mardi 24 mai 2016

Boussole de Mathias Enard { Prix Audiolib }

Voilà un roman qui a beaucoup fait parler de lui depuis sa sortie (voire même avant). 
Mathias Enard, d'habitude adepte de la forme courte il me semble (comme ici par exemple), nous offre ici un bon pavé bien lourd et bien dense. 
Mais je me suis dit que ce n'était pas pour autant qu'il fallait fuir, surtout en livre audio ! 

Franz est mélancolique ce soir. 
Son médecin lui a diagnostiqué une possible maladie dont il attend les résultats. 
Sarah, une amie ancienne, lui a envoyé le tiré à part d'un de ses articles qui lui rappelle des temps révolus. 
Alors qu'il tente de s'endormir sans résultat, des épisodes de sa vie lui reviennent en tête, comme la soutenance de la thèse de son amie Sarah, leur première rencontre à un colloque... 

J'ai l'impression (comme souvent) que mon résumé ne rend pas justice au texte de Mathias Enard. 
Il a l'air bien plat et bien court, surtout qu'il s'agit là de l'intrigue presque au complet. 
Et pourtant, c'est un texte très riche (trop parfois néanmoins) qui multiplie les références, les petits récits, la succession de souvenirs et d'évocations. 
Franz et Sarah sont orientalistes universitaires et se sont croisés plusieurs fois au cours de leur vie. 
Ils ne travaillent pas sur le même sujet, ce qui leur donne l'occasion d'échanges et de discussions. 
Et puis ils ont visité des lieux chargés de sens, des expositions aux statues étranges, le mémorial d'une bataille... 
Il y a aussi la musique qui rythme le récit et donne envie de lire le roman avec son ordinateur à côté pour pouvoir écouter les morceaux cités. 
Les souvenirs de Franz lui permettent de dériver d'un sujet à l'autre, d'être à la fois dans ses souvenirs et dans une projection vers l'avenir en imaginant ce qu'il pourrait écrire.
Il vogue de Sarah à d'autres personnes qu'il a connu, et puis vers Litz, Berlioz et d'autres artistes orientalistes ou non. 
C'est à la fois érudit, un peu gothique, un peu envoutant et surtout très bien écrit. 
Le texte est ciselé et coule tout seul, surtout en version audio (à l'écrit j'ai plus de mal, je l'avoue). 

Et puis le milieu dans lequel évolue Franz est aussi le mien et je m'y suis retrouvée bien souvent. 
J'ai eu du mal au départ avec l'image franchement négative et méprisante qui est donnée des directeurs de thèse, de la Sorbonne (effectivement décrépie mais en travaux) et des universitaires. 
On reconnait bien là le type un peu aigri par le système universitaire où il n'a pas trouvé ce qu'il cherchait. 
Les colloques et le travail de réflexion, la pensée sans cesse en mouvement, les idées d'articles qui fleurissent au fil de la pensée, tout ceci est beaucoup plus proche de ce qui me semble être la réalité actuelle. 

Malheureusement, à partir du chapitre 5 (la moitié du roman à peu près), je me suis aussi beaucoup ennuyée, d'un ennui qui ressemble à celui qui vous engourdi les après-midi d'été, quand la langueur vous emporte et vous laisse immobile.
Le livre est très long, l'esprit de Franz file à saut et à gambades et certains sujets m'ont semblé vraiment hermétiques.
On ne peut pas tout connaitre et tout saisir évidemment, et pendant la première moitié du roman, je me suis dit que ce n'était pas si important. 
Certains noms m'ont porté comme Gertrude Belle, ou ces femmes qui ont tenté l'aventure de l'orient à la fin du 19e siècle et au début du 20e. 
C'est une période qui me fascine alors j'avoue qu'il y en avait quelques unes que je connaissais déjà bien. 
Mais il revient ensuite sur les mêmes personnages en s'attardant beaucoup trop, il s'enlise et tourne en rond. 
Le récit passe progressivement sur l'actualité de la Syrie mais d'une façon qui ne coule pas toute seule, c'est un peu artificiel.
Du coup, je l'avoue, j'ai eu beaucoup de mal à finir, je me suis lassée.

La version audio a la particularité d'être lue par Mathias Enard lui-même, ce qui peut être quelque peu déstabilisant. 
Son timbre de voix est assez spécial, un peu trainant peut-être et a pour effet de rendre le texte un peu lent, voire lancinant parfois.
Cela ne m'a pas dérangé et je trouve que cela correspond bien au texte (surtout qu'il se perfectionne dans la seconde moitié). 
Un comédien aurait sans doute rendu le texte plus vivant néanmoins. 
Pour cette version audio, la musique m'a aussi beaucoup manqué. 
J'avais envie de l'entendre en fond sonore quand le narrateur l'évoquait et j'ai vraiment eu envie à chaque nouveau morceau cité d'aller le chercher sur Internet. 
Mis à part ces petites réserves, j'ai trouvé la lecture audio bien plus digeste que le livre papier que je n'aurais jamais fini !

C'est donc un roman exigeant, érudit, où il faut accepter de ne pas tout connaitre, et de se laisser porter longtemps ! 
Le texte est beau, rempli d'images orientales qui se déposeront dans votre cerveau et vous mèneront à la dérive de votre pensée, tout comme celle de Franz (mais il faut avoir la patience de tenir jusqu'au bout). 
En voici une : 


"Depuis Chateaubriand, on voyage pour raconter ; on prend des images, support de la mémoire et du partage ; on explique qu'en Europe, "les chambres sont minuscules", qu'à Paris "toute la chambre d'hôtel était plus petite que notre salle de bains", ce qui provoque les frissons de l'assistance - et aussi une lumière d'envie dans les regards"  


(Mince alors ! Je viens de réaliser que j'ai lu le Goncourt 2015 ! Je suis fière de moi alors :) 










dimanche 22 mai 2016

Petit clin d'oeil du dimanche soir...

Pour ne pas changer, je bosse ce soir mais j'ai préparé des billets pour cette semaine et j'avais envie de partager cette petite pub que vous connaissez sans doute mais qui me rappelle mes dimanches soirs quand j'étais petite.

Ma maman me préparait à manger quand je rentrais de chez mon papa... où j'avais déjà mangé évidemment.
Mais je ne voulais pas la décevoir ;^)





Bon début de semaine à vous tous !!! 


samedi 21 mai 2016

Blogcrossing d'avril et mai !!

Il y a deux mois, j'avais fait un petit billet pour vous parler des billets de mon autre blog.
Et puis avril et mai ont été bien chargés et c'est un peu passé à la trappe.

Revoilà donc un blog crossing avec mes billets préférés.
Tout mettre aurait été fastidieux, mais n'hésitez pas à aller vous y promener si cela vous tente d'en voir plus !

Sur Doudou, maman, papa et moi, il y a donc eu des billets sur plein de sujets :

De jolis livres :
















De jolis objets : 




















Et un test : 





Bon weekend !!! 





jeudi 19 mai 2016

D'après une histoire vraie de Delphine de Vigan { Prix Audiolib }

En essayant d'écrire ce billet, je me suis posée une question simple à laquelle j'ai bien du mal à répondre pourtant : Qu'ai-je pensé de ce roman ?  
Il me semble que le minimum syndical quand on écrit un billet sur un livre, c'est de savoir soi-même ce qu'on en a pensé. 
Et pourtant, parfois, cela m'échappe lorsque j'essaie de dépasser le simple 'j'ai plutôt aimé" pour rendre mon avis plus argumenté. 
Je n'ai pas détesté, loin de là, mais ce n'est pas l'amour fou et le coup de foudre que j'attendais. 
J'ai bien aimé, voilà, et c'est sans doute déjà pas mal. 

Delphine doit se remettre à écrire. 
Après le succès inattendu de son dernier roman, elle peine à se retrouver, elle a du mal à accepter cette main mise sur sa vie que ses lecteurs semblent s'autoriser. 
Un peu déprimée et surtout dépassée par la situation, elle ne trouve pas l'énergie de s'y remettre et ne trouve pas de sujet qui vaille la peine d'y passer du temps. 
Alors qu'elle est en train de tomber dans une déprime qui l'empêche même de toucher un stylo pour écrire quoi que ce soit, elle rencontre L., une femme de son âge, avenante, disponible, qui va prendre les choses en main...

Je trouve parfois que les éditeurs feraient mieux de ne pas survendre un livre, que tout le monde s'en porterait beaucoup mieux. 
C'est le cas ici où j'ai lu qu'il s'agissait d'un formidable thriller qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin. 
Publicité mensongère !! 
Et puis évidemment, les billets de blogs enthousiastes (ou beaucoup moins) publiés sur ce roman ont aussi contribué à ce qu'on en sache beaucoup sans même l'avoir lu. 
Pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir été "spoilée" (et j'espère ne pas le faire pour vous). 
J'ai découvert cette histoire et lu les aventures de Delphine avec une certaine tension, oui, mais pas non plus comme dans un thriller. 
De Vigan n'est pas Mary Higgins Clark (et c'est tant mieux) et si vous voulez lire un thriller, passez votre chemin. 

Une fois ce constat fait, vous pourrez savourer un livre qui parle d'écriture, de récit, de fiction, d'autofiction, du récit de soi et des autres, du travail de l'écrivain, du choix d'un sujet, de la relation avec les lecteurs, de ce qu'ils attendent ou pas, du lecteur modèle, de la satisfaction de l'attente du lecteur ou au contraire de son détournement, du dédoublement de l'auteur figure publique et de l'auteur qui écrit seul, de la dépossession du texte une fois publié (voire une fois envoyé à l'éditeur), de la puissance de l'inconscient d'un écrivain, de ce qui se dépose en lui et ressort sans qu'il s'en aperçoive vraiment, de la possession de l'auteur qui est habité par son art, de la nécessité vitale de passer à autre chose parfois, de la place de l'auteur dans la société, et puis encore de fiction et d'autoficton, de l'exigence des lecteurs... 
Et là aussi c'est déjà pas mal ! 

Delphine de Vigan insiste beaucoup sur la distance entre le texte et la réalité, sur le choix de la fiction, même si le réel est là, tout au fond (elle se répète un peu trop parfois en insistant lourdement sur ce sujet). 
Elle mène son lecteur où elle le souhaite assez facilement, et même si vous n'êtes pas dupe, il reste la réflexion sur le récit qui me parait essentielle. 
Elle donne des clés d'interprétation de son livre (et des précédents sans doute aussi) tout en laissant le loisir à son lecteur de se laisser aller à ce que l'on nomme l'illusion référentielle. 
Etant moi-même en train d'écrire (difficilement) un texte (mais scientifique), j'avais l'impression d'entendre chez L. cette petite voix qui m'habite ces temps-ci, qui me reproche des trucs, qui essaie de me motiver. 
(et d'ailleurs, à la fin du roman, comme Delphine, je me suis remise à écrire 😝)

Evidemment, la version audio renforçait ce sentiment d'entendre L. 
La lectrice Marianne Epin est la même que dans le livre précédent Rien ne s'oppose à la nuit.
Sa lecture est toujours aussi fluide et expressive, même si je trouve parfois sa voix faussement juvénile, et l'interview de l'auteur à la fin du livre audio rend la voix de de Vigan presque intrusive, comme si celle de Marianne Epin devait être celle du texte. 
Comme d'habitude, j'ai particulièrement apprécié la présence de cette interview. 
Je trouve que cela apporte toujours un petit plus au texte, des clés de lecture ou une meilleure connaissance de l'auteur (enfin, parfois, cela peut le desservir). 

C'est donc un roman très intéressant pour s'interroger sur le récit, sur la fiction, sur le lecteur et l'auteur. 
Si vous avez envie de cogiter un peu en lisant une jolie histoire (un peu amusante parfois quand même), c'est le roman idéal. 
Pour un thriller, passez votre chemin. 











mardi 17 mai 2016

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee { Prix Audiolib }

J'imagine qu'en arrivant face à ce texte, vous vous dites "encore ce roman!" 
Il me semble que beaucoup de choses ont déjà été dites et que je n'ai pas grand chose à vous apprendre.
Mais il fait parti des sélectionnés pour le prix Audiolib  et vient de sortir en livre audio chez Audiolib.
Du coup, j’ai pu le lire (ou plutôt l’écouter) et je vais pouvoir le sortir des tréfonds de ma PAL pour mettre le volume papier dans l'étagère des romans lus !


De 6 à 8 ans, Scout raconte sa vie faite de cabanes et de mauvaises blagues de gamins.
Elle est obnubilée par son invisible voisin Boo Radley qui vit cloîtré chez ses parents depuis de nombreuses années.
Cette obsession lui fait faire des bêtises de gamins avec son frère et leur ami Dill sous le regard bienveillant des adultes du quartier.
La vie semble tranquille et coule toute seule.
Et puis Aticus le père de Scout, avocat, est chargé de la défense d'un homme noir accusé du viol d'une jeune femme blanche.
La vie de Scout va alors changer progressivement bien que son père fasse tout ce qu'il peut pour la préserver.
A l'époque du récit, dans les années 1930, les hommes noirs n'ont jamais gain de cause dans les affaires de justice.

L'atout majeur de ce livre, c'est évidemment le point de vue que l'auteur a choisi.
Le regard de Scout est un peu naïf, frais et centré sur sa propre vie avant de l'être sur le procès et ses conséquences.
C'est néanmoins un regard qui semble davantage celui d'une adolescente qui se tourne vers son passé pour le raconter.
Le style est simple, parfois naïf (mais faussement naïf), le regard cru et tendre de Scout permettant d’évoquer des réalités bien cruelles.
Le procès de Tom Robinson suscite dans la ville un clivage entre les communautés qui donne à réfléchir à la petite fille qui ne saisit pas tout.
Elle observe, tente d’interpréter et fait ce qu’elle peut avec l’aide de son frère.
Comme il est plus âgé, il peut aussi lui expliquer ce qui se déroule sous leurs yeux parfois.

J'ai néanmoins eu parfois l'impression de lire plutôt un roman d'ado, comme Valérie d'ailleurs.
Ce n’est pas une vraie critique, mais je l’ai trouvé tout de même un peu simple tout en étant efficace.
Mais cette impression est peut-être due au début du roman qui m’a un peu déstabilisée.
Comme on parle souvent de l’histoire de la ségrégation raciale quand on parle de ce roman, je pensais à tort que c’était ce qui était le plus présent dans le texte.
Or, cela n’arrive qu’après une longue première partie.
Cela en fait plutôt une chronique campagnarde d’une petite ville des Etats-Unis vue par une enfant de 6 à 8 ans.
Sa naïveté est forcément touchante, elle dit et fait des choses en pensant bien faire sans y parvenir à chaque fois.
Elle est attendrissante, et permet surtout à l’auteure de dire des choses difficiles en employant un moyen efficace.
Elle évoque notamment les écoles réservées aux blancs, l’analphabétisme induit, les églises différentes pour les deux communautés.
C’est effrayant et très instructif.

La version audio est plutôt bien fichue. 
Elle est vivante et bien jouée, et la voix de Cachou Kirsch rend parfaitement l’âge supposé de Scout et les voix des différents personnages.
On passe un excellent moment avec ces personnages qui m’ont accompagné dans le train, le métro, le bus et c’était parfait !

On peut dire que c’est un livre très original, qui se lit avec enthousiasme.
Il touche le lecteur à des niveaux très différents et sa simplicité permet de le lire très tôt.
Quant à moi, je lirai la suite sans hésiter.













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