jeudi 22 novembre 2012

Plan de table de Maggie Shipstead


Certains livres sont agréables à lire, mais sans que l’on sache réellement pourquoi, les pages ne se tournent pas comme on le souhaiterait.
Cela a été le cas pendant ma lecture de Plan de table.
Certains passages m’ont vraiment plu, d’autres moins, mais je me suis sentie plutôt bien dans cette histoire.
C’est donc une impression très paradoxale qui me restera de cette lecture.  

Winn marie sa fille ainée Daphné ce weekend dans sa maison de campagne.
Il lui faut donc quitter sa maison calme et tranquille, charger sa voiture des derniers préparatifs et rejoindre sa femme, ses filles et les invités qui ont envahie la maison d’ordinaire si paisible de l’île de Waskeke.
Profitant des dernières heures de tranquillité du trajet, il commence à faire le point sur ce que sa vie est devenue, ses filles qui ont grandi, Livia et sa passion pour la mer, Daphné et sa frivolité apparente, le club de golf de l’île où sa candidature est toujours en attente, son grand-père, ses parents…
A son arrivée, comme il s’y attendait, la maison l’accueille froidement, tel un étranger que l’on ne reconnaît pas, et les retrouvailles avec certains invités éveillent en lui des souvenirs et des désirs ambigus…

Disons-le d’emblée, ce livre est extrêmement bien écrit.
Maggie Shipstead manie sa plume avec entrain et mêle adroitement une bienveillance légère et un œil acéré.
Elle ne laisse rien passer et présente des personnages bien campés, entiers et qui nous paraissent surtout très vraisemblables.
Cette famille est disséquée au scalpel, observée à la loupe, et analysée par une auteure qui ne fait aucune concession à ses contemporains.

En se focalisant plus particulièrement sur deux membres de cette famille, le père Winn et sa fille cadette Livia, elle aborde plusieurs thématiques qui permettent au lecteur de se retrouver dans l’une ou l’autre des situations.
Alors que Winn est obnubilé par son image, par ce que les autres voient en lui, sa fille cherche davantage à se construire indépendamment des autres.
Ces deux situations se complètent pour proposer une satyre sociale parfois violente, mais très habile, dévoilant des aspects très différents de la société américaine.
Les Clubs qui paraissent au centre du fonctionnement social et de la reconnaissance de chacun dans un groupe, sont ici source de torture morale et surtout de mauvaise interprétation du fonctionnement social.
Winn appartient à certains clubs alors que ses membres le voient comme un étranger, tandis qu’il postule pour un autre club où il n’entrera jamais sans en connaître la cause.
Perdu dans un système dont il ne maitrise pas tous les codes, il ne sait plus que faire pour s’en sortir et se regarde sombrer pendant ce court weekend.
En deux jours, ses certitudes explosent et sa vie est remise en question.

Ce dévoilement des apparences adresse une leçon au lecteur sans l’accuser frontalement.
Dans le tableau que nous avons sous les yeux, la vie est basée sur ce que les autres pensent de vous, et ne peut donc pas être heureuse.
Elle repose sur l’acceptation par les autres de ce que l’on souhaite être, alors que chacun ne sait pas toujours ce qu’il est réellement.
Ce fonctionnement social est donc voué à l’échec.

Dans cette vision du monde, l’île de Waskeke, comme le sont souvent les îles, est d’abord vue comme un endroit idyllique, un havre de paix qui se révèle finalement dangereux physiquement.
C’est un lieu où la pourriture règne (celle du jardin de Winn où rien ne pousse, celle d’une baleine échouée sur la plage, de Winn lui-même).
Pour s’en sortir, il faut partir, aller plus loin et passer la mer, comme le fera la baleine pour retrouver son état originel et sa fierté.

La morale de ce roman pourrait alors être tout simplement que les apparences disparaissent toujours. On ne peut aller contre la vérité des choses et il faut faire avec.
Avant de conclure ce billet, j’ajouterais néanmoins quelques petites réserves.
Pendant un bon tiers du roman, le chemin emprunté par Maggie Shipstead m’est resté opaque.
Je n’ai pas vu où elle voulait en venir et cela m’a gêné.
J’ai également trouvé que l’histoire de Winn et d’Agatha tombait parfois comme un cheveux sur la soupe, et je ne suis toujours pas sure que ce soit quelque chose d’indispensable.
Le démon de midi qui chatouille l’homme mûr, pourquoi pas. Mais la façon dont le sujet est traité fait vraiment passer cet homme qui paraît honnête pour un vieux dégoutant limite pédophile.
Cela m’a paru quelque peu exagéré.
Enfin, je n’ai pas réussi à m’identifier, à m’impliquer dans l’histoire.
J’ai admiré le talent de l’auteure pour la satyre, le démontage social auquel elle procède, mais aucun des personnage n’a suscité chez moi de la pitié ou de l’empathie.

Tant pis !
C’est tout de même un très bon roman, et si vous cherchez une lecture distrayante sans légèreté, un roman qui vous parle de nos sociétés et vous fasse un peu réfléchir mais pas trop, ou si vous voulez découvrir une jeune auteure prometteuse, n’hésitez pas.

Je remercie les Chroniques de la Rentrée littéraire et les éditions Belfond pour la lecture de ce roman.



Voilà une 10e lecture pour le challenge 1 % de la rentrée littéraire.



8 commentaires:

  1. Je note, il me tente celui-ci :)

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  2. Je le note, tu es la 2è à dire du bien en 2 jours !

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  3. Je l'aurais noté, mais les réserves que tu émets sont de celles qui peuvent aussi me rebuter. Je préfère donc le zapper.

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    1. Essaie de trouver d'autres billets alors, histoire de ne pas manquer une éventuelle belle lecture ;)

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  4. Très hésitante, donc sur tes ressentis.

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    1. Oui, je garde un souvenir mitigé, à la fois d'un livre qu'il serait dommage de manquer, et en même temps d'une atmosphère quand même malsaine. J'aurais donc plutôt tendance à encourager tout le monde à le lire :)

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