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jeudi 19 mai 2016

D'après une histoire vraie de Delphine de Vigan { Prix Audiolib }

En essayant d'écrire ce billet, je me suis posée une question simple à laquelle j'ai bien du mal à répondre pourtant : Qu'ai-je pensé de ce roman ?  
Il me semble que le minimum syndical quand on écrit un billet sur un livre, c'est de savoir soi-même ce qu'on en a pensé. 
Et pourtant, parfois, cela m'échappe lorsque j'essaie de dépasser le simple 'j'ai plutôt aimé" pour rendre mon avis plus argumenté. 
Je n'ai pas détesté, loin de là, mais ce n'est pas l'amour fou et le coup de foudre que j'attendais. 
J'ai bien aimé, voilà, et c'est sans doute déjà pas mal. 

Delphine doit se remettre à écrire. 
Après le succès inattendu de son dernier roman, elle peine à se retrouver, elle a du mal à accepter cette main mise sur sa vie que ses lecteurs semblent s'autoriser. 
Un peu déprimée et surtout dépassée par la situation, elle ne trouve pas l'énergie de s'y remettre et ne trouve pas de sujet qui vaille la peine d'y passer du temps. 
Alors qu'elle est en train de tomber dans une déprime qui l'empêche même de toucher un stylo pour écrire quoi que ce soit, elle rencontre L., une femme de son âge, avenante, disponible, qui va prendre les choses en main...

Je trouve parfois que les éditeurs feraient mieux de ne pas survendre un livre, que tout le monde s'en porterait beaucoup mieux. 
C'est le cas ici où j'ai lu qu'il s'agissait d'un formidable thriller qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin. 
Publicité mensongère !! 
Et puis évidemment, les billets de blogs enthousiastes (ou beaucoup moins) publiés sur ce roman ont aussi contribué à ce qu'on en sache beaucoup sans même l'avoir lu. 
Pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir été "spoilée" (et j'espère ne pas le faire pour vous). 
J'ai découvert cette histoire et lu les aventures de Delphine avec une certaine tension, oui, mais pas non plus comme dans un thriller. 
De Vigan n'est pas Mary Higgins Clark (et c'est tant mieux) et si vous voulez lire un thriller, passez votre chemin. 

Une fois ce constat fait, vous pourrez savourer un livre qui parle d'écriture, de récit, de fiction, d'autofiction, du récit de soi et des autres, du travail de l'écrivain, du choix d'un sujet, de la relation avec les lecteurs, de ce qu'ils attendent ou pas, du lecteur modèle, de la satisfaction de l'attente du lecteur ou au contraire de son détournement, du dédoublement de l'auteur figure publique et de l'auteur qui écrit seul, de la dépossession du texte une fois publié (voire une fois envoyé à l'éditeur), de la puissance de l'inconscient d'un écrivain, de ce qui se dépose en lui et ressort sans qu'il s'en aperçoive vraiment, de la possession de l'auteur qui est habité par son art, de la nécessité vitale de passer à autre chose parfois, de la place de l'auteur dans la société, et puis encore de fiction et d'autoficton, de l'exigence des lecteurs... 
Et là aussi c'est déjà pas mal ! 

Delphine de Vigan insiste beaucoup sur la distance entre le texte et la réalité, sur le choix de la fiction, même si le réel est là, tout au fond (elle se répète un peu trop parfois en insistant lourdement sur ce sujet). 
Elle mène son lecteur où elle le souhaite assez facilement, et même si vous n'êtes pas dupe, il reste la réflexion sur le récit qui me parait essentielle. 
Elle donne des clés d'interprétation de son livre (et des précédents sans doute aussi) tout en laissant le loisir à son lecteur de se laisser aller à ce que l'on nomme l'illusion référentielle. 
Etant moi-même en train d'écrire (difficilement) un texte (mais scientifique), j'avais l'impression d'entendre chez L. cette petite voix qui m'habite ces temps-ci, qui me reproche des trucs, qui essaie de me motiver. 
(et d'ailleurs, à la fin du roman, comme Delphine, je me suis remise à écrire 😝)

Evidemment, la version audio renforçait ce sentiment d'entendre L. 
La lectrice Marianne Epin est la même que dans le livre précédent Rien ne s'oppose à la nuit.
Sa lecture est toujours aussi fluide et expressive, même si je trouve parfois sa voix faussement juvénile, et l'interview de l'auteur à la fin du livre audio rend la voix de de Vigan presque intrusive, comme si celle de Marianne Epin devait être celle du texte. 
Comme d'habitude, j'ai particulièrement apprécié la présence de cette interview. 
Je trouve que cela apporte toujours un petit plus au texte, des clés de lecture ou une meilleure connaissance de l'auteur (enfin, parfois, cela peut le desservir). 

C'est donc un roman très intéressant pour s'interroger sur le récit, sur la fiction, sur le lecteur et l'auteur. 
Si vous avez envie de cogiter un peu en lisant une jolie histoire (un peu amusante parfois quand même), c'est le roman idéal. 
Pour un thriller, passez votre chemin. 











jeudi 24 mars 2016

La Variante chilienne de Pierre Raufast

Cette année, pour les matchs de la rentrée littéraire de Price Minister, on pouvait demander un livre même sans blog. 
Du coup, mon homme (qui a un blog de photo plus alimenté depuis longtemps) a demandé La variante chilienne en proposant de faire sa critique de lecture sur Twitter. 
On n'était franchement pas sûrs du résultat, surtout que cette année, tout le monde n'a pas été sélectionné et une critique sur Twitter, je me demandais ce que ça pouvait donner en 140 caractères.  
Et coup de chance, il a été sélectionné. 
J'en ai profité pour le lire aussi, cela aurait été dommage de s'en priver. 

Margaux et Pascal arrivent dans un petit village de campagne pour y passer les grandes vacances. 
Pascal a loué une maison à l'écart du village en espérant pouvoir y séjourner tranquille, sans regards indiscrets. 
Il faut dire que ces deux là ne correspondent pas au schéma habituel des vacanciers. 
Pascal est professeur de philosophie dans le lycée où Margaux est élève. 
Ils sont partis très vite, sans prévenir personne, Pascal espérant arriver à cacher la jeune femme assez longtemps pour qu'elle ne risque plus rien. 
Cela semble bien parti, l'endroit est désert, mis à part l'homme qui habite la maison voisine du gîte. 
Quand Pascal décide de partager une cigarette un soir avec lui, il découvre Florin, un personnage très original... 

J'ai dévoré ce roman en quelques jours !
Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. 
Il y a eu plein de billets enthousiastes sur le précédent roman de cet auteur mais je ne voyais pas bien ce qu'il pouvait avoir de particulier tout en ayant compris qu'il sortait un peu de l'ordinaire. 
Face à cet enthousiasme collectif, et comme cela me paraissait sympa en lisant le résumé, j'ai ouvert ce roman avec un a priori positif. 
Et ça a plutôt bien marché. 
La première moitié du roman a filé en une soirée. 
J'ai été un peu plus lente pour la deuxième moitié, l'euphorie de la surprise était sans doute passée. 

La structure du roman est assez classique. 
Un premier personnage est le narrateur et il débute le récit. 
Il rencontre ensuite un deuxième personnage qui va raconter une histoire qui lui est arrivé ou qui est arrivé à quelqu'un qu'il connait. 
Cela m'a fait penser aux nouvelles de Barbey d'Aurevilly que j'avais beaucoup aimé mais évidemment, le contenu est assez différent. 

Ici, c'est Florin qui raconte les vies des gens qu'il a croisé dans sa vie, avant de raconter la sienne. 
Pourtant, il n'est pas censé avoir de souvenirs (je vous laisse découvrir pourquoi). 
C'est assez paradoxal et singulier mais cela fonctionne bien. 
Pascal et Margaux racontent leurs vies aussi évidemment, et cette parenthèse estival va permettre à chacun des trois personnages de régler leurs problèmes et de repartir plus sereins à la fin des vacances. 

L'écriture coule, les pages s'enchainent, on découvre tous ces petits destins en attendant le suivant avec impatience. 
Les récits ne m'ont néanmoins pas tous intéressés de façon égale, et j'ai parfois trouvé que les personnages n'étaient évoqués qu'en surface. 
On n'a pas le temps de vraiment les connaitre et certains m'ont moins intéressés. 
Mais c'est le propre de ce genre de récit sans doute. 

Quoi qu'il en soit, n'hésitez pas à le découvrir. 
C'est un très joli moment de lecture à réserver pour les après-midi sur la plage ou les dimanches de printemps sur la terrasse. 
       




lundi 22 février 2016

Profession du père de Sorj Chalandon

Aujourd'hui je vous parle d'un roman dont je ne sais pas vraiment quoi penser.
J'ai attendu pour écrire mon billet.
J'ai laissé décanter cette histoire, je l'ai laissé se poser en moi, reposer dans mon esprit pour voir ce qu'il m'en reste et comment je la ressens après plusieurs jours, après plusieurs semaines.
Mais non.
Rien ne vient éclaircir mon ressenti.
J'aime et je n'aime pas indistinctement, sans pouvoir dire exactement ce qui me dérange.
Je me lance donc quand même dans la rédaction de ce billet qui risque d'être un peu décousu, mais tant pis.

Emile n'a pas une vie facile. 
Son père mène la famille à la baguette, le levant à 5 heures du matin pour assurer son entrainement de soldat. 
Il veille à ce qu'il ne se relâche pas, et cela concerne aussi sa mère. 
L'appartement est spartiate, pas de chauffage, peu à manger, les coups pleuvent souvent, et les journées se ressemblent toutes. 
Sauf quand son père lui donne l'ordre d'aller déposer des lettres à l'autre bout de la ville en pleine nuit. 
Là, il se sent important car son père est agent secret ! 
Après avoir été parachutiste, professeur de judo, et même pasteur, il se cache désormais dans son appartement pour mener sa mission à bien... 

Bon, vous l'aurez sans doute compris, le père d'Emile ne tourne pas très rond dans sa tête.
L'histoire est racontée par Emile qui se retourne sur son enfance alors qu'il vient d'enterrer son père.
Sans jugement, il raconte les faits, juste les faits et laisse le lecteur se débrouiller avec.
Il raconte les coups, pour lui et pour sa mère, il raconte les missions délirantes que lui donnent son père en pleine nuit, il raconte comment lui-même s'en est pris à un de ses camarades de classe et a reproduit la tyrannie de son père.
Il raconte aussi comment il a dû se détacher de ce "cocon" familiale un peu brutalement quand son père a décidé qu'il était assez grand pour se débrouiller tout seul.

Le récit est factuel, sans pathos et surtout sans jugement.
Emile accepte tout, ne se pose pas de questions sur son père ou sa mère.
Il grandit et ne se pose toujours pas de question, enfermé dans un schéma qui lui parait tellement normal qu'il est bien perdu quand il doit vivre autrement.
Sa seule question est celle de la profession de son père, suscitée par la traditionnelle question posée à l'école.

Alors pourquoi n'ai-je pas plus aimé ? 
Les billets sur la blogosphère littéraire sont plutôt enthousiastes, les fans et les non fans de Chalandon ayant quasiment tous aimé ce roman.
J'étais donc enthousiaste en commençant ma lecture et je partais avec un a priori positif.

Je m'attendais peut-être à autre chose ?  
Je ne crois pas, le sujet est clair et je savais ce que j'allais lire.
L'aspect autofiction est toujours un peu difficile pour moi, mais il ne transparait pas ici.
C'est un roman, sans réflexion sur le récit ou sur la mise en fiction.

Est-ce le sujet qui m'a dérangé ? 
Oui et non.
Même si les femmes et les enfants battus sont un sujet toujours un peu perturbant pour moi.

Est-ce le style de Chalandon ? 
Non, pas vraiment non plus, il écrit toujours aussi bien.
Mais peut-être est-ce tout de même un peu froid pour moi, un peu trop distancié.

Ou s'agit-il d'un mélange de tout cela.
Je ne vais pas creuser plus loin, je ne crois pas que j'arriverai à mettre des mots plus précis sur mon ressenti.
Je vous invite néanmoins à le lire pour vous faire votre propre avis.
Pour ma part, j'ai largement préféré le Quatrième mur, je l'avoue, mais cela ne m'empêchera pas de lire Mon traitre et Retour à Killybegs.




C'est mon 8e roman de la rentrée littéraire 2015 ! 




Merci aux éditions Grasset 
pour cette lecture. 





mercredi 10 février 2016

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan (et une petite réflexion sur l'autofiction)

(Toutes mes excuses pour le silence prolongé par ici. Je suis toujours clouée dans mon lit ou mon canapé mais je vais revenir...)

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Je n'aime pas l'autofiction ! 
Voilà, je fais mon coming-out, j'avoue tout, je craque ! 

Par les temps qui courent dans la littérature française, c'est un peu dommage me direz-vous. 
Et effectivement, je vous répondrais que j'ai parfois des déconvenues dans mes lectures quand je me laisse aller à plonger dans la rentrée littéraire. 
Parce que l'autofiction, ça m'agace. 
Le nombril de l'auteur ne m'intéresse pas, l'introspection me navre, la petite vie de l'auteur qui se regarde vivre (souvent en allant mal en plus) me parait inintéressante. 
Cette mode de l'auteur qui parle de lui, sur lui, pour lui, me parait aussi vaine que les copies de certains de mes élèves.
On perd son temps, on assiste à une psychanalyse qui serait bien mieux dans un cabinet de professionnel, et je ne suis même pas sûre que l'auteur s'en trouve soulagé. 
Houellebecq m'ennuie quand il ne me dégoute pas, sans parler d'Edouard Louis ! 

J'ai donc tendance à fuir très vite ce genre de "roman" qui n'en est pas vraiment un.  

Et puis, et puis, parfois il faut savoir changer, évoluer et retourner voir si vraiment tout est à mettre à la poubelle. 
Il y a aussi des auteurs que j'aime bien, même si je n'aime pas tous leurs livres, et qui me tentent beaucoup, malgré la crainte d'être déçue (et c'est terrible d'être déçue par un auteur qu'on aime bien, non ?). 
L'an dernier, je me suis ainsi laissé aller à lire Charlotte de Foenkinos dont j'avais beaucoup aimé la Délicatesse
Et puis j'ai relu Beigbeder et là aussi, j'ai trouvé ça très osé et vraiment sympa. 
Un petit écart du coté d'Eva m'a beaucoup moins plu, mais l'écriture y est très belle. 
Et en septembre, le dernier livre de Delphine de Vigan D'après une histoire vraie a fait grand bruit, il a eu un prix et mes copines sur Facebook l'ont lu avec enthousiasme. 
Dommage de passer à côté pour un a priori personnel alors que je n'ai jamais lu cette auteure ! 

J'ai aussi cru comprendre que c'est la suite du précédent et je viens de le recevoir pour le prix Audiolib.
Autant commencer par le début alors ! 

J'ai tourné autour plusieurs semaines, et puis j'ai craqué et j'ai téléchargé la version audio !
Et là, je ne l'ai plus quitté. 
Cela tombait bien, vu que j'avais un petit truc sur mon crochet à avancer. 

A la mort de Lucille, sa mère, la narratrice se sent l'obligation de raconter le récit de sa vie. 
Elle a déjà publié plusieurs romans mais n'arrive pas à écrire autre chose, perturbée par le suicide et les non-dits que réveille cette disparition. 
Elle décide donc de recueillir les témoignages de sa famille, des proches qui ont connus sa mère, les documents que ses oncles et tantes ont gardé ou ceux que sa mère a laissé dans son appartement. 
Elle s'enfonce alors dans l'histoire d'une famille où les deuils ont succédés aux naissances, où la vie n'était pas toujours rose, même s'il y a eu des moments d'accalmie...

Autant le dire tout de suite, la vie de cette famille est absolument dramatique ! 
Les familles nombreuses sont sans doute plus sujettes à connaitre des drames, plus il y a de monde, plus il y a de risques de perdre certains membre d'une fratrie. 
Et puis, comme c'est souvent le cas quand on évoque un individu dépressif, il y a aussi des personnalités plus ou moins fortes, des comportements déviants, un monde caché que Delphine de Vigan va s'attacher à dévoiler. 

Elle a effectivement fait le choix de raconter Lucille, sa mère, dans un élan fait de nécessité et de besoin vital. 
Une publicité faite par Lucile petite
Elle justifie plusieurs fois son projet, pour elle, pour le lecteur, pour sa famille. 
Elle explique en quoi cela lui est nécessaire, mais en quoi c'est aussi une vision très personnelle, faite du discours de ceux qui l'ont connu mais pas tous, et vu par le filtre de son ressenti à elle, fille de Lucille. 
Le récit double s'enlace entre la vie de Lucille et les réflexions et justification de la narratrice. 
On assiste ainsi au récit de la vie de cette femme, à la fois dans le récit et autour de celui-ci. 
Delphine de Vigan explique comment elle a construit son roman, comment elle l'a habité, comment elle a exploité les cassettes de son grand-père qui a raconté sa vie, les entretiens avec ses tantes, ses propres souvenirs et les écrits de sa mère.  

Mon peu d'affection pour l'autofiction me pousse souvent à me demander pourquoi l'écrivain nous donne ce texte à lire. 
Mais là, je ne me suis pas posée la question. 
Le projet est bien expliqué par De Vigan, elle ne laisse aucune illusion, ne se voile pas la face.
Elle affirme clairement qu'elle répond à un besoin personnel, vital, elle remonte aux sources de son mal-être et fait le lien explicitement entre ce qu'elle a vécu avec sa mère et ce qu'elle ressent aujourd'hui.  
Et néanmoins, cette réflexion dévoile des questions plus profondes. 
Il ne s'agit pas que de cela, mais aussi de littérature, d'écriture, de construction narrative.
Elle dit aussi qu'elle est écrivain, que c'est son métier et que sa vie est forcément liée à ce métier. 
Alors comment organiser toutes les informations dont elle dispose ? Comment respecter la parole de chacun, les mots que sa famille lui a offert ? 
Lucile Poirier

Mais je crois que ce qui m'a vraiment plu, c'est ce récit sur Lucille qui est un vrai récit. 
Cette femme est dès l'enfance vouée à un destin tragique et l'auteure arrive à capter notre intérêt pour ce destin singulier et qui semble si familier. 
L'équilibre entre les deux fils du roman se fait sans heurt, laissant la place majoritaire au récit. 

C'est un texte qui m'a paru très fort, avec un style impeccable. 
Ce n'est pas gai, loin de là, et je ne crois pas que cela permette d'exorciser quoi que ce soit pour le lecteur, mais l'essentiel n'est pas là. 
Pour la réflexion sur le récit et sa construction, pour la découverte de cette vie si tragique, pour la fascination que peut exercer une personne, ce livre vaut d'être lu (mais dans une période où vous êtes plutôt en forme). 




Et une première ligne pour le challenge Petit Bac 2016 catégorie : Phrase






mardi 2 février 2016

Bien comme il faut de Sandip Roy

Parfois, j'ai envie d'Inde. 
Pas d'un voyage en Inde, je ne suis pas encore prête à renouveler l'expérience (souvenez-vous...), mais j'ai envie de me replonger temporairement et en toute sécurité dans le bruit et la poussière, dans la chaleur et les odeurs, dans l'exotisme et l'ailleurs. 
Quand ce besoin est très fort, je l'assouvis avec un petit thali fait maison (mais c'est très rapide, quoique je perfectionne ma maitrise du dahl) ou un bon roman indien qui me replonge un peu plus durablement dans les rues pleines de Rickshaw de Madras ou sur les dalles brulantes des temples du Tamil Nadu. 

Et ici, c'est à Calcutta que le roman nous emporte. 

Amit s'est décidé à accueillir sa mère Romola chez lui à San Francisco. 
Il a mis plusieurs année après le décès de son père à faire ce que tout bon fils indien se doit de faire : s'occuper de sa mère veuve. 
Mais Amit ne vit plus à Calcutta, il a une femme américaine et il lui paraissait trop difficile d'imposer ce changement radical à sa mère. 
Il faut dire qu'il y a plus de quarante ans, elle a passé un an dans une petite ville américaine juste après son mariage, et qu'elle en garde un très mauvais souvenir. 
Son séjour en Amérique ne débute donc pas sous les meilleurs auspices. 
Et puis elle s'ennuie et refuse tout ce que son fils lui propose pour occuper ses journées. 
Ce qu'elle aime, elle, c'est regarder la télévision... 

A partir de cette situation assez banale pour les familles indiennes, Sandip Roy déploie différents évènements de la vie de Romola, de son mari Avinash et de son fils Amit. 
Il aborde des thèmes variés comme la confrontation des cultures, l'immigration indienne en Amérique, la façon dont on considère les Indiens qui vivent à l'étranger, mais également l'homosexualité et comment vivent les homosexuels indiens. 
J'avoue que cet aspect du roman m'avait complètement échappé quand je l'ai choisi, et j'avais parfois l'impression que l'auteur insistait un peu lourdement sur cet aspect. 
Mais le livre s'inscrit apparemment dans la littérature "queer", ce qui justifie cet apparent déséquilibre, même si ce serait simpliste de ne le définir que par cet aspect. 

Il m'a semblé en effet qu'il y était tout autant question de déracinement, de vie de famille à l'indienne et d'une tentative pour faire comprendre comment se construit la famille étendue dans cette culture. 
Et de ce point de vue, cela me semble très réussi. 
L'auteur nous raconte à chaque chapitre des épisodes de la vie de Romola, d'Avinash, de la vie dans la maison familiale avec la mère et la grand-mère d'Avinash, de la vie du quartier, du cérémonial de la crémation, de ce que les jeunes filles ont le droit de faire ou non quand elles sont courtisées par un homme... 
On assiste par bribes aux grands évènements qui marquent une vie ou aux petits rituels quotidiens, et on finirait presque par comprendre ce qu'il se passe dans la tête d'un Indien quand il arrive dans un pays occidental. 

En lisant les remerciements, on apprend néanmoins que l'auteur a publié certains chapitres de ce roman sous la forme de nouvelles isolées. 
Et effectivement, on comprend mieux certains passages qui paraissent un peu détachés du reste du roman. 
Ils ne sont pas totalement incongrus, mais ne s'enchainent pas parfaitement avec le reste. 
Ils racontent un évènement isolé (l'envie subite de chutney de mangue d'Amit qui se rend à l'épicerie pour la satisfaire) dont la place dans le roman parait un peu forcée. 
Mais c'est un petit bémol. 

Pour le reste, ce roman sent le curry, le cumin et le chutney de mangue, il vous dépaysera à coup sûr à grand coup de cuillère de dahl et de fumée d'encens. 


Merci aux éditions les Escales pour cette découverte.



Et hop, je passe aux 2% avec un 7e roman. 






jeudi 21 janvier 2016

La terre qui penche de Carole Martinez

Parfois, il est difficile de parler d'un roman.
Souvent, je laisse passer quelques jours pour voir comment cela va évoluer.
Je le laisse décanter et j'attends de voir ce qu'il en reste.
Mais de temps en temps, cela ne change rien et je ne sais pas trop quoi dire d'autre que "j'ai aimé".
Je reste devant mon petit carnet de notes en me disant qu'il faudrait que je note quelques idées pour pouvoir me lancer dans un billet, mais non, ça ne vient pas.
Certains de ces romans finissent dans les oubliettes, bien que j'ai souvent envie d'en parler quand même.
Je ne saurais pas dire à quoi cela est dû et cela m'arrive avec des livres très différents.

Pour La terre qui penche, je me suis demandé pendant ma lecture ce que j'allais en dire, et déjà je savais que le billet serait difficile à écrire.
Je crois que je ne suis moi-même pas très sûre de ce que j'en pense.

Blanche a grandi comme une mauvaise herbe, entre les coups de fouet de son père et le regard de ses bâtardes. 
Promise à la colère du diable au moindre faux pas, elle rêve de ce qu'elle ferait si elle ne le croyait pas caché derrière le moindre regard levé un peu trop hardiment. 
Et puis un jour, on lui coud une superbe robe, on la met sur un cheval, et on la conduit là-bas, dans la forêt. 
La livre-t-on au diable ? Qu'a-t-elle fait de mal ? 
Mais ce n'est pas au diable qu'on l'emmène. 
On la conduit aux murmures pour qu'elle y épouse Aymon, un simple d'esprit qui doit devenir le seigneur des murmures et de sa rivière, la Loue enchanteresse qui sait séduire les hommes et les emporter...

Raconté à deux voix, ce roman est aussi singulier que celui qui le précède (Du domaine des murmures) et que j'avais adoré.
Alors qu'Esclarmonde nous contait son enfermement, il est plutôt question ici d'une libération.
Deux voix se mêlent pour faire le récit d'une petite vie, celle de la petite fille et celle de la vieille âme qui l'a accompagnée toute sa vie et qui l'observe encore du fond de sa tombe.
Ce choix permet à Carole Martinez de nous plonger dans les pensées de cette toute jeune fille de 12-13 ans et de la regarder de plus loin, avec les yeux d'une adulte qu'est la vieille âme.

L'écriture est très belle, émaillée de chansons du moyen âge et de mots délaissés.
Le lecteur se trouve plongé dans ce moyen âge fait de violence et d'arrachements, avec la peste qui rôde et qui ne se fait jamais complètement oublier.
On regarde cette petite fille qui grandit et apprend la vie par une multitude de petits ou de grands évènements qui ne peuvent que toucher.
Le début du roman est d'ailleurs un peu trop violent et j'ai trouvé que le récit cédait peut-être un peu à la facilité en ajoutant du trash au trash, ce qui m'a empêchée de m'y plonger complètement.
Mais cela s'efface ensuite.

Comme toujours avec cette auteure, il y a aussi un peu de surnaturel avec une jolie réécriture d'Hansel et Gretel.
Et puis il y a la Loue, cette rivière qui prend corps, qui ne s'embarrasse pas de bons sentiments et peut parfois se transformer en monstre qui emporte tout sur son passage.

Mais ce qui m'a vraiment plu, ce sont les passages qui concernent l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
Pour Blanche, savoir lire et écrire, c'est risquer d'être emportée par le diable.
C'est en tout cas ce que son père lui a longtemps répété et c'est ancré en elle, tellement ancré qu'elle a bien du mal à apprendre à écrire.
Et pourtant, elle en a envie et a commencé à apprendre les lettres de son prénom en cachette.
Au fond d'elle, elle sait que cela lui permettra de trouver sa liberté.

"Le diable est filou et agile, et je n'aurai jamais de psautier. 
Père ne m'a rien appris et j'ai volé de droite et de gauche ce que je sais. Pas grand chose. J'en parle aussi la nuit, de ces quelques lettres que je connais et que je m'applique à dessiner avec un baton sur la terre, sur l'eau et dans l'air. Et dès que je maîtrise une nouvelle lettre, je m'en vante en dormant et je la présente à celles que j'ai déjà apprivoisées. J'anime gaiement mon minuscule alphabet en faisant de chacune de mes lettres un petit personnage, une marotte imaginaire, avec son caractère, ses humeurs, sa couleur. Alors la badine cingle de nouveau mes doigts qui ne doivent pas écrire, puisque écrire est aussi une porte pour le diable, agile et filou."

Et puis cette fin...
Juste sublime mais je ne vous en dis pas plus !

Bon et bien finalement, je l'ai écrit ce billet.
Alors ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
La lecture vous tente ?

Il parait que c'est une trilogie... Vivement le tome 3 !




Bon, par contre, je crois que pour la créativité demandée par Price Minister pour les Matchs de la Rentrée Littéraire, c'est raté ! 
(enfin pour moi, c'est un billet originale : d'habitude, je ne cite pas ^-^)
Mais je les remercie vivement pour cette belle lecture ! 











lundi 18 janvier 2016

Animarex de Jean-François Kervéan [et un aveu honteux ^-^]

Quand je choisis une nouvelle lecture, je m'aperçois que je fais toujours un peu pareil. 

Je regarde le titre, l'auteur si je le connais, et je lis le synopsis. 
Parfois, l'éditeur a choisi un résumé qui en dit trop, parfois, c'est flou, parfois on ne trouve pas encore de résumé parce que le roman vient de sortir. 

Quand j'hésite, je vais voir sur les blogs des copines si quelqu'un l'a lu. 
Mais d'autres fois, je ne trouve rien ou je n'ai pas envie de chercher. 
J'échafaude alors des hypothèses à partir d'autres romans de l'auteur ou du titre, je pense à des thèmes ou des directions que pourrait prendre le roman, je crée tout un monde dans ma tête qui me permettra de savoir si c'est le bon moment pour lire le livre ou pas. 
(oui, je sais, parfois je ne suis pas toute seule dans ma tête je crois)

Et quelques fois, je l'avoue, je ne suis pas fière de ce que j'ai imaginé sur un roman avant sa lecture à partir de sa couverture ou de son titre.
C'est clairement le cas pour ce roman, mais comme c'est rigolo, je vais quand même vous raconter.
Parce que là, à ma grande honte eu égard à mes études de lettres, j'étais complètement à côté !

En voyant le titre "animarex", aucun reste de latin n'est venu du fond de ma mémoire.
Il faut dire que j'étais partie bien motivée mais l'ennui mortel de ce cours avait eu raison de cette entrain. 
Dans ce titre, donc, la première partie du terme a suscitée en moi des images d'animaux sauvages et de forêt, d'homme transformé en animal, de roi des animaux... 
Bah oui, anima rex, le roi des animaux ! 
La honte, non ? 
Oserais-je vous dire que je suis même allée jusqu'à me remémorer cette série pourtant jamais regardée qui s'appelait Manimal je crois (bon bah voilà, j'ai osé). 
Et en lisant le billet de l'Irrégulière, la lumière s'est faite dans mon esprit ! 
Non mais sérieusement, comme n'y avais-je pas pensé ? 

Ce roman parle donc d'un roi et de son âme, comme le dit le titre !!!
Animarex, ça signifie l'âme du roi, comme vous l'avez deviné, vous dont le cerveau suit des chemins plus logiques que le mien. 


Petit louis découvre la perte de ceux qu'on aime à la mort de son père et la disparition de la vie dans les yeux d'un lapin. 
Son âme le guette, elle attend le bon moment pour s'installer en lui et l'accompagner, mais il n'est pas très réceptif et la fait patienter. 
Plus grand, Louis découvre le sexe et les femmes, et puis un jour, il rencontre Marie et son âme le suit et guette l'apparition d'un sentiment différent. 
Louis sent que Marie est différente, qu'elle ne se laissera pas apprivoiser facilement.
Elle le déroute et se dérobe... 

On connait plus ou moins la grande passion de jeunesse de Louis14 pour Marie Mancini. 
Ses amours font souvent l'objet de téléfilms ou de documentaires, et on présente généralement Marie comme son grand amour, la seule femme qu'il aima vraiment. 
Sur ce point, le roman ne tranche pas mais choisit de se concentrer sur ces quelques mois où Louis a aimé cette femme. 
On le découvre dans plusieurs scènes isolées à des âges différents, puis il la rencontre et va la retrouver régulièrement avant de ne plus penser qu'à elle. 

Le choix de l'auteur est original, il me semble, et je n'ai pas vu beaucoup de romans qui s'attachent à cette période finalement. 
Mais son originalité va plus loin. 
Le roman est raconté par l'âme de Louis 14, une âme intemporelle qui navigue du récit historique à la chambre de l'auteur qu'elle observe pendant son sommeil ou ses heures d'activités. 
Elle ne cache rien des errances de l'écriture, des périodes difficiles, de la peur de finir le roman. 
C'est original, mais cela permet surtout d'insister sans en avoir l'air sur le caractère fictionnel du récit. 
Il n'est pas question ici d'étude historique, mais d'une variation sur un motif bien connu pour l'explorer en profondeur. 
Ce dont on parle, c'est réellement de l'âme du roi, de ses détours et de ses errements. 

Et effectivement, c'est assez fascinant de découvrir les petites faiblesses des grands personnages historiques, et je me rappelle de l'intérêt toujours grand du public pour les petites histoires quand j'étais guide. 
L'auteur joue ici sur cette curiosité pour "le petit bout de la lorgnette" en resserrant l'histoire au fil des pages sur l'histoire de Louis et Marie, sur leur chambre et leurs nuits. 
Son écriture sert le propos à merveille, parfois très contemporaine pour rappeler encore une fois qu'il s'agit d'un récit, parfois très romanesque mais toujours tournée vers les pensées de Louis 14. 

Il est vraiment dommage que ce livre ne soit pas plus visible parce qu'il le mérite. 
J'ai passé un très bon moment dans ses pages, notamment lorsque je passais dans le Louvre le matin pour aller au bureau et que je venais de lire la course de Louis et Marie dans les escaliers de ce même Louvre. 
Si vous le croisez, n'hésitez pas, vous plongerez quelques heures dans de bien jolies pages, même si cette histoire est d'une infinie tristesse.






lundi 5 octobre 2015

Otages intimes de Jeanne Benameur

Voilà enfin un roman de la rentrée qui m'a bien plu. 
Je l'avoue, je désespérais un peu et je me disais que mes choix n'étaient pas très éclairés ces derniers temps, mais encore une fois, Actes Sud ne m'a pas déçue. 
Il y a parfois des éditeurs qui publient des ouvrages qui nous plaisent particulièrement.
C'est le cas ici, avec un roman qui soigne le style au service d'un propos très délicat à traiter. 

Lors de son dernier reportage, Étienne, reporter de guerre, a été enlevé par un groupe terroriste. 
Un moment fasciné par une femme qui fuyait avec ses enfants sur le trottoir d'en face, perdant la distance qui lui était habituelle derrière son appareil photo, il ne s'est pas mis à l'abri assez vite et l'a payé de plusieurs mois de rétention. 
Mais son enfer touche à sa fin.
A l'aéroport à Paris, sa mère l'attend et va le ramener dans son petit village, dans la maison de son enfance où il pourra retrouver son piano, son ami Enzo et le calme de la vie telle qu'elle était avant. 
Mais rien n'est aussi simple...

Dans ce roman, il n'y a pas de faux-semblants, pas d'évitement.
Étienne rentre de captivité en plein syndrome post-traumatique et se trouve plongé dans sa vie d'avant, mais de bien avant. 
L'auteur passe sous silence l'hospitalisation / débriefing qui suit le retour, pour consacrer son roman à la période de retour à la vie, à la nécessaire reconstruction dans toute sa difficulté. 
Etienne n'est évidemment plus le même et ne retrouvera jamais son état d'esprit précédant la détention, il en a une conscience aiguë. 
Il choisit d'ailleurs d'abandonner le terrain de l'immédiat pour remonter plus haut. 
Il ne remettra pas les pieds dans son petit appartement parisien, mais choisit de rentrer dans son village, là où il a connu une jeunesse faite de musique et d'amitié. 

Evidemment, là aussi le temps a passé et les amitiés d'avant ne sont plus ce qu'elles étaient. 
Etienne visite son passé pour mieux lui dire adieu et passer à autre chose, effeuillant les souvenirs les uns après les autres pour mieux les digérer. 
Loin de tout piétiner, il va reconstruire de nouvelles fondations pour pouvoir penser l'après. 
Il fait son deuil de ce qui n'est plus ou de ce qui ne sera jamais. 

Le style de Jeanne Benameur sert le propos avec des choix qui m'ont paru vraiment littéraire (ce qui n'est pas si fréquent de nos jours). 
Certains passages ne comportent aucune virgule mais une succession de mots qui cascadent, se succèdent comme s'ils arrivaient trop vite, comme s'il y avait une urgence à dire la souffrance. 
La reconstruction d'Etienne n'est pas linéaire. 
Parfois il va bien, d'autres fois la tâche à accomplir lui parait insurmontable. 
Et puis à d'autres moments, on sent que les choses s'accélèrent, qu'il atteint un point de passage, qu'un souvenir lui dévoile une vérité sur lui ou les autres. 
L'écriture suit ces mouvements et entraine le lecteur dans une accumulation ou, au contraire, dans un récit qui se pose, comme la musique qui sous-tend le récit. 

Le récit s'enrichit aussi des petites histoires de chacun, des réminiscences de temps anciens, l'enfance, les amitiés enfantines, le passé de la mère d'Etienne. 
Les pages sur la nature, sur la forêt où chacun va puiser sa force, un apaisement ou une consolation, sont très évocatrices. 
L'éloge de la nature est manifeste, même si elle peut être effrayante ou cacher ce qu'il ne faut pas montrer tout en le dévoilant aux yeux indiscrets. 
C'est d'ailleurs un des thèmes forts du roman. 
Après avoir été isolé de force, mis au secret par les terroristes, Etienne choisit de s'isoler volontairement pour choisir le moment où il se sentira prêt à revenir. 

C'est cette reprise en main qui fait le coeur du roman. 
Le basculement qui peut se produire dans une vie peut être de toute sorte finalement et ce livre exprime à la fois la chute et la recherche d'un nouveau chemin, mais aussi la souffrance de ceux qui restent ou observent cette chute. 
L'entourage d'Etienne a souffert différemment mais doit aussi faire le deuil de ce qui ne sera plus. 
Une universalité se dessine sous le propos qui nous amène à réfléchir à l'accompagnement de celui qui a perdu sa foi en la vie, à cette impossibilité de se dégager de la violence de celui qui est en face et a choisi sa cible. 

Ce petit roman du deuil impossible mais nécessaire, de la nature et de la musique, tellement dans l'air du temps et tellement intemporel, pourra vous ravir avec ses belles pages si finement ciselées. 


Merci à Decitre et Actes Sud pour cette belle lecture.




4/6 pour cette rentrée littéraire !







mardi 22 septembre 2015

Eva de Simon Liberati

J'ai lu ce "roman" il y a plus d'un mois, et je tourne autour de ce billet sans arriver à l'écrire depuis que je l'ai terminé.
Pour tout vous dire, je m'en doutais et j'ai pris des notes pendant ma lecture.
J'ai même mis des signets sur mon livre numérique pour pouvoir citer certains passages, ce qui m'arrive rarement.
Le sujet du livre, la personnalité de son auteur et de celle dont il parle, la façon dont il est écrit, le procès vite expédié qu'à intenté la mère d'Eva Ionesco, tout ceci laissait présager un livre encensé par la critique.
Et ça n'a pas manqué.

La femme qu'il vient de rencontrer est de celle qu'on rêve longtemps. 
Dans ses premiers romans, elle était déjà là, belle, mystérieuse. 
Son premier idéal féminin, il le sait maintenant, c'était elle. 
Sous les traits de ses personnages, il le sait, il le sent, elle était en filigrane, la conjugaison de toutes formant une image à présent si claire. 
Mais leurs vies s'entrechoquent et si elle est abimée par son passé, il a choisi une voie de débauche qui ne lui laisse pas l'esprit plus tranquille. 
Il a toujours fréquenté des milieux où la drogue et l'alcool étaient des habitudes quotidiennes...

Soyons clair dès le départ, je n'ai globalement pas aimé !
Et pourtant, j'aime beaucoup le personnage qui écrivait les horoscopes si drôles que je lisais dans ce magazine génial et décalé de ma jeunesse qu'était 20 Ans !
Cela ne signifie pas que j'ai détesté et je l'ai même terminé (même si j'ai sauté plusieurs paragraphes), allant au bout de ce récit, sans doute mue par une curiosité (malsaine ?) pour Eva.
Mais hélas, je n'y ai pas trouvé ce que je m'attendais à y lire, et je crois que c'est ce qui m'a perturbé.

Evidemment, dit comme ça, on voit bien que c'est de ma faute et qu'avec une autre idée du livre, j'aurais peut-être aimé davantage.
Mais tout de même, on nous vend ce roman comme l'histoire d'Eva Ionesco, comme un roman "sur" la femme aimée, l'expression de l'amour de Simon Liberati pour sa femme.
Or ce qu'on lit ici, c'est la vie de Simon Liberati avant Eva, les soirées de beuveries, les soirées de délire, les vagabondages dans Paris, sa vie décousue.
Il lui faut plus de la moitié du livre pour arriver enfin à nous parler d'Eva, de leur rencontre, de cette fulgurance qui l'a frappé.
Par la suite, on lit les pérégrinations d'une petite fille exploitée par sa mère, avec un peu de trash, l'évocation de séances de photos très perturbantes, l'alcool et la drogue, l'abandon de cette enfant à elle-même après l'avoir détruite.
Il ne nous épargne rien pour montrer l'évolution d'Eva, comment elle s'en est sortie malgré la perversion maternelle (sa mère l'a loué à 11 ans pour tourné un film porno !), et comment l'époque ne reprochait rien à Irina Ionesco, et l'encensait à loisir en organisant des retrospectives et autres expos photos où l'enfant était exposée dans toute sa nudité.
Cet aspect là est éclairant par la dénonciation qu'il pratique, on ne peut pas le lui reprocher, et il reste très soft tout de même dans son propos.

Mais globalement, il ne se passe pas grand chose, il faut bien le dire.
En 280 pages, on a largement accès aux pensées de Liberati, à ses états d'âme, à son passé, à ce qu'il pense de sa femme, de ses amis, de sa vie, de ses meubles, de son lit...
Certes, passé la moitié du livre, il finit par nous parler d'Eva, de sa vie d'avant, de son enfance.
Certes, vous lirez des choses abominables sur ce que la mère d'Eva lui a fait subir.
Mais tout de même, ce n'est pas le coeur de cette histoire.

Et d'ailleurs, en écoutant l'auteur chez Trappenard sur France Inter, je l'ai entendu dire : "J'ai fait un livre sur ma conjugalité avec Eva Ionesco" !
Mais voilà ! C'est ça !
Encore une fois, je me suis laissée abuser par la présentation erronée de l'éditeur !
Et ici, ça prend tout son sens !
Mettre en avant l'histoire d'Eva plutôt que celle du couple, c'est attirer le lecteur avec un truc un peu gore, un peu méconnu mais connu quand même, un peu trash, surtout après le procès fait par la mère d'Eva.
C'est très présent dans le livre, mais plus comme un filigrane (et ça, c'est tant mieux finalement).

A moins que ce soit tout le livre qui tente d'attirer le lecteur avec un peu de trash et de sensationnalisme.

Au final, je retiendrais un texte ciselé, avec de très beaux moments, tellement beaux que contrairement à mon habitude, j'ai noté quelques extraits. 
Mais une déception pour le fond un peu trash, un peu sale, et une lassitude face à l'autofiction qui se regarde le nombril et n'apporte rien de neuf sous le soleil ! 


Mais c'est joli quand même :

"Ma souveraineté était placée sous la garde de mes défauts. On n'asservit pas un enragé. On peut se l'attacher quelques temps mais il finira toujours par briser ses liens et mordre la main qu'on lui a tendue."

"Ce qu'Eva m'a dit au début sur ses vertiges suicidaires ne m'a jamais quitté parce qu'ils ne la quittent jamais. Ce soir-là, ce soir passé, déjà mort, l'enchantement de la promenade, à la fois partagé et distinct, chacun au fond marchant dans l'impénétrabe solitude de l'être, le plaisir lui-même n'étant comme dans l'amour qu'une brève illusion de communauté, cet enchantement perdure pourtant."

Je signale aussi l'article du magazine Lire sur le livre qui est vraiment bien trouvé avec son Pour ou contre !

Cliquer pour voir en plus grand




3/6 pour cette rentrée littéraire !



Merci à Decitre pour cette lecture. 



lundi 14 septembre 2015

Il faut tenter de vivre d'Eric Faye

Voilà un petit roman de la rentrée littéraire cru 2015 qui pourra occuper quelques heures d'un dimanche après-midi pluvieux.
Je connaissais Eric Faye depuis la lecture de son petit bijou Nagasaki.
Celui-ci est complètement différent, et si vous avez aimé Nagasaki, rien ne garantit que vous aimiez celui-ci (mais rien ne dit que vous n'allez pas aimer).
Encore une fois, il ne faut que 180 pages à Eric Faye pour nous offrir une histoire très évocatrice, et complètement différente de la précédente.

Sandrine Broussard l'a toujours fasciné. 
Jusqu'à ce jour où elle se livre enfin et lui raconte sa vie, il l'a croisé, recroisé, tombant dans une fascination pour cette femme qui lui semblait tellement insaisissable. 
Ami avec son frère Theo, il se sent lié à elle et a entrepris depuis plusieurs années d'écrire son histoire. 
Il faut dire qu'elle n'est pas banale. 
Sandrine a toujours voulu changer de vie, devenir une autre, plus riche, plus heureuse. 
Avec Daniel, son compagnon de l'époque, elle publie des petites annonces pour arnaquer des hommes célibataires. 
Les affaires tournent bien plusieurs mois, jusqu'à ce que la police les repèrent et les obligent à fuir... 

Bon, bon, bon. 
Que dire de ce petit roman ? 
  • Qu'il est bien écrit, que les yeux filent sur le texte.
  • Qu'il se lit d'une traite, en une après-midi ou une soirée d'insomnie (mais rassurez-vous, pas trop tardive, l'insomnie avec ses 180 pages). 
  • Qu'il est un peu original, le sujet n'est pas banal.
  • Qu'il a un petit truc qui cloche et m'a agacé pendant toute ma lecture. 
L'histoire qui nous est narrée ici est celle de Sandrine, racontée par Pépito à la première personne.
En tant que narrateur, il ne maitrise pas toutes les informations et nous les délivre au fur et à mesure.
On ne sait pas toujours comment il les a apprises, parfois il l'explique, parfois non.
C'est assez singulier, mais cela nous permet de découvrir tout comme lui ce que Sandrine accepte de raconter.

Sa vie n'est d'ailleurs pas banale.
Arnaqueuse professionnelle, elle a tout fait pour changer de conditions, quitte à risquer la prison.
C'est d'ailleurs ce qui lui est arrivé, malgré la fuite et la vie sous une fausse identité.
L'histoire de cette femme est fascinante.
Avec un complice, elle a élaboré une arnaque apparemment relativement courante mais qui a fonctionné un temps.
Pas à court d'idée, elle avait d'autres idées quand l'atmosphère s'est gâtée.
Dans le roman, Faye nous donne à la fois l'histoire de cette femme, mais aussi ses pensées, la façon dont elle l'a vécu et ressenti.
Cet aspect du roman est vraiment fascinant et je me suis laissée prendre au récit de sa vie cachée, à ses amours ratés, à ses échecs et sa reconstruction.
Certaines scènes me resteront en mémoire longtemps je pense.
Par contre, je n'ai pas réussi à comprendre ce qui relevait du réel et ce qui appartenait à la fiction.
Cela ne me gêne pas d'habitude, mais là, il y a une allusion au début du roman et je n'ai rien trouvé sur Internet (si vous êtes mieux renseignés que moi, n'hésitez pas à commenter ;^) )

Le deuxième point délicat est celui-ci : Eric Faye a choisi un type de narration que j'ai trouvé un peu bancal.
Le récit est raconté par Pepito qui nous avoue être depuis longtemps fasciné par Sandrine.
Il ne dit pas qu'il en est amoureux, ou qu'elle l'attire, mais elle le trouble apparemment à chacune de leurs rencontres.
Comme il est très ami avec le frère de Sandrine, on devine aisément le genre de relation qui peut les lier, elle la soeur inatteignable pour ne pas trahir le meilleur pote et lui qui passera toujours pour un ado pour elle qui le regarde à peine.
Mais ce n'est apparemment pas aussi simple puisqu'il semble ignorer de nombreux éléments de sa vie.
Je pensais qu'il s'agissait là d'un trio d'amis d'enfance, mais ce n'est apparemment pas le cas et on a du mal à situer un peu le début des évènements.
Ce narrateur un peu mou m'a vraiment dérangé, tout comme cette situation un peu inégale.

Je crois que le seul récit de la vie de Sandrine m'aurait plu davantage.
La peur qu'elle ressent pendant qu'elle doit se cacher, vivre sous une autre identité, les choix qu'elle fait sont bien décrits, on entre dans les pensées de cette femme et j'ai vraiment ressenti de l'intérêt pour elle.
Mais moins pour Pépito.

Une petite citation parce que le texte est vraiment beau : 
"J'aurais aimé accomplir ce que Sandrine avait réussi sous l'empire de la nécessité : me glisser sous l'épiderme d'un autre, à qui, sans mobile - comme une manière de crime parfait - j'aurais dérobé l'identité par intermittence".

J'attendrai tout de même le prochain Faye avec impatience, en espérant un nouveau Nagasaki.




2/6 pour cette rentrée littéraire



Merci à Decitre pour cette lecture. 



lundi 7 septembre 2015

La Maladroite d'Alexandre Seurat

Je commence ma rentrée littéraire sur ce blog avec un billet sur le troisième livre que j'ai lu, mais comme c'est le premier que j'ai écrit, autant vous le livrer.
Il va peut-être un peu détoner dans le concert de louange actuel alors j'ai tenu à l'argumenter (mais je vous ai mis des trucs en gras pour que vous puissiez suivre).

Voilà donc un billet très long pour un tout petit roman de la rentrée littéraire qui a déjà fait grand bruit sur pas mal de blogs de lecture.
Le jour de sa sortie, il était présent sur des blogs très suivis et les avis sont souvent très bons. 
C'est en grande partie grâce à Charlotte si on le voit beaucoup, car elle a eu la bonne idée de créer un challenge qui consiste à lire les 68 premiers romans de cette rentrée littéraire. 
Excellente idée qui permet à des auteurs encore méconnus de sortir un peu du lot, elle permet aussi à de petites maisons d'édition d'être plus visible. 

Un peu fascinée par cet engouement si unanime, je l'avoue, j'ai eu envie de vérifier par moi-même si cette centaine de pages était aussi fulgurante. 

Diana est née dans une famille comme il en existe parfois, avec une mère un peu instable qui a d'abord voulu accoucher sous x avant de changer d'avis, poussée par sa propre mère chez qui elle avait trouvé refuge. 
Et puis son père est revenu, et puis la famille s'est agrandie. 
Il y avait son grand frère, né d'un autre père, et il y aura un autre frère et une soeur. 
A l'école, l'institutrice de Diana a bien vu que quelque chose n'allait pas. 
L'enfant est couverte de bleues, le visage enflé, parfois elle boite. 
Mais elle dit qu'elle est tombé, qu'elle est maladroite...

Je crains malheureusement que mon avis ne soit pas aussi dithyrambique que celui de mes copines. 
C'est toujours difficile de dire cela du roman d'un auteur qui débute, surtout que dans ce roman, il y a le fond, inattaquable (ou presque) et la forme plus délicate il me semble. 
Car il y a quelques petites choses qui m'ont dérangé dans ce livre. 
Je vais commencer par ce qui m'a plu. 

Le sujet est évidemment de ceux dont il faut parler pour que les choses bougent un peu plus.
L'histoire qui nous est racontée rappelle malheureusement trop d'affaires qui nous restent en mémoire comme un immense gâchis. 
L'institutrice qui fait ce qu'elle peut, qui fait une liste quotidienne des bleus et des blessures de l'enfant, mais qui se heurte à la lourdeur administrative, au médecin scolaire qui ne veut rien savoir, ce sont des critiques que l'on entend malheureusement trop souvent quand il est trop tard. 
Le système est mal fait et laisse passer des cas terribles qui finissent en drame (mais j'ai un peu envie de demander combien d'enfants sont mis à l'abri pour un qui passe entre les mailles du filet ?). 
Rien que pour cela, ce roman doit exister. 
Il questionne la société et son fonctionnement et interroge le lecteur sur ce regard qu'on détourne souvent quand une main s'abat sur un enfant. 

L'autre qualité de ce roman, pour moi, est la polyphonie que l'auteur a choisi pour raconter cette histoire
C'est très original et cela fonctionne un peu comme un texte de théâtre. 
Aucun narrateur ne vient mettre un commentaire sur cette histoire. 
Il n'y a que les faits, racontés par ceux qui les ont vécu, comme on le voit parfois dans certains documentaires policiers (ou les films du matin sur tf1 qui sont très rigolos à regarder quand on est malade). 
Certains personnages interviennent d'une phrase, d'un mot quand une conversation les impliquant est racontée et le texte se présente comme une succession de répliques avec le nom du personnage et les différents actes qui se succèdent. 
On peut ainsi connaitre le point de vue de chacun sans filtre, sans être influencé par quoi que ce soit, si ce n'est la parole de celui qui a parlé juste avant. 

Mais cette idée théâtrale est aussi ce qui m'a un peu perturbé pendant ma lecture. 
Certains tours de parole sont surprenants. 
Quand un personnage coupe littéralement la parole d'un autre pour dire quelques mots, on ne sait plus où on en est, et le drame qui se joue retombe un peu comme un soufflet. 
C'est terrible de dire cela vu le sujet traité, et pourtant, c'est comme ça que je l'ai ressenti. 
J'ai vraiment été perturbée par ces petites coupures dans le récit. 
Ce même récit, d'ailleurs, souffre aussi de ne pas avoir de vrai récit cadre. 
L'institutrice qui débute le récit voit un journal et remonte le fil de ses souvenirs, mais que viennent faire les autres voix dans ces souvenirs ? 
Il en est de même pour certaines tournures de phrases qui sonnent un peu faux, sans doute la faute à cet écrit oralisant choisi par l'auteur. 
Il me semble que ce sont des défauts inhérents à la forme de récit qui a été choisie par l'auteur, même si on les oublie assez vite. 

Au final, je retiens un récit plaintif, où tout le monde tente de se justifier, se plaint de ne pas avoir été entendu, où tout le monde affirme que ce n'est pas sa faute, comme on l'entend quand un tel drame arrive. 
D'ailleurs, tous les personnages ont un peu le même ton dans ce récit. 
C'est un premier roman, mais la forme semblait faciliter la multiplication des tons, le jeu sur la langue des différents personnages qui sont au contraire un peu monocordes, alors que tous n'ont sans doute pas la même voix, loin de là. 
On n'entend pas Diana et personne ne la plaint vraiment. 
Comme en écho à ce qu'a été sa vie, personne ne prend de responsabilité et tout le monde se cache derrière la procédure, une plainte ou l'attitude des parents qui cachaient bien leur jeu. 

Je terminerai avec une demande personnelle à l'auteur. 
S'il vous plait, oubliez les rêves dans votre prochain livre
Vous avez une joli plume, vous avez traité ce sujet difficile avec retenue, mais les rêves que font les personnages où ils sont censés déceler la souffrance de Diana, c'est un peu too much.
D'ailleurs, ça ne les alerte jamais vraiment (et on se croirait chez Mary Higgins Clark).
Le béton, à la fin, c'est un peu "gros" aussi et peu vraisemblable quand même.
Comment peut-il le faire d'ailleurs ?
(edit : Valou m'a expliqué qu'il avait vraiment fait comme ça. La réalité est parfois moins vraisemblable que la fiction...)


Pour finir, je retiendrai le procédé théâtral de narration vraiment original, une prise de risque évidente avec un sujet pas facile mais bien traité, mais une froideur dans la narration et une unité de ton un peu dommageable pour le récit. 


Vous trouverez beaucoup d'autres avis par ici : chez Antigone une lecture à distance, et des avis enthousiastes chez Alex, StephieLeiloonaEimelleNoukette, Valou, et chez vous ? 


1/6 pour cette rentrée littéraire





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