J’ai plein de billets en retard à publier.

Pour commencer, un petit Agatha Christie.
J’ai ressorti récemment de ma bibliothèque Qui a tué Roger Ackroyd de Pierre Bayard.
Avant de lire ce livre, je voulais quand même relire le roman d’Agatha Christie correspondant pour l’avoir bien en tête. J’ai donc ressorti aussi mon vieil exemplaire hérité de ma maman.
J’ai déjà lu Le meurtre de Roger Ackroyd il y a plusieurs années. La surprise majeure du roman m’est donc connue, et on pourrait penser qu’un roman policier dont on connaît et la fin et le meurtrier n’a plus beaucoup d’intérêt.
Il recèle toutefois encore bien des plaisirs de lecture.
Quand le roman est bien construit, les indices qui avaient égarés le lecteur la première fois apparaissent dans leur fonction réelle, celle de paravent chargé de dissimuler la vérité. Les personnages occupent aussi d’autres fonctions. Alors qu’ils sont les suspects lors de la première lecture, ils deviennent victimes, complices ou témoins.
Cette seconde lecture permet de mieux apprécier le talent de l’écrivain car s’il y a des incohérences, elles sautent aux yeux du lecteur.
Venons-en au roman.
Difficile d’en parler sans trop en dire.
Célèbre pour le procédé utilisé par Agatha Christie, ce roman repose sur une narration à la première personne.
Le Dr Sheppard, l’un des protagonistes de l’histoire, raconte le meurtre d’un de ses patients dans son journal. Le patient Roger Ackroyd, riche capitaine d’industrie vivant avec sa belle sœur et la fille de celle-ci, a été retrouvé mort dans son bureau fermé à clef.
Hercule Poirot, ami de longue date de Roger Ackroyd, a justement décidé de s’installer dans ce village et de prendre sa retraite. Il s’occupe de son jardin et espère avoir trouvé la tranquillité mais ce n’est pas le cas et il va lui falloir résoudre cette affaire.
La publication de ce roman a provoqué un scandale oublié aujourd’hui. Mais l’idée d’Agatha Christie pour tromper le lecteur a véritablement choqué les défenseurs du roman policier, les puristes des sociétés littéraires.
Il était en effet de coutume de suivre les vingt règles du roman policier fixées par Van Dine dans les années 1920 et publiées en France dans le Mystère Magazine. Elles font toujours office de tables de la loi aujourd’hui, et même si, depuis, d’autres transgressions ont eu lieu, celle-ci a fait date.
La notoriété de l’auteur implique en effet que si Agatha Christie décide de ne plus les respecter, ces règles sont caduques. Si elle se permet cela, pourquoi d’autres auteurs ne le pourraient-il pas ?
Le scandale reposait aussi sur le principe d’honnêteté. Une loi tacite implique en effet que l’auteur doit tromper son lecteur, mais dans certaines limites. L’assassin ne peut donc pas être un inconnu, ou un personnage mineur, ou un domestique. Il faut ainsi cacher l’assassin, tout en laissant assez d’indice pour que le lecteur ait les moyens de le découvrir.
Malgré cette tromperie, le meurtre de Roger Ackroyd connut un grand succès, entérinant l’usage et, par la même occasion, interdisant à un autre écrivain d’user du même procédé, désormais éventé.
J’ajouterai pour finir que j’ai été ravie de découvrir une écriture fine et assez travaillée dans ce roman.
Mes lectures "Christiques" remontent à bien des années, à une époque où l’intrigue m’intéressait plus que l’écriture. Or ce roman est une mine de phrases à double sens, de fausses pistes savamment ménagées, et le dernier chapitre laisse émerger des interrogations d’écrivain que l’on pourrait sans nul doute attribuer à Agatha Christie elle-même.
Après cette seconde lecture, une question subsiste néanmoins.
Quel est l’assassin qu’a choisi Pierre Bayard pour réécrire la fin du roman d’Agatha Christie ?
Cette lecture est ma première participation au Challenge Agatha Christie.