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jeudi 30 mars 2017

Trois jours et une vie de Pierre Lemaitre { Prix Audiolib 🎧📚 }

Lemaitre et moi, ce n'est pas facile.
Voilà le deuxième roman de cet auteur que je lis avec une impression finale mitigée (le premier était Robe de marié).
Je ne sais pas pourquoi, mais il y a toujours quelque chose qui me retient de vraiment aimer. 
Pourtant, j'ai toujours un a priori positif, je suis enthousiaste à l'idée d'ouvrir le roman, mais ça ne marche pas. 
Celui-ci avait un sujet intriguant, original, j'avais envie d'aimer mais je suis restée un peu à côté. 

A Beauval, Antoine est un petit garçon comme les autres, qui joue dans le bois, a construit une cabane pendant que ses copains restaient scotchés devant la console d'un copain. 
Mais Antoine, lui, n'a pas le droit d'avoir une console. 
Et puis le chien des Desmedt est mort, et c'est là que tout a basculé. 
Quand le petit Rémi Desmedt a disparu, on n'a pas compris tout de suite que c'était grave. 
Les gamins, ça joue dans la forêt et puis ça rentre à pas d'heure. 
Mais pas Rémi...

La particularité de ce roman, c'est évidemment son narrateur. 
Antoine est un enfant de 12 ans qui doit faire face à une situation tragique peu habituelle où il est traversé par des sentiments qui lui sont inconnus avec cette intensité. 
Pendant une bonne partie du roman, on suit ses inquiétudes, ses hésitations, ses envies de dire ce qu'il sait pour se libérer, ses délires aussi quand il se croit au bord d'une arrestation musclée. 
C'est très vraisemblable et on imagine assez bien un jeune garçon de cette âge dans cette situation difficile. 
Mais cela ne m'a pas touchée.
Je l'ai trouvé agaçant, centré sur lui-même et j'avoue n'avoir eu aucune empathie. 
J'ai écouté cette histoire avec un peu d'intérêt évidemment, je voulais savoir ce qui allait se passer, mais c'est tout. 
Je crois que je pensais beaucoup plus à ce que devait ressentir la mère de la victime plutôt qu'à ce qu'il ressentait lui. 
Cet enfant qui a finalement plus peur qu'autre chose, ne m'a pas vraiment ému. 

Mis à part ce gros bémol, le texte est bien écrit. 
Lemaitre maîtrise sa plume et les mots coulent sans obstacle. 
Les péripéties sont néanmoins un peu grosses, même si elles sont intégrées dans le récit qui ne pourraient pas fonctionner sans elles. 

La version audio sert parfaitement le texte avec la voix de Philippe Torreton qui reste très discret, sans surjouer la parole des personnages. 
Il laisse toute la place à notre imagination et comme c'est souvent le cas, l'entretien final est très intéressant.
C'est ici un dialogue entre Torreton et Lemaitre qui éclaire la lecture et les choix que le comédien a fait. 
Une belle idée.

Au final, j'ai donc un avis très mitigé, mais si vous avez envie de le lire, je vous conseille la version audio ! 



http://www.audiolib.fr/prix-audiolib



mardi 28 mars 2017

Le dernier des nôtres d'Adelaïde de Clermont-Tonnerre { Prix Audiolib 🎧📚 }

Voici enfin venu le temps de vous parler de mes écoutes/lectures pour le prix Audiolib et je commence avec une très belle surprise, un joli roman, un de ceux qui ne se dévoilent pas immédiatement mais qui savent accrocher le lecteur. 
Une histoire bien ficelée, un récit maitrisé, ces pages ont su me séduire et me donner envie de rester avec les personnages. 
Il faudrait presque un second tome pour savoir ce qu'ils deviennent. 

En 1970, dans ce restaurant où il a ses habitudes, Werner est soudain saisi par la vision d'une femme dont il tombe immédiatement amoureux. 
Lui qui a l'habitude des aventures sans lendemain se sent d'un seul coup démuni face à cette image parfaite qui provoque en lui des sentiments inconnus. 
Impulsif, il se rue dans sa voiture lorsqu'elle quitte le restaurant pour la suivre et savoir qui elle est... 
En 1945, dans Dresde, une femme enceinte gravement blessée par les bombardements est portée par deux soldats dans la Cathédrale de la ville encore debout. 
L'enfant arrive et il faut aider la jeune femme... 

Dans ce roman singulier, la romancière à entrelacé deux récits à deux époques différentes. 
Le premier est celui de la vie de Werner dans New York dans les années 1970. 
Le second raconte les débuts dans la vie du même Werner né en plein bombardement à Dresde en Allemagne et la fuite de sa tante hors d'Allemagne en le protégeant comme elle le put. 
Alors que dans le premier, Werner raconte lui-même sa jeune vie d'amoureux transi, le second est transmis par un narrateur omniscient. 
J'ai clairement été plus passionnée par le second récit pendant tout le premier tiers du roman. 
Il y a un vrai suspense, on se demande comment sa tante va faire pour les sortir d'Allemagne, et comme on sait qu'il a ensuite été adopté, on attend évidemment de savoir ce qui a bien pu se passer pour qu'elle l'abandonne. 
L'auteure sait aussi maintenir l'attente, car dans le deuxième tiers, elle bascule au moment de l'adoption de Werner, et on ne sait toujours pas ce qui lui est arrivé. 
Le premier récit, celui de l'histoire d'amour contrariée de Werner et de son ascension dans les affaires, est moins palpitant, mais cela se lit avec plaisir tout de même. 
Et puis les choses basculent et les fils se tissent entre les deux récits et on ne peut plus lâcher le roman. 

Le début du texte enchaîne aussi les références au roman sentimental de Flaubert. 
Il se trouve que j'ai beaucoup travaillé sur la scène où Frédéric tombe amoureux de la cheville entraperçue sur le pont d'un bateau. 
J'ai donc retrouvé avec plaisir les phrases de Flaubert à peine dissimulées dans les premières pages du texte. 
Peut-être l'auteure aurait-elle pu davantage tisser sa propre trame autour de ces références, mais c'est un vrai plaisir de les entendre et cela pose d'emblée l'histoire. 
Évidemment, je me suis demandée si l'histoire dans laquelle j'entrais serait du même genre que celle de Flaubert, mais il étaient bien plus désabusé qu'Adélaïde de Clermont-Tonnerre.

Et puis l'histoire traite des thèmes très variés mais puissants, comme la paternité dont les questionnements traversent Werner.
Il a l'impression de s'être construit seul mais est-ce vrai et comment se comporter face à une figure de père qui lui est totalement inconnue ?
Sa soeur l'oblige aussi à se confronter à son modèle de réussite sociale et sa compagne le renvoie à d'autres réalités qu'il n'accepte qu'en partie.
C'est donc un roman riche qui recèle des réflexions multiples où chacun peut se reconnaitre.

Si la lecture audio vous tente, ce livre dure 16 heures, mais la lecture de Rémi Bichet est très expressive. 
On a un peu l'impression d'être dans un feuilleton radio, les personnages nous parlent, le comédien crie quand ils crient, il pleure, invective... 
Je crois que j'aime les livres audios moins "joués", où le lecteur est plus neutre, mais c'est une question de goût. 

Si la période historique vous plaît, si cette histoire vous tente, si vous cherchez un roman vivant et attachant, si vous avez envie de vous plonger dans un beau récit, n'hésitez pas, ce roman mérite son prix !




http://www.audiolib.fr/prix-audiolib



jeudi 27 octobre 2016

Repose-toi sur moi de Serge Joncour

Ah là là ! Joncour !
Depuis L'amour sans le faire  lu il y a plusieurs années maintenant, j'adore découvrir ses derniers romans pendant la rentrée littéraire, juste avant tout le monde ou juste au début.
Cette année, j'ai bien cru que je n'y arriverais pas et puis finalement, j'ai reçu un mail de Babelio qui me proposait de le lire.
Evidemment, un clic de souris plus tard et j'étais en train de postuler pour le recevoir !
Je n'ai pas essayé, mais j'aurais été incapable de résister de toute façon.
Il est ensuite venu se poser sur la pile de roman de la rentrée littéraire qui squatte mon bureau, mais il n'y est pas resté longtemps.

Aurore, mariée, deux enfants, styliste qui a monté sa propre entreprise, habite un immeuble chic de Paris. 
Sa vie serait parfaite, s'il n'y avait pas ces deux corbeaux qui se sont installés dans sa cour. 
Dans cet immeuble parisien cossu, les deux grands arbres qui occupent la cour sont un vrai luxe, mais ces deux corbeaux qui croassent quand elle arrive lui font peur et elle craint de plus en plus qu'ils ne l'attaquent. 
Elle qui avait cultivé un petit carré sous les arbres n'ose plus mettre un pied dans la cour et se presse de rentrer ou sortir quand elle doit passer sous le porche. 
Ludovic, lui, habite le petit immeuble en arrière cour, derrière les arbres, nettement moins luxueux. 
Il a abandonné sa campagne pour venir travailler à Paris, il fait du recouvrement sans passion. 
Mais un soir, Aurore voit les buissons s'agiter...

Comme à son habitude, Serge Joncour célèbre dans ces pages la campagne, la nature, la forêt.
J'ai retrouvé les descriptions qui vous plongent au milieu des arbres, dans le silence et la solitude de la forêt profonde.
On a envie de le suivre, de s'y perdre avec lui.
C'est une forêt toujours accueillante, bienveillante, une nature qui nourrit, même si elle n'y parvient pas toujours (mais c'est la faute des hommes).
La campagne est un refuge, un lieu qui ressource, qui apaise.
C'est aussi le berceau familiale, celui du conflit temporaire qui finit toujours par se régler.
Comme dans L'amour sans le faire et L'écrivain national, les personnages se retrouvent perdus, ils n'ont plus aucun repère.
Au fil des pages tout se délite et les laisse dépourvus avant le grand final.
Car l'une des qualités de Joncour, c'est de soigner ses fins.
Il y a toujours un évènement qui fait tout basculer, quelque chose qui remet tout en perspective et ce roman ne fait pas exception à la règle.

Mais si les thèmes sont ceux des romans précédents, les personnages au contraire sont bien différents.
Avec ce couple inattendu, il trace le portrait d'une société qui est faite de clans, de groupes sociaux qui ne se croisent que très peu.
Ludovic est à l'image de Joncour lui-même, apparemment bourru, grand, costaud, avec un boulot pas franchement cool, mais plein de tendresse.
Aurore est d'un autre milieu, un peu précieuse, un train de vie luxueux, une vie de famille.
Chacun sa solitude, même face à face, même très proche.
Aurore et Ludovic se retrouvent dans la cour, espace intermédiaire qu'ils ne partagent pas vraiment.
Ils vont ensuite se demander sans cesse ce que pense l'autre, ce qu'il ressent, sans parvenir à déchiffrer les comportements qui ne leur sont pas habituels.
Parviendront-ils à se rencontrer, à trouver un terrain commun ou sont-ils trop différents ?

Et puis il y a ce petit suspense qui s'amplifie jusqu'aux dernières pages.
Comment tout cela va-t-il finir ?
Vont-ils s'en sortir ou la chute est-elle inévitable ?

Comment ne pas succomber au charme des romans de Joncour ?
Celui-ci ne détrônera pas L'amour sans le faire dans mon panthéon "Joncourien" mais il est très beau et appartient à cette catégorie de romans dont on voudrait connaitre la fin sans qu'ils ne se terminent jamais.





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mardi 27 septembre 2016

L’incandescente de Claudie Hunzinger

Voilà ma troisième lecture pour cette rentrée littéraire !
Je vais à mon rythme, je l’avoue.
Ma pile à lire est haute pour cette rentrée (même si une bonne partie est dans ma tablette), pleine de beaux romans, mais ce n’est pas facile de trouver du temps pour m’y plonger (ce que je regrette évidemment).

J’ai tout de même trouvé le temps de lire ce roman assez singulier dont mon Kindle me dit qu’il faut 4h20 pour le découvrir.
C’est le progrès, on ne vous donne plus le nombre de pages mais le nombre de minutes qu’il vous faudra…

Quand Emma voit Marcelle pour la première fois, elle est subjuguée.
Un peu sauvage, originale, Marcelle se laisse approcher car elle aussi est tombée sous le charme d’Emma.
Elles se retrouvent au lycée puis s’inscrivent à l’Ecole Normale et c’est le début d’une relation incendiaire, mouvementée, faite de lettres, de télégrammes et de cartes postales envoyées, demandées, attendues.
Emma forte et solaire envahit Marcelle frêle et instable.
Alors que l’une avance et s’épanouit, l’autre se renferme et se délite…

Quel roman singulier !
L’écriture de Claudie Hunzinger est foisonnante, elle saute d’une époque à l’autre et part un peu dans tous les sens dans les premières pages.
En équilibre instable permanent, la narratrice raconte l’histoire de Marcelle et d’Emma (et de celles qui les ont entouré) à partir des lettres de Marcelle et des cahiers d’Emma.
On sent la difficulté qu’elle a apparemment ressenti à trouver un fil à tirer (et un seul), à se focaliser sur l’histoire et à se repérer dans la masse de courriers qu’elle a à affronter.
L’écriture suit ce cheminement de sa pensée en sautant d’un épisode à l’autre.
J’ai dû un peu m’accrocher, mais en quelques pages, on s’habitue ou le récit se stabilise pour nous accrocher et nous lier à Marcelle et Emma, puis à Hélène, Marguerite ou Thérèse.

Par contre, j’ai un peu souffert quand je me laissais aller au récit de ces années 1920 et que la narratrice revenait brutalement au présent en évoquant Sailor moon ou je ne sais quel personnage des mangas contemporains.
Ces télescopages ont sans doute un intérêt, mais j’avoue être peu adepte de ces aller-retours.
Le name dropping récurrent m’a aussi gêné.
Emma a apparemment croisée des personnes devenues célèbres pendant sa vie, ce qui est assez logique puisqu’elle appartenait à l’élite intellectuelle.
Mais c’est un peu appuyé et revendiqué, c’est dommage.

Mis à part ces bémols, l’écriture est travaillée, émouvante parfois.
L’histoire de Marcelle est touchante et tient le lecteur jusqu’à la dernière page.
Atteinte de tuberculose, elle est envoyée au Sanatorium de la Sainte-Feyre où elle est un peu laissée à elle-même.
Elle constitue une sorte de cénacle autour d’elle avec d’autres jeunes filles et puis erre de villa de montagne en chalet en espérant que chacune s’en remette, mais en se complaisant dans cette atmosphère de maladie hors du monde.
Les vies d’Emma et de Marcelle deviennent deux mondes parallèles qui ne se rencontrent plus qu’épisodiquement.
De lettres en lettres, la narratrice raconte qu’elle lit le mal-être de Marcelle, ou au contraire la volonté de ne pas voir ce qu’il se passe autour d’elle.
Les fleurs, les paysages engourdissent ou étourdissent et tout se mêle dans tourbillon plus ou moins apaisé.
On en sort un peu étourdi par ce morceau de vie passé à l’écart du monde, dans une atmosphère ouatée qui a finalement blessé Marcelle bien plus que l’extérieur.

Ce n’est pas un livre confortable, c’est un récit qui bouscule, qui est heurté, flamboyant ou lancinant.
En cette rentrée littéraire, c’est un roman original, dont on entend peu parlé et c’est un tort.

N’hésitez pas à vous couler dans cette écriture surprenante qui ne vous laissera pas indifférent pour découvrir Marcelle et Emma.















lundi 5 septembre 2016

Petit Pays de Gaël Faye

Cette rentrée littéraire est pleine de belles surprises !
Et pourtant, il n’est pas facile de choisir ce qui va réellement nous plaire quand on n’a qu’une couverture et un petit résumé.
Je pourrais attendre, voir les billets de blog fleurir et lire ces romans une fois que tout aura été dit dessus, mais c’est moins drôle, vous l’avouerez.
Et puis parfois, de billets en billets, on découvre beaucoup trop d’informations sur la trame du récit et adieu les surprises et les dévoilements progressifs.

Pour Petit Pays, pas de rebondissements à répétition (une surprise à la fin tout de même), pas de grosses surprises, mais une écriture magnifique et un récit parfaitement maitrisé !
Pour un premier roman, c’est un coup de maitre !

Gaby ne s’est jamais vraiment senti chez lui en France.
Son pays, c’est le Burundi, c’est là qu’il a grandit avec sa sœur Ana dans une impasse avec ses copains.
Un papa français, une maman rwandaise, ça ne gênait pas grand monde dans cette petite rue où on pouvait passer l’après-midi à voler des mangues et les dévorer cachés dans un van abandonné sur le terrain vague.
Et puis les élections sont arrivées, le président a changé.
Et puis le Rwanda voisin a basculé et tout a changé…

J’ai tourné longtemps autour de ce roman.
Le sujet ne m’enthousiasmait guère, je l’avoue.
La guerre, le Rwanda, les massacres, ce n’était pas ce que j’avais envie de lire en cette fin d’été.
Et puis finalement, je me suis décidée.
Et j’ai bien fait.

Le récit débute par une alternance de chapitres en italique et en police normale.
L’italique, c’est Gaby aujourd’hui, jeune homme déraciné qui ne trouve pas sa place et qui n’a qu’une envie : replonger dans ses années d’enfance idéalisées.
La police normale, c’est Gaby enfant qui raconte ses journées loin des préoccupations des adultes qui vont le rattraper.
Les mots sont bien choisis, les phrases claquent et ces passages en italique sont absolument magnifiques !
Je note rarement des citations, mais là, on ne peut que relire plusieurs fois ces phrases qui disent tout en quelques mots (que je mets à la fin de mon billet).
Et puis les mots se font plus classiques pour raconter les jours heureux et on se plonge dans cette enfance au goût de mangues qui va se terminer si brutalement.

Mais la très bonne idée de ce roman, c’est d’avoir tenu Gaby un peu à l’écart de cette guerre qui gronde.
Il vit dans son impasse, il joue avec ses amis et ses parents ont tenus à ne pas lui parler de politique.
Evidemment, il sait confusément ce qui se passe, il voit, il entend certaines choses, mais pendant plusieurs semaines, ce n’est qu’un arrière-plan qui l’inquiète sans le toucher.
Et puis il va être rattrapé par les paroles de ses amis, par les événements eux-mêmes, avant que tout bascule.

Ce n’est pas un roman qui se complait dans l’horreur, c’est un roman qui dit les choses, qui parle de l’indicible avec des mots simples et beaux, qui raconte ce qu’il ne faut pas oublier.
Comme dans la vraie vie, la guerre n’est pas là d’un coup détruisant tout sur son passage mais elle s’immisce dans la vie de ceux qui la subisse pour les marquer à vie.
Petit pays raconte ce basculement de centaines de vie, il rappelle qu’il ne faut pas oublier, il rappelle aussi le rôle des Français dans le massacre du Rwanda par quelques mots isolés.  
Il célèbre aussi le pouvoir des livres et c’est très beau à lire !

Ne faites pas comme moi, n’hésitez pas pour lire ce livre.
Il est beau, il dit de belles choses dans une belle langue, et de beaucoup moins belles qu’il ne faut pas oublier.
A ne pas manquer !

 Regardez comme c'est beau : 

« Une chaine d'infos en continu diffuse des images d'êtres humains fuyant la guerre. J'observe leurs embarcations de fortune accoster sur le sol européen. Les enfants qui en sortent sont transis de froid, affamés, déshydratés. Ils jouent leur vie sur le terrain de la folie du monde. »

« Je n'habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d'un lieu, l'anfractuosité de l'environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer. Je loge. Je crèche. Je squatte. Ma cité est dortoir et fonctionnelle. »

« Grâce à mes lecture, j’avais aboli les limites de l’impasse, je respirais à nouveau, le monde s’étendait plus loin, au-delà des clôtures qui nous recroquevillaient sur nous-mêmes et sur nos peurs. »


Gaël Faye chantait des chansons jusqu'à maintenant :) 






Et bravo pour le prix du roman Fnac ! 












lundi 22 août 2016

Romanesque de Tonino Benacquista [Rentrée littéraire 2016]

Il y a bien longtemps, Benacquista était un de mes auteurs fétiches.
J'étais étudiante, il commençait à être reconnu pour ses "romans romans", mais c'est par le roman policier que je l'ai découvert.
Et puis j'ai lu Quelqu'un d'autre et Saga, deux romans qui m'ont vraiment marqués !
Le passage d'un genre à l'autre n'est pas toujours simple et plusieurs auteurs s'y sont essayé sans succès.
Benacquista, au contraire, y réussit fort bien et son passage dans la "blanche" de Gallimard est un emblème de l'évolution qui est en cours.

Quand Babelio m'a proposé de lire le dernier roman de Benacquista, je n'ai pas hésité.
J'ai tout misé sur le nom et le souvenir que j'avais de ces textes aux constructions soignées dont les mots s'agençaient si bien.
Mais le souvenir allait-il être à la hauteur de cette nouvelle lecture ?

Alors qu'ils fuient et essaient d'atteindre la frontière canadienne, un couple de Français est attiré par une affiche de théâtre. 
"Les mariés malgré eux" promet un spectacle sans prétention, dans une petite ville et un petit théâtre, mais le sujet leur plait et le Canada peut bien attendre quelques heures. 
Sur la scène se déroule un récit tragique, où un couple d'amants se retrouve pris dans la tourmente d'une foule agacée par leur bonheur tranquille. 
Comment supporter en effet que cette femme et cet homme vivent hors du monde, qu'ils se soient soustraits à la société, qu'ils parviennent à vivre sans ployer sous le joug des puissants ? 
Il faut faire quelque chose et agir pour rétablir l'ordre dans le village... 

Bon, je cesse le suspens, j'ai adoré !
L'écriture de Benacquista est forte et belle.
Il nous emmène dans son histoire par petits pas et puis se lance dans un texte lyrique et magnifiquement écrit.
Les premières pages sur la cavale de ce couple m'ont laissé un peu de marbre, je l'avoue, et puis il passe à l'évocation d'un Moyen Age noir et tragique où ce second couple est balloté par ceux qui ne supportent pas la vue de leur mode de vie si différent.
Les récits se brouillent, on se prend à vouloir rester au Moyen Age, mais le présent fait des incursions et nous rappellent que le tragique est partout.
Un peu de suspense savamment distillé nous rappelle les origines noires des premiers romans de Benacquista sans en faire trop.
Une réussite !

Et puis ce qui est drôle (ou juste pathétique), c'est que cette histoire me semble vraiment dans l'air du temps.
Ces dernières semaines, dans des discussions diverses et variées, j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'entendre ou de dire moi-même que ce serait tellement bien si on fichait la paix aux gens, si on nous laissait vivre en paix, quelque soit nos choix de vie tant que cela n'affecte pas les autres.
Or dans ce roman, l'histoire contée dans la pièce de théâtre (qui est en réalité racontée par le

narrateur, ne vous attendez pas à lire du théâtre) parle justement de cela.
Les deux amoureux vivent en autarcie, sans sortir ou presque, se nourrissant de la chasse et la cueillette, comme aux premiers temps.
Mais cela dérange, c'est étonnant ces gens qui ne vivent pas comme les autres, qui ne se soumettent pas à la société.
C'est alors que tout bascule.
Cette situation semble insupportable à ceux qui payent des impôts, vont à la messe, saluent leur seigneur, meurent de faim et de froid, subissent la terreur des puissants.
Comment supporter en effet de voir des gens heureux qui ne demandent rien à personne (et qu'on ne voit pas beaucoup en plus !) ?
Rien ne change.
Plaignez-vous quand vous voyez vos voisins, n'oubliez pas de sortir pour qu'on vous voit et qu'on suppose que vous aussi vous vous soumettez à la routine quotidienne.
Ne choisissez pas les chemins de traverse où vous risquez la vindicte populaire.

Les romans éternels, ceux qui nous parlent toujours 200 ans après avoir été écrits sont ceux que l'on dit "classiques".
Je ne sais pas si celui-ci le deviendra, mais en tout cas, il est tellement intemporel tout en étant inscrit dans notre temps que vous serez sûrement happé par ce récit et cette écriture si belle.

C'est pour moi une magnifique plongée dans la rentrée littéraire version 2016 et je ne peux que vous le conseiller à mon tour !!

Bonne lecture !!



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mardi 24 mai 2016

Boussole de Mathias Enard { Prix Audiolib }

Voilà un roman qui a beaucoup fait parler de lui depuis sa sortie (voire même avant). 
Mathias Enard, d'habitude adepte de la forme courte il me semble (comme ici par exemple), nous offre ici un bon pavé bien lourd et bien dense. 
Mais je me suis dit que ce n'était pas pour autant qu'il fallait fuir, surtout en livre audio ! 

Franz est mélancolique ce soir. 
Son médecin lui a diagnostiqué une possible maladie dont il attend les résultats. 
Sarah, une amie ancienne, lui a envoyé le tiré à part d'un de ses articles qui lui rappelle des temps révolus. 
Alors qu'il tente de s'endormir sans résultat, des épisodes de sa vie lui reviennent en tête, comme la soutenance de la thèse de son amie Sarah, leur première rencontre à un colloque... 

J'ai l'impression (comme souvent) que mon résumé ne rend pas justice au texte de Mathias Enard. 
Il a l'air bien plat et bien court, surtout qu'il s'agit là de l'intrigue presque au complet. 
Et pourtant, c'est un texte très riche (trop parfois néanmoins) qui multiplie les références, les petits récits, la succession de souvenirs et d'évocations. 
Franz et Sarah sont orientalistes universitaires et se sont croisés plusieurs fois au cours de leur vie. 
Ils ne travaillent pas sur le même sujet, ce qui leur donne l'occasion d'échanges et de discussions. 
Et puis ils ont visité des lieux chargés de sens, des expositions aux statues étranges, le mémorial d'une bataille... 
Il y a aussi la musique qui rythme le récit et donne envie de lire le roman avec son ordinateur à côté pour pouvoir écouter les morceaux cités. 
Les souvenirs de Franz lui permettent de dériver d'un sujet à l'autre, d'être à la fois dans ses souvenirs et dans une projection vers l'avenir en imaginant ce qu'il pourrait écrire.
Il vogue de Sarah à d'autres personnes qu'il a connu, et puis vers Litz, Berlioz et d'autres artistes orientalistes ou non. 
C'est à la fois érudit, un peu gothique, un peu envoutant et surtout très bien écrit. 
Le texte est ciselé et coule tout seul, surtout en version audio (à l'écrit j'ai plus de mal, je l'avoue). 

Et puis le milieu dans lequel évolue Franz est aussi le mien et je m'y suis retrouvée bien souvent. 
J'ai eu du mal au départ avec l'image franchement négative et méprisante qui est donnée des directeurs de thèse, de la Sorbonne (effectivement décrépie mais en travaux) et des universitaires. 
On reconnait bien là le type un peu aigri par le système universitaire où il n'a pas trouvé ce qu'il cherchait. 
Les colloques et le travail de réflexion, la pensée sans cesse en mouvement, les idées d'articles qui fleurissent au fil de la pensée, tout ceci est beaucoup plus proche de ce qui me semble être la réalité actuelle. 

Malheureusement, à partir du chapitre 5 (la moitié du roman à peu près), je me suis aussi beaucoup ennuyée, d'un ennui qui ressemble à celui qui vous engourdi les après-midi d'été, quand la langueur vous emporte et vous laisse immobile.
Le livre est très long, l'esprit de Franz file à saut et à gambades et certains sujets m'ont semblé vraiment hermétiques.
On ne peut pas tout connaitre et tout saisir évidemment, et pendant la première moitié du roman, je me suis dit que ce n'était pas si important. 
Certains noms m'ont porté comme Gertrude Belle, ou ces femmes qui ont tenté l'aventure de l'orient à la fin du 19e siècle et au début du 20e. 
C'est une période qui me fascine alors j'avoue qu'il y en avait quelques unes que je connaissais déjà bien. 
Mais il revient ensuite sur les mêmes personnages en s'attardant beaucoup trop, il s'enlise et tourne en rond. 
Le récit passe progressivement sur l'actualité de la Syrie mais d'une façon qui ne coule pas toute seule, c'est un peu artificiel.
Du coup, je l'avoue, j'ai eu beaucoup de mal à finir, je me suis lassée.

La version audio a la particularité d'être lue par Mathias Enard lui-même, ce qui peut être quelque peu déstabilisant. 
Son timbre de voix est assez spécial, un peu trainant peut-être et a pour effet de rendre le texte un peu lent, voire lancinant parfois.
Cela ne m'a pas dérangé et je trouve que cela correspond bien au texte (surtout qu'il se perfectionne dans la seconde moitié). 
Un comédien aurait sans doute rendu le texte plus vivant néanmoins. 
Pour cette version audio, la musique m'a aussi beaucoup manqué. 
J'avais envie de l'entendre en fond sonore quand le narrateur l'évoquait et j'ai vraiment eu envie à chaque nouveau morceau cité d'aller le chercher sur Internet. 
Mis à part ces petites réserves, j'ai trouvé la lecture audio bien plus digeste que le livre papier que je n'aurais jamais fini !

C'est donc un roman exigeant, érudit, où il faut accepter de ne pas tout connaitre, et de se laisser porter longtemps ! 
Le texte est beau, rempli d'images orientales qui se déposeront dans votre cerveau et vous mèneront à la dérive de votre pensée, tout comme celle de Franz (mais il faut avoir la patience de tenir jusqu'au bout). 
En voici une : 


"Depuis Chateaubriand, on voyage pour raconter ; on prend des images, support de la mémoire et du partage ; on explique qu'en Europe, "les chambres sont minuscules", qu'à Paris "toute la chambre d'hôtel était plus petite que notre salle de bains", ce qui provoque les frissons de l'assistance - et aussi une lumière d'envie dans les regards"  


(Mince alors ! Je viens de réaliser que j'ai lu le Goncourt 2015 ! Je suis fière de moi alors :) 










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