Certains livres sont
agréables à lire, mais sans que l’on sache réellement pourquoi, les pages ne se
tournent pas comme on le souhaiterait.
Cela a été le cas pendant
ma lecture de Plan de table.
Certains passages m’ont
vraiment plu, d’autres moins, mais je me suis sentie plutôt bien dans cette
histoire.
C’est donc une impression
très paradoxale qui me restera de cette lecture.
Winn marie sa fille ainée Daphné ce weekend dans
sa maison de campagne.
Il lui faut donc quitter sa maison calme et
tranquille, charger sa voiture des derniers préparatifs et rejoindre sa femme,
ses filles et les invités qui ont envahie la maison d’ordinaire si paisible de
l’île de Waskeke.
Profitant des dernières heures de tranquillité du
trajet, il commence à faire le point sur ce que sa vie est devenue, ses filles
qui ont grandi, Livia et sa passion pour la mer, Daphné et sa frivolité
apparente, le club de golf de l’île où sa candidature est toujours en attente,
son grand-père, ses parents…
A son arrivée, comme il s’y attendait, la maison
l’accueille froidement, tel un étranger que l’on ne reconnaît pas, et les
retrouvailles avec certains invités éveillent en lui des souvenirs et des
désirs ambigus…
Disons-le d’emblée, ce
livre est extrêmement bien écrit.
Maggie Shipstead manie sa
plume avec entrain et mêle adroitement une bienveillance légère et un œil
acéré.
Elle ne laisse rien
passer et présente des personnages bien campés, entiers et qui nous paraissent
surtout très vraisemblables.
Cette famille est
disséquée au scalpel, observée à la loupe, et analysée par une auteure qui ne
fait aucune concession à ses contemporains.
En se focalisant plus
particulièrement sur deux membres de cette famille, le père Winn et sa fille
cadette Livia, elle aborde plusieurs thématiques qui permettent au lecteur de
se retrouver dans l’une ou l’autre des situations.
Alors que Winn est
obnubilé par son image, par ce que les autres voient en lui, sa fille cherche
davantage à se construire indépendamment des autres.
Ces deux situations se
complètent pour proposer une satyre sociale parfois violente, mais très habile,
dévoilant des aspects très différents de la société américaine.
Les Clubs qui paraissent
au centre du fonctionnement social et de la reconnaissance de chacun dans un
groupe, sont ici source de torture morale et surtout de mauvaise interprétation
du fonctionnement social.
Winn appartient à
certains clubs alors que ses membres le voient comme un étranger, tandis qu’il
postule pour un autre club où il n’entrera jamais sans en connaître la cause.
Perdu dans un système
dont il ne maitrise pas tous les codes, il ne sait plus que faire pour s’en
sortir et se regarde sombrer pendant ce court weekend.
En deux jours, ses
certitudes explosent et sa vie est remise en question.
Ce dévoilement des
apparences adresse une leçon au lecteur sans l’accuser frontalement.
Dans le tableau que nous
avons sous les yeux, la vie est basée sur ce que les autres pensent de vous, et
ne peut donc pas être heureuse.
Elle repose sur
l’acceptation par les autres de ce que l’on souhaite être, alors que chacun ne
sait pas toujours ce qu’il est réellement.
Ce fonctionnement social
est donc voué à l’échec.
Dans cette vision du monde,
l’île de Waskeke, comme le sont souvent les îles, est d’abord vue comme un
endroit idyllique, un havre de paix qui se révèle finalement dangereux
physiquement.
C’est un lieu où la
pourriture règne (celle du jardin de Winn où rien ne pousse, celle d’une
baleine échouée sur la plage, de Winn lui-même).
Pour s’en sortir, il faut
partir, aller plus loin et passer la mer, comme le fera la baleine pour
retrouver son état originel et sa fierté.
La morale de ce roman
pourrait alors être tout simplement que les apparences disparaissent toujours.
On ne peut aller contre la vérité des choses et il faut faire avec.
Avant de conclure ce
billet, j’ajouterais néanmoins quelques petites réserves.
Je n’ai pas vu où elle
voulait en venir et cela m’a gêné.
J’ai également trouvé que
l’histoire de Winn et d’Agatha tombait parfois comme un cheveux sur la soupe,
et je ne suis toujours pas sure que ce soit quelque chose d’indispensable.
Le démon de midi qui
chatouille l’homme mûr, pourquoi pas. Mais la façon dont le sujet est traité
fait vraiment passer cet homme qui paraît honnête pour un vieux dégoutant
limite pédophile.
Cela m’a paru quelque peu
exagéré.
Enfin, je n’ai pas réussi
à m’identifier, à m’impliquer dans l’histoire.
J’ai admiré le talent de
l’auteure pour la satyre, le démontage social auquel elle procède, mais aucun
des personnage n’a suscité chez moi de la pitié ou de l’empathie.
Tant pis !
C’est tout de même un
très bon roman, et si vous cherchez une lecture distrayante sans légèreté, un
roman qui vous parle de nos sociétés et vous fasse un peu réfléchir mais pas
trop, ou si vous voulez découvrir une jeune auteure prometteuse, n’hésitez pas.
Je remercie les
Chroniques de la Rentrée littéraire et les éditions Belfond pour la lecture de ce roman.
Voilà une 10e
lecture pour le challenge 1 % de la rentrée littéraire.