La porte s’ouvrit doucement derrière elle.
Absorbée par sa lecture, elle ne l’entendit pas approcher. Il faut dire que le cadre dans lequel elle se trouvait l’avait enchantée dès son arrivée. La bibliothèque du Prince de Sensy était de toute beauté. Les livres que ses ancêtres avaient réunis s’étalaient sur les murs, emplissant la pièce de centaines d’ouvrages tous plus précieux les uns que les autres.
Le secrétaire du Prince l’avait contacté un mois auparavant pour lui proposer la restauration de plusieurs volumes du XVIe siècle, dont les reliures étaient aux armes de la famille. Tout à fait dans ses cordes, ce travail lui avait semblé parfait pour poursuivre l’étude de certains ouvrages qui lui manquait pour ses recherches. Elle avait donc accepté, fixant néanmoins un tarif élevé à son intervention. Son salaire de chercheur ne lui permettait pas d’extra, et cette prime serait la bienvenue. Aurore envisageait en effet de se rendre à Sienne, en Italie, pour l’étude de quelques volumes, mais ses moyens ne lui avaient pas encore permis de réaliser son projet. Dans un mois, si tout allait bien, elle pourrait enfin faire ses valises.
Il faut dire qu’elle avait besoin de vacances. En cette fin d’après-midi, elle sentait ses paupières se fermer et le jour déclinant ne l’aidait pas à se concentrer. Elle avait travaillé sur cette reliure trois jours de suite et espérait pouvoir terminer le lendemain. Il fallait donc qu’elle tienne encore quelques heures, mais chaque minutes rendait les choses de plus en plus difficiles.
Soudain, elle sursauta. Elle avait senti un souffle sur sa nuque ! Bien sûr, elle ne croyait pas aux fantômes, mais c’était si réel qu’elle se retourna brusquement. C‘est alors qu’elle se retrouva nez à nez avec un homme qu’elle ne s’attendait pas à voir ici !
Passé le premier moment de surprise, elle crut avoir mal vu. La lumière était rare dans la bibliothèque, et l’homme qui était là pouvait très bien ressembler à Alan mais ne pas être lui. Et depuis combien d’années l’avait-elle vu ?
Laissant ses yeux s’habituer à la pénombre tombant sur la pièce, elle imposa à son cœur de se calmer et releva les yeux vers cet intrus qui s’était immiscé dans son espace de travail, voire dans son espace vital. Qui était donc cet homme qui pouvait entrer ici sans prévenir et l’approcher sans crier gare ?
Malheureusement, la réponse était celle qu’elle redoutait. Il s’agissait bien d’Alan.
II
Alan était entré dans la bibliothèque par simple curiosité. Il savait qu’un restaurateur s’occupait des livres de son oncle et voulait voir celui qui avait été choisi par le vieil homme pour cette tâche si difficile. Ce n’était pourtant pas un endroit qu’il fréquentait souvent. Il jugeait cette pièce poussiéreuse et obscure et les livres n’étaient pas son passe-temps favori. Ce qu’il préférait, lui, c’était les femmes. Il en avait connu beaucoup et à 35 ans, il se jugeait encore assez bel homme pour poursuivre cette vie de conquêtes successives. En séduisant, il se sentait vivant.
Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant en lieu et place d’un restaurateur aussi rasoir que ses livres, une chevelure blonde qui descendait le long d’un dos, laissant espérer une chute de rein appréciable.
Dès cet instant, la bibliothèque lui parut infiniment plus intéressante.
To be continued...