Pas d'un voyage en Inde, je ne suis pas encore prête à renouveler l'expérience (souvenez-vous...), mais j'ai envie de me replonger temporairement et en toute sécurité dans le bruit et la poussière, dans la chaleur et les odeurs, dans l'exotisme et l'ailleurs.
Quand ce besoin est très fort, je l'assouvis avec un petit thali fait maison (mais c'est très rapide, quoique je perfectionne ma maitrise du dahl) ou un bon roman indien qui me replonge un peu plus durablement dans les rues pleines de Rickshaw de Madras ou sur les dalles brulantes des temples du Tamil Nadu.
Et ici, c'est à Calcutta que le roman nous emporte.
Il a mis plusieurs année après le décès de son père à faire ce que tout bon fils indien se doit de faire : s'occuper de sa mère veuve.
Mais Amit ne vit plus à Calcutta, il a une femme américaine et il lui paraissait trop difficile d'imposer ce changement radical à sa mère.
Il faut dire qu'il y a plus de quarante ans, elle a passé un an dans une petite ville américaine juste après son mariage, et qu'elle en garde un très mauvais souvenir.
Son séjour en Amérique ne débute donc pas sous les meilleurs auspices.
Et puis elle s'ennuie et refuse tout ce que son fils lui propose pour occuper ses journées.
Ce qu'elle aime, elle, c'est regarder la télévision...
A partir de cette situation assez banale pour les familles indiennes, Sandip Roy déploie différents évènements de la vie de Romola, de son mari Avinash et de son fils Amit.
Il aborde des thèmes variés comme la confrontation des cultures, l'immigration indienne en Amérique, la façon dont on considère les Indiens qui vivent à l'étranger, mais également l'homosexualité et comment vivent les homosexuels indiens.
J'avoue que cet aspect du roman m'avait complètement échappé quand je l'ai choisi, et j'avais parfois l'impression que l'auteur insistait un peu lourdement sur cet aspect.
Mais le livre s'inscrit apparemment dans la littérature "queer", ce qui justifie cet apparent déséquilibre, même si ce serait simpliste de ne le définir que par cet aspect.
Il m'a semblé en effet qu'il y était tout autant question de déracinement, de vie de famille à l'indienne et d'une tentative pour faire comprendre comment se construit la famille étendue dans cette culture.
Et de ce point de vue, cela me semble très réussi.
L'auteur nous raconte à chaque chapitre des épisodes de la vie de Romola, d'Avinash, de la vie dans la maison familiale avec la mère et la grand-mère d'Avinash, de la vie du quartier, du cérémonial de la crémation, de ce que les jeunes filles ont le droit de faire ou non quand elles sont courtisées par un homme...
On assiste par bribes aux grands évènements qui marquent une vie ou aux petits rituels quotidiens, et on finirait presque par comprendre ce qu'il se passe dans la tête d'un Indien quand il arrive dans un pays occidental.
En lisant les remerciements, on apprend néanmoins que l'auteur a publié certains chapitres de ce roman sous la forme de nouvelles isolées.
Et effectivement, on comprend mieux certains passages qui paraissent un peu détachés du reste du roman.
Ils ne sont pas totalement incongrus, mais ne s'enchainent pas parfaitement avec le reste.
Ils racontent un évènement isolé (l'envie subite de chutney de mangue d'Amit qui se rend à l'épicerie pour la satisfaire) dont la place dans le roman parait un peu forcée.
Mais c'est un petit bémol.
Pour le reste, ce roman sent le curry, le cumin et le chutney de mangue, il vous dépaysera à coup sûr à grand coup de cuillère de dahl et de fumée d'encens.



















