(Toutes mes excuses pour le silence prolongé par ici. Je suis toujours clouée dans mon lit ou mon canapé mais je vais revenir...)
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Je n'aime pas l'autofiction !
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Je n'aime pas l'autofiction !
Voilà, je fais mon coming-out, j'avoue tout, je craque !
Par les temps qui courent dans la littérature française, c'est un peu dommage me direz-vous.
Et effectivement, je vous répondrais que j'ai parfois des déconvenues dans mes lectures quand je me laisse aller à plonger dans la rentrée littéraire.
Parce que l'autofiction, ça m'agace.
Le nombril de l'auteur ne m'intéresse pas, l'introspection me navre, la petite vie de l'auteur qui se regarde vivre (souvent en allant mal en plus) me parait inintéressante.
Cette mode de l'auteur qui parle de lui, sur lui, pour lui, me parait aussi vaine que les copies de certains de mes élèves.
On perd son temps, on assiste à une psychanalyse qui serait bien mieux dans un cabinet de professionnel, et je ne suis même pas sûre que l'auteur s'en trouve soulagé.
Houellebecq m'ennuie quand il ne me dégoute pas, sans parler d'Edouard Louis !
J'ai donc tendance à fuir très vite ce genre de "roman" qui n'en est pas vraiment un.
Et puis, et puis, parfois il faut savoir changer, évoluer et retourner voir si vraiment tout est à mettre à la poubelle.
Il y a aussi des auteurs que j'aime bien, même si je n'aime pas tous leurs livres, et qui me tentent beaucoup, malgré la crainte d'être déçue (et c'est terrible d'être déçue par un auteur qu'on aime bien, non ?).
L'an dernier, je me suis ainsi laissé aller à lire Charlotte de Foenkinos dont j'avais beaucoup aimé la Délicatesse.
Et puis j'ai relu Beigbeder et là aussi, j'ai trouvé ça très osé et vraiment sympa.
Un petit écart du coté d'Eva m'a beaucoup moins plu, mais l'écriture y est très belle.
Et en septembre, le dernier livre de Delphine de Vigan D'après une histoire vraie a fait grand bruit, il a eu un prix et mes copines sur Facebook l'ont lu avec enthousiasme.
Dommage de passer à côté pour un a priori personnel alors que je n'ai jamais lu cette auteure !
J'ai aussi cru comprendre que c'est la suite du précédent et je viens de le recevoir pour le prix Audiolib.
Autant commencer par le début alors !
J'ai tourné autour plusieurs semaines, et puis j'ai craqué et j'ai téléchargé la version audio !
Et là, je ne l'ai plus quitté.
Cela tombait bien, vu que j'avais un petit truc sur mon crochet à avancer.
Elle a déjà publié plusieurs romans mais n'arrive pas à écrire autre chose, perturbée par le suicide et les non-dits que réveille cette disparition.
Elle décide donc de recueillir les témoignages de sa famille, des proches qui ont connus sa mère, les documents que ses oncles et tantes ont gardé ou ceux que sa mère a laissé dans son appartement.
Elle s'enfonce alors dans l'histoire d'une famille où les deuils ont succédés aux naissances, où la vie n'était pas toujours rose, même s'il y a eu des moments d'accalmie...
Autant le dire tout de suite, la vie de cette famille est absolument dramatique !
Les familles nombreuses sont sans doute plus sujettes à connaitre des drames, plus il y a de monde, plus il y a de risques de perdre certains membre d'une fratrie.
Et puis, comme c'est souvent le cas quand on évoque un individu dépressif, il y a aussi des personnalités plus ou moins fortes, des comportements déviants, un monde caché que Delphine de Vigan va s'attacher à dévoiler.
Elle a effectivement fait le choix de raconter Lucille, sa mère, dans un élan fait de nécessité et de besoin vital.
Une publicité faite par Lucile petite |
Elle explique en quoi cela lui est nécessaire, mais en quoi c'est aussi une vision très personnelle, faite du discours de ceux qui l'ont connu mais pas tous, et vu par le filtre de son ressenti à elle, fille de Lucille.
Le récit double s'enlace entre la vie de Lucille et les réflexions et justification de la narratrice.
On assiste ainsi au récit de la vie de cette femme, à la fois dans le récit et autour de celui-ci.
Delphine de Vigan explique comment elle a construit son roman, comment elle l'a habité, comment elle a exploité les cassettes de son grand-père qui a raconté sa vie, les entretiens avec ses tantes, ses propres souvenirs et les écrits de sa mère.
Mon peu d'affection pour l'autofiction me pousse souvent à me demander pourquoi l'écrivain nous donne ce texte à lire.
Mais là, je ne me suis pas posée la question.
Le projet est bien expliqué par De Vigan, elle ne laisse aucune illusion, ne se voile pas la face.
Elle affirme clairement qu'elle répond à un besoin personnel, vital, elle remonte aux sources de son mal-être et fait le lien explicitement entre ce qu'elle a vécu avec sa mère et ce qu'elle ressent aujourd'hui.
Et néanmoins, cette réflexion dévoile des questions plus profondes.
Il ne s'agit pas que de cela, mais aussi de littérature, d'écriture, de construction narrative.
Elle dit aussi qu'elle est écrivain, que c'est son métier et que sa vie est forcément liée à ce métier.
Elle dit aussi qu'elle est écrivain, que c'est son métier et que sa vie est forcément liée à ce métier.
Alors comment organiser toutes les informations dont elle dispose ? Comment respecter la parole de chacun, les mots que sa famille lui a offert ?
Mais je crois que ce qui m'a vraiment plu, c'est ce récit sur Lucille qui est un vrai récit.
Cette femme est dès l'enfance vouée à un destin tragique et l'auteure arrive à capter notre intérêt pour ce destin singulier et qui semble si familier.
L'équilibre entre les deux fils du roman se fait sans heurt, laissant la place majoritaire au récit.
C'est un texte qui m'a paru très fort, avec un style impeccable.
Ce n'est pas gai, loin de là, et je ne crois pas que cela permette d'exorciser quoi que ce soit pour le lecteur, mais l'essentiel n'est pas là.
Pour la réflexion sur le récit et sa construction, pour la découverte de cette vie si tragique, pour la fascination que peut exercer une personne, ce livre vaut d'être lu (mais dans une période où vous êtes plutôt en forme).