on ne pourrait rien retiré, mais comme je
l’ai dit plus haut : quelle imagination malsaine !
Je me demande comment Mo Hayder peut avoir inventé tout
cela. L’hypothèse la plus probable est que malheureusement, elle n’a pas tout
inventé, et c’est là que cela devient intéressant.
Dans ce livre, j’ai appris beaucoup de chose sur le massacre
de Nankin, sur l’occupation japonaise de la Chine, qui me donne envie d’en
savoir un peu plus. Cela explique notamment les querelles actuelles autour des
livres d’histoire japonais.
Il est bien difficile d’accepter que les auteurs d’un tel
massacre le passent sous silence !
Il y a beaucoup de point d’exclamation dans ce billet. Il
est effectivement difficile de rester insensible à ce roman, qui m’a plus par
bien des aspects.
La tension narrative est parfaitement maintenue, l’histoire
est cohérente, la fin m’a à moitié surprise (je ne m’attendais pas à autant de
perversion), c’est bien écrit et bien mené.
Il reste l’aspect moral qui ne plaira pas à tout le monde.
Je conseillerais difficilement ce livre, tant il est
délicat, mais si vous cherchez quelque chose de beaucoup plus fort qu’Harlan
Coben, un livre qui vous remue les tripes et vous fasse réagir sous des dehors policés,
ce roman peut vous convenir.
C'était une lecture commune (très en retard) qui a permis à ce livre de sortir de ma PAL alors qu'il aurait pu y rester très très longtemps. Pour avoir d'autres avis, vous pourrez lire le billet de
Soukee, organisatrice indulgente de cette LC, et ceux de
Manu, de
Canel, de
Sophie, de
Claudialucia.