jeudi 21 juin 2012

Le vendeur de saris de Rupa Bajwa


Voici enfin mon billet sur ce livre lu pendant mes vacances en Inde.
J’ai mis du temps à l’écrire.
C’était pourtant une très belle lecture, de celles dont il est finalement difficile de parler, mais que l’on a envie de partager pour que d’autres lecteurs puissent le découvrir.
Je vous livre donc mes impressions, après les avoir laissé décanter.

Ramchand est vendeur de saris. 
Il mène une vie bien ordonnée, il va travailler tous les matins sans se poser de questions, va au cinéma le dimanche avec deux bons copains, n’a pas de femme, pas d’ambition ni d’imagination. 
Il n’a pas vraiment de vie, mais s’en accommode. 
Et puis un jour, il repense aux ambitions que ses parents avaient pour lui. Ils voulaient qu’il aille à l’école, qu’il apprenne l’anglais et qu’il vive mieux qu’eux. 
La vie en a décidé autrement, mais Ramchand a soudain envie de leur faire honneur, et il achète des livres en anglais et un dictionnaire. 
Doucement, il déchiffre les mots, puis les phrases et les pages se tournent. 
A force de lire, il retrouve le plaisir de l’étude, mais il commence aussi à réfléchir. 
Il s’interroge sur sa vie, sur son isolement, sur sa solitude, sur son travail… 
Il pense trop et devient de plus en plus lucide envers sa condition. 
Mais ces réflexions ne sont pas forcément une bonne chose… 

Ce pauvre Ramchand m’a beaucoup ému.
J’étais si contente quand il s’est mis à lire, à réfléchir, à vouloir vivre mieux.
Je me disais que si les Indiens se cultivent, sont éduqués, cela sera forcément positif, mais hélas, ouvrir les yeux quand on est en bas de l’échelle, c’est aussi voir et prendre conscience que cette échelle a des barreaux glissants ou inexistants et qu’il est bien difficile de la monter.
De rencontres en rencontres, Ramchand veut s’élever, mais il est toujours remis à sa place.
Il croise des femmes de la bonne société comme des femmes des bas quartiers, et chaque fois, il ne trouve pas sa place et ne sait plus ce qu’il doit faire.
Il se perd finalement en essayant de mieux comprendre de quoi la vie est faite et finit par se dire qu’il n’est pas bon de trop penser.

C’est là que je me suis perdue moi aussi, car ce livre m’a engagé dans une réflexion que je poursuis toujours, bien que je l’ai refermé depuis plusieurs mois.
Mes convictions personnelles, mes grandes idées sur l’éducation ne tiennent déjà pas beaucoup face à des enfants qui n’ont d’autres choix que de ne pas aller à l’école pour pouvoir manger (je pourrais vous parler des enfants cambodgiens ou birmans pendant des heures), mais là, je suis encore plus déstabilisée tant ce roman sonne juste.
Pourtant, j’ai envie de croire que l’éducation est toujours une bonne chose. Et ce, quelques soient les conditions.
Car quand j’y réfléchis, j’ai quand même l’impression d’entendre là un discours qui appartenait pour nous au 19e siècle, quand les « masses laborieuses » ne devaient pas être éduquées pour leur bien, qu’il fallait qu’elles restent dans l’ignorance car il n’est pas bon de trop penser, de prendre conscience de sa condition quand on ne peut pas en changer.
C’est exactement ce qu’il y a dans ce livre (que j’ai adoré pourtant), mais les classes laborieuses ont changé en Europe. Elles envoient leurs enfants à l’école aujourd’hui et vivent mieux (si, si, je vous assure que même au chômage, un ouvrier français vit mieux qu’un Indien des bidonvilles).
Le monde du travail a changé lui aussi, me direz-vous, et l’Inde a une population exponentielle a gérer. Mais une jeune fille qui est allée à l’école a statistiquement deux fois moins d’enfant que sa compagne qui n’y est pas allée. Ce sont aussi des enfants qui seront mieux nourris car moins nombreux.
Et finalement, c’est peut-être l’éducation partielle de Ramchand qui est la cause de ses malheurs. S’il avait pu poursuivre sa scolarité, il aurait pu avoir un métier mieux payé et une vie totalement différente.

Comme vous le voyez, je vous livre là mes impressions, mes réflexions, et je ne les ai pas encore bien rangées.
À méditer, donc, car je n’ai pas de réponse.

Ce que je sais, par contre, c’est que je vous conseille ce livre qui est tellement triste, mais tellement joli et si intéressant.
Vous découvrirez l’Inde et les Indiens de l’intérieur, vous toucherez des saris, vous assisterez à un mariage, une séance de cinéma, des essayages ou des pauses thés.

Une valeur sure !



6 commentaires:

  1. Très jolie couverture ; je note ce roman.
    L'éducation ne se fait pas que dans une école.
    Bon WE !

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  2. En dépit de la tristesse de l'histoire, j suis bien tentée par le thème. Moi aussi je crois en les vertus de l'éducation, même si se poser des questions ne rend pas forcément heureux.

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    1. Oui, c'est quand même un roman à lire, car il fait réfléchir, quelque soit le contexte. Et je suis bien d'accord avec toi :)

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  3. Bonjour,
    Voilà un thème et une histoire qui me tentent bien. La littérature indienne en plus dans le peu que je connais est souvent forte et dense ... J'ai vu que tu as commenté "Compartiment pour dames", j'avais beaucoup aimé. Connais-tu "L'équilibre du monde" de Mystri et "Le tigre blanc" de Adiga ? Deux livres que j'ai trouvé marquants sur la société indienne. "L'équilibre du monde" est un pavé, mais c'est lété de tous les challenges ...
    A bientôt

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    Réponses
    1. Merci pour ces idées de lecture, je vais aller voir ça de plus près :)

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