En essayant d'écrire ce billet, je me suis posée une question simple à laquelle j'ai bien du mal à répondre pourtant : Qu'ai-je pensé de ce roman ?
Il me semble que le minimum syndical quand on écrit un billet sur un livre, c'est de savoir soi-même ce qu'on en a pensé.
Et pourtant, parfois, cela m'échappe lorsque j'essaie de dépasser le simple 'j'ai plutôt aimé" pour rendre mon avis plus argumenté.
Je n'ai pas détesté, loin de là, mais ce n'est pas l'amour fou et le coup de foudre que j'attendais.
J'ai bien aimé, voilà, et c'est sans doute déjà pas mal.
Delphine doit se remettre à écrire.
Après le succès inattendu de son dernier roman, elle peine à se retrouver, elle a du mal à accepter cette main mise sur sa vie que ses lecteurs semblent s'autoriser.
Un peu déprimée et surtout dépassée par la situation, elle ne trouve pas l'énergie de s'y remettre et ne trouve pas de sujet qui vaille la peine d'y passer du temps.
Alors qu'elle est en train de tomber dans une déprime qui l'empêche même de toucher un stylo pour écrire quoi que ce soit, elle rencontre L., une femme de son âge, avenante, disponible, qui va prendre les choses en main...
Je trouve parfois que les éditeurs feraient mieux de ne pas survendre un livre, que tout le monde s'en porterait beaucoup mieux.
C'est le cas ici où j'ai lu qu'il s'agissait d'un formidable thriller qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin.
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Et puis évidemment, les billets de blogs enthousiastes (ou beaucoup moins) publiés sur ce roman ont aussi contribué à ce qu'on en sache beaucoup sans même l'avoir lu.
Pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir été "spoilée" (et j'espère ne pas le faire pour vous).
J'ai découvert cette histoire et lu les aventures de Delphine avec une certaine tension, oui, mais pas non plus comme dans un thriller.
De Vigan n'est pas Mary Higgins Clark (et c'est tant mieux) et si vous voulez lire un thriller, passez votre chemin.
Une fois ce constat fait, vous pourrez savourer un livre qui parle d'écriture, de récit, de fiction, d'autofiction, du récit de soi et des autres, du travail de l'écrivain, du choix d'un sujet, de la relation avec les lecteurs, de ce qu'ils attendent ou pas, du lecteur modèle, de la satisfaction de l'attente du lecteur ou au contraire de son détournement, du dédoublement de l'auteur figure publique et de l'auteur qui écrit seul, de la dépossession du texte une fois publié (voire une fois envoyé à l'éditeur), de la puissance de l'inconscient d'un écrivain, de ce qui se dépose en lui et ressort sans qu'il s'en aperçoive vraiment, de la possession de l'auteur qui est habité par son art, de la nécessité vitale de passer à autre chose parfois, de la place de l'auteur dans la société, et puis encore de fiction et d'autoficton, de l'exigence des lecteurs...
Et là aussi c'est déjà pas mal !
Delphine de Vigan insiste beaucoup sur la distance entre le texte et la réalité, sur le choix de la fiction, même si le réel est là, tout au fond (elle se répète un peu trop parfois en insistant lourdement sur ce sujet).
Elle mène son lecteur où elle le souhaite assez facilement, et même si vous n'êtes pas dupe, il reste la réflexion sur le récit qui me parait essentielle.
Elle donne des clés d'interprétation de son livre (et des précédents sans doute aussi) tout en laissant le loisir à son lecteur de se laisser aller à ce que l'on nomme l'illusion référentielle.
Etant moi-même en train d'écrire (difficilement) un texte (mais scientifique), j'avais l'impression d'entendre chez L. cette petite voix qui m'habite ces temps-ci, qui me reproche des trucs, qui essaie de me motiver.
(et d'ailleurs, à la fin du roman, comme Delphine, je me suis remise à écrire 😝)
Evidemment, la version audio renforçait ce sentiment d'entendre L.
La lectrice Marianne Epin est la même que dans le livre précédent Rien ne s'oppose à la nuit.
Sa lecture est toujours aussi fluide et expressive, même si je trouve parfois sa voix faussement juvénile, et l'interview de l'auteur à la fin du livre audio rend la voix de de Vigan presque intrusive, comme si celle de Marianne Epin devait être celle du texte.
Comme d'habitude, j'ai particulièrement apprécié la présence de cette interview.
Je trouve que cela apporte toujours un petit plus au texte, des clés de lecture ou une meilleure connaissance de l'auteur (enfin, parfois, cela peut le desservir).
C'est donc un roman très intéressant pour s'interroger sur le récit, sur la fiction, sur le lecteur et l'auteur.
Si vous avez envie de cogiter un peu en lisant une jolie histoire (un peu amusante parfois quand même), c'est le roman idéal.
Pour un thriller, passez votre chemin.