Avant les grandes
vacances, j’avais eu la possibilité de faire provision de BD en raison de la
fermeture provisoire d’une des bibliothèques de Paris.
Je ne m’étais pas privé,
mais l’avalanche de romans de la rentrée littéraire des vacances m’avait
empêché de les lire toutes.
Comme la date de retour
approche dangereusement, il fallait bien finir la pile et pour se faire, j’ai
pioché cette BD la semaine dernière.
Elodie a enfin son appartement à elle. À 25 ans.
Quand elle croise une amie, Elodie ne sait pas
quoi lui dire.
Que s’est-il passé pendant les deux ou trois
années écoulées ? Pourquoi n’a-t-elle pas terminé son mémoire de
master ? Pourquoi n’a-t-elle pas travaillé ? Que raconter ?
Elodie n’a pas de souvenir de ces dernières
années. Pendant plusieurs mois, elle a dormi, longtemps, profondément. Pendant
plusieurs mois, elle a souffert, silencieusement.
Pendant plusieurs mois, Elodie a lutté contre une
petite tumeur qui l’étouffait, qui l’épuisait et qui ne la laissait pas en
paix…
Il m’est difficile
d’exprimer un avis très tranché sur cette bande dessinée, parce qu’elle m’a
touché plus qu’elle n’aurait dû.
On lit parfois des livres
dont on sait que le sujet sera troublant, voire même douloureux.
On le fait quand même,
allez savoir pourquoi ?
Ai-je eu besoin
d’exorciser un vieux souvenir, de voir de l’intérieur ce que j’ai vu de
l’extérieur ?
Je ne sais pas, mais
l’issue de ce livre est heureusement meilleure, puisque l’auteure raconte ce
qu’elle a vécu, ce qui l’a touché dans sa chair, et surtout ce dont elle est
aujourd’hui sortie.
Elodie Durand revient en
effet sur une période de sa vie dont elle a dû reconstruire le déroulement.
La maladie ne lui a pas
laissé de souvenirs, elle n’a pas eu de durée mais l’a plongé dans une léthargie
ouatée qui l’a enfermé pendant plusieurs mois.
Pour comprendre ce qui
lui est arrivé, elle pose des questions, reprend ses carnets de note tenus
pendant cette « parenthèse », demande à ses parents de lui décrire ce
qu’elle faisait, comment elle vivait.
Mais chacun a sa vision
des choses, et pour la reconstruction de cette famille, la version de la malade
elle-même devient indispensable.
C’est donc ce qu’elle
fait ici, partageant ses maigres souvenirs et sa quête de reconstruction.
Et pour la lectrice que
je suis, ces moments de reconstruction ont été salvateurs. Sans eux, j’aurais
abandonné cette lecture qui me touchait de trop près.
Techniquement, c’est
aussi un livre très troublant, car l’auteure a choisi de placer plusieurs
dessins qu’elle a réalisés pendant sa maladie.
On se retrouve soudain
plongé dans sa tête, face à ses visions et à l’expression d’une douleur
indicible, à la fois physique et morale.
Elle se sent enfermée,
absorbée, mangée par la tumeur qui prend possession d’elle-même, et les dessins
nous confrontent à cela.
Le choix du noir et blanc
est aussi bienvenu parce que cette période de sa vie n’appelle pas une vision
polychrome du monde.
C’est donc une bande
dessinée très sensible, très touchante et belle dans sa simplicité.
Je vous conseille
néanmoins de la lire à un moment où vous allez bien.