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lundi 8 janvier 2018

Chute


La digue avait lâché.


Sans prévenir, sans un bruit, elle s’était affaissée, glissant lentement dans le courant et se laissant submerger par les flots déchainés.
Il n’y avait pas eu de signes, pas d’alerte, rien qui puisse laisser penser qu’une fêlure se creusait.
Et puis soudain, le trop plein avait jailli, il s’était immiscé et avait fendu la muraille, balayant tout sur son passage.
Elle avait craqué sous le poids comme on se laisse pousser par le vent fort et la marée.
Elle n’allait pourtant pas si mal, on voyait bien qu’elle était fatiguée parfois, mais rien d’inquiétant.
Un peu de calme et tout s’apaisait.
Elle était solide.
On comptait sur elle.
Sans doute trop finalement.
On aurait peut-être pu s’en inquiéter avant.
C’est probablement pour ça qu’on ne s’en est pas aperçu.
Elle était devenue transparente.
Quoique non, pas transparente, plutôt très présente mais elle faisait partie du paysage.
On avait besoin d’elle, on savait qu’elle était là, et puis voilà.
Si on avait fait un peu attention, on aurait sans doute évité tout ça.

Mais voilà, c’est ainsi.
La vie ne laisse aucun répit.
Pas le temps de regarder ailleurs, il faut avancer, toujours avancer, ne pas se préoccuper de ce qui nous entoure, ne pas trop anticiper, c’est très couteux en temps comme en argent.

Les recherches avaient duré 3 jours.
On espérait qu’elle avait nagé, certains pensaient l’avoir vu plus loin.
Et puis non.
Elle avait tout laissée, ses enfants, son mari, sa vie.
Ceux qui l’avaient vu tomber disaient qu’elle souriait.


Je reviens aux ateliers d'écriture du lundi avec un texte écrit il y a plusieurs mois. 
La photo de cette semaine m'a remis en mémoire ce petit morceau d'écriture qui m'avait fait du bien à l'époque et qui attendait dans son petit coin. 
L'écriture cathartique... 
Mais je crois qu'il faut aller au bout du processus parfois pour que cela fonctionne réellement alors en ce début d'année, je le pose là, sur la photo d'une chute vertigineuse. 


D'autres textes chez Leiloona... 





lundi 26 juin 2017

Le domaine

Cette terre, c'était la sienne, faites de tourbe et d'argile, une terre lourde qui se transforme en boue lors des grosses pluies d'automne.
Elle l'avait aimée autant qu'elle l'avait détestée.
Chaque saison raisonnait pour elle différemment.
L'été amenait son lot de poussière et ses après-midi languides où l'on n'a envie de rien.
L'automne réveillait les hommes en leur rappelant que l'hiver était proche et qu'il fallait se dépêcher.
Les raisins et les foins n'attendaient pas, il fallait penser aux bêtes, aux marchés d'hiver, c'était une période intense.
L'hiver justement offrait une parenthèse qu'elle appréciait particulièrement.
On pouvait se couler au chaud dans le sofa devant la cheminée et regarder les flammes qui se reflétaient sur les boiseries du salon.
Puis Noël arrivait et l'effervescence reprenait.
La famille, les cousins, les métayers, tous étaient conviés à la maison et la fête marquait la fin de l'année et le passage du temps.
Et les derniers mois d'hiver annonçaient le printemps, chacun guettant les signes qui montreraient qu'il arrivait.
Quand il était là, on s'activait pour qu'il tienne toute ses promesses et déjà l'été pointait ses rayons à travers les pins.

Elle avait regardé tout cela passer année après année, gérant le domaine d'une main à la fois forte et douce.
Ce n'était pourtant pas ce qu'elle imaginait quand elle regardait, songeuse, l'agitation de la ville à la fenêtre du pensionnat.
Elle s'était rêvée grande voyageuse, montant à bord de bateaux immenses pour faire le tour du monde.
Elle regardait les Atlas avec envie, repérant les pays qu'elle visiterait en premier, ceux qui lui plaisaient moins mais qui seraient sur sa route.
Elle rêvait de montagnes, de mer et de grands espaces.
Elle se voyait voyageant seule avec un page comme Alexandra David-Neel dont elle avait lu tous les livres.
Sur ce point au moins, elle ne s'était pas trompée.
Elle avait abandonné ses rêves à la mort de son père pour rester au domaine avec son jeune mari qui lui avait pourtant promit de l'emmener aux Indes, au Japon, en Amérique du sud...
Et puis il l'avait laissée seule et elle s'était découverte casanière, ne voyageant plus que dans les livres.

Aujourd'hui, l'argile et la tourbe allaient l'enfermer à jamais.
Elle ne ferait plus qu'un avec son domaine adoré, son corps se décomposant lentement et se mêlant à la terre qui l'avait nourri pendant tant d'année.
Juste retour des choses.



C'est le dernier atelier de l'année et cette photo a provoqué en moi plusieurs fils différents qui partaient dans des directions vraiment très éloignées. 
Et puis finalement, la fin de l'année, le cycle, la répétition, la terre et l'enracinement ont été les plus forts. 
Bel été à tous les participants aux ateliers et à tous ses lecteurs... 


D'autres textes chez Leiloona... 






lundi 5 juin 2017

Le fond de l'âme...

Elle avait accepté sans réfléchir.

Elle espérait peut-être recoudre un peu ce qui s’était détaché, ce qui s’éloignait sans qu’elle ne puisse rien faire.
Mais peut-on vraiment ressouder un couple quand plus rien ne tient ?
Il adorait la plongée, elle moins.
Toute cette eau la mettait dans un état de transe où sa peur n’était pas complètement contenue par la beauté de ce qu’elle voyait.
Mais il était toujours prévenant et elle finissait pas apprécier les sorties.

Sauf aujourd’hui.

Elle en était là de ses pensées quand elle se dit qu’elle ne voulait pas mourir sans rien faire !
Hors de question qu’il s’en tire comme ça.
Evidemment, le mobile était évident, c’est elle qui avait l’argent.
Mais l’accident était trop flagrant et il s’en tirerait à bon compte, c’est certain.
Elle se rendit compte soudain qu’elle avait encore sa planche pour prendre des notes.
Elle voyait sa réserve d’oxygène filer et il fallait faire vite.
D’une écriture qu’elle espérait lisible, elle nota en quelques mots ce qu’elle avait trouvé bizarre aujourd’hui, sa réserve d’air qui descend d’un coup, le comportement de son mari d’abord prévenant et soudain froid et brutal.
Et surtout, elle nota qu’elle était coincée par sa faute mais qu’il n’avait rien fait pour la sortir de là !
Sa liste n’était pas longue, mais elle avait noté les faits bruts et un enquêteur pourrait vite se rendre compte que quelque chose clochait.
Quand elle eu finit, elle réfléchit à l’endroit où elle pourrait déposer sa planche.
Si son mari redescendait, il la trouverait immédiatement.
Elle la mis donc sous les rochers, vers cette anémone des mers qui lui faisait de l’œil depuis tout à l’heure.

Elle soufflait à présent, vide soudain et n’attendant plus que la fin de sa bouteille d’oxygène.
Elle leva les yeux vers la surface, vers la lumière qui miroitait là haut et qu’elle ne reverrait plus.
Elle était étrangement calme.
Et puis elle le vit.
Il redescendait !!
Il avait à la main des outils pour la libérer des rochers !
C’était inespéré.
En quelques minutes, il fut à côté d’elle et la pierre qui la retenait au fond fut soulevée pour la laisser libre de ses mouvements.
Il lui faisait des signes lui demandant de remonter, mais elle était tellement surprise qu’elle le regardait sans comprendre.
Et soudain, une rage s’empara d’elle.
Elle arracha la barre de fer qu’il tenait et le frappa avec.
Si elle ne pouvait plus l’avoir, personne d’autre ne l’aurait.
Alors qu’il gisait au sol, elle poussa les pierres pour le recouvrir et remonta vite à la surface.

Quand elle atteignit le bateau, sa réserve était vide.
Et les secours étaient là.

Et sa planche était sous l’eau, décrivant son crime sans ambiguïté…


Je n'étais pas inspirée et puis finalement, le sujet m'est venu cette nuit. Je me suis empressée de prendre des notes avant de le développer ce matin et de le livrer à vos yeux.   
Vous trouverez d'autres textes chez Leiloona.




lundi 10 avril 2017

Bonne copine…

© Kot
J’te l’avais dit qu’il y arriverait pas ! C’mec là, c’est une vraie planche pourrie, pas une que t’achètes chez Casto, non non hein ! Une que tu te récoltes sans le faire exprès, une qui t’explose dans les mains tellement elle est bouffée de l’intérieur.
Tu l’regardes là avec tes yeux de biche enamourée, t’en as tellement plein les mirettes qu’tu peux même plus les refermer !
Mais j’te l’dis moi, laisse tomber, lâche l’affaire, vas voir plus loin si j’y suis, tire-toi ailleurs !
C’type là, c’est embrouille assurée, les emmerdes plus plus plus.
Il peut rien foutre correctement, ça s’voit.
Il finit jamais rien j’suis sûre, c’est toujours comme ça avec ce genre de type.
Pis il doit même pas être capable de dire que c’est d’sa faute, c’est l’gars qu’a toujours le beau rôle, c’est jamais lui, c’est les autres.
Qu’est-ce qu’il t’a donné comme excuse, cette fois ? 
C’est un pote à lui ? C’est son chien ? non, attends, me dis pas. J’suis sûre que j’peux trouver.
Les types comme ça, j’les r’nifle à 100 mètres, j’les repère au fond des bois.
Faut pas compter sur eux, c’est la loose assurée.
T’aurais pas dû lui refiler, mais bon, en même temps, comme ça, c’est plié !
T’es sûre que la prochaine fois, faut trouver une autre poire.
Celle-là est blette, basta, dégueu, on oublie !

Enfin bon, en même temps, moi j’dis ça mais au fond, j’sais bien qu’t’en a rien à cirer d’mon avis.
J’vois bien qu’t’es accrochée et qu’y a plus rien à faire.
Tu résistes, tu t’débats mais c’est foutu, tu l’as dans la peau.
J’vois pas c’que tu lui trouves quand même.
Il est même pas beau. T’as vu son pif, là, et pis ses ch’veux, non mais sérieux, et comment y peut s’attifer pareil, ça d’vrait pas être permis.
M’enfin c’est comme ça, l’amour est aveugle comme dirait l’autre.
Tu pourras pas dire que j’t’avais pas prévenu, ça tu pourras pas.
Tu pourras quand même v’nir pleurer hein, si ça tourne mal, j’suis pas sans cœur non plus.
J’te garantis pas que j’pourrai fermer ma trop grande bouche, mais j’serai là.
Pis tu sais où m’trouver, j’bouge pas moi.
Y a bien trop longtemps que j’bouge plus… qu’on m’entend plus d’ailleurs non plus.
Troisième allée, emplacement 27. Un immeuble à l’horizontal. T’aurais pu m’mettre ailleurs, avec une jolie vue sur la mer ou un truc comme ça.
Mais j’te verrai moins souvent sinon. Et pis j’aime bien t’voir quand même, même si tu m’entends pas.
Ça t’fait des vacances d’pas m’entendre, remarque.

J’dis toujours autant de conneries, mais maintenant j’les garde pour moi.



La photo ne m'inspirait pas, et puis je suis en train d'écrire un truc pour le boulot et ce n'est pas passionnant (enfin j'espère qu'au moment où se publie ce billet, j'ai finis depuis trois jours...). 

Le besoin de compenser (ou de procrastiner) à été le plus fort et voilà.  

Bon lundi, 
et vous trouverez d'autres textes chez Leiloona.







lundi 13 mars 2017

Pour l'amour de Dieu

Elle était entrée sans réfléchir.
© Emma Jane Browne
Elle avait posé sa main sur le bois usé et chaud de la porte. 
Elle aimait le contact de ces matières nobles, le bois, la pierre, elle ressentait toujours un profond bien être à se trouver dans de vieux bâtiments. 
Elle avait l'impression qu'une âme y palpitait, qu'elle ressentait la présence de ceux qui étaient passés avant elle. 

Elle n'était pourtant pas croyante. 
La vie ne l'avait pas gâtée et depuis les superstitions de son enfance, elle avait fait la part des choses. 
Les beaux discours des prêtres ne la fascinaient plus, l'ancien testament comme le nouveau lui apparaissaient comme de jolis contes pour endormir les plus souffrants. 
Dans les églises, néanmoins, elle aimait retrouver un peu de calme. 
Son esprit s'apaisait. 
Elle se gavait de cette quiétude forcée que le lieu imposait à ses visiteurs. 
Elle s'y noyait aussi parfois. 
Son esprit divaguait alors et si elle n'y prenait pas garde, il pouvait l'emporter vers des souvenirs bien trop douloureux pour qu'elle s'y perde trop longtemps. 

Pour éviter cette torpeur dangereuse, elle ne s'asseyait pas, préférant faire le tour en admirant les œuvres qui décoraient les chapelles. 
Mais aujourd'hui, elle était si fatiguée. 
Elle avait marché encore et encore pour ne plus penser. 
Elle avançait sans but et sentait ses pieds se poser l'un après l'autre sans qu'ils puissent s'arrêter. 
Elle ne faisait plus attention à ceux qui l'entouraient. 
Elle était entrée en elle-même, elle vivait avec ceux qui n'étaient plus. 
Elle se sentait glisser doucement vers un abîme dont elle risquait de ne pas vouloir sortir. 
Et puis là, dans cette église, elle sentit soudain la chaleur des rayons du soleil sur son visage. 
C'est alors qu'elle le vit. 
Il la regardait sans doute depuis plusieurs minutes. 
Il était grand dans le halo lumineux, et ses yeux la transperçaient littéralement. 
L'espace d'un instant, elle eut l'impression qu'un Dieu l'avait enfin entendu et se montrait à elle dans cette modeste église. 
Mais ce n'était que lui... Et c'était déjà tellement. 
Après ces milliers de kilomètres parcourus, après tout ce qu'elle avait perdu, il était simplement là, attendant peut-être qu'elle pousse un jour cette porte pour la retrouver.
Il lui sourit avec ce doux sourire qui la ramena dans son pays de miel et d'amande d'autrefois. 
Elle n'osait bouger de peur qu'il s'évapore. 
C'est lui qui fit le premier pas...


Pas sûre que ce texte soit très clair mais je vous le livre tout de même.  
Vous trouverez d'autres textes chez Leiloona.







lundi 19 décembre 2016

Sa dame

Face à Notre-Dame sur ce quai désert, elle avait la vie devant elle et des projets plein la tête. 
Elle avait installé son trépied, vissé son reflex et ajusté la luminosité et le temps d'exposition. 
Cette photo était le point d'orgue de sa série sur les SDF qui dormaient sur les quais. 
Elle en avait photographié des dizaines, de jour, de nuit, à leur insu, avec leur accord.
Elle voulait dénoncer leurs conditions de vie, ou plutôt de survie.
En contrepoint de ces vies minuscules et oubliés, de ceux qu'on ne veut pas voir, elle voulait que chacun visualise la vacuité de ces vues de carte postale qu'on affiche dans son salon pour montrer son bon goût.
Elle avait cadré la vue, en choisissant un point où les humains n'apparaissaient pas.
Les lignes, les lumières, le noir et blanc devraient faire leur effet.

La salle était réservée, elle avait commencé à penser l'installation des clichés et le sens de circulation des visiteurs. 
Tout n'était pas prêt et il lui restait aussi du travail pour l'exposition de son travail final aux beaux-arts. 
Un cycle s'achevait avec la fin de ses études. 
Elle était évidemment nostalgique de ces années d'euphorie qu'elle avait partagé avec ceux de sa promo. 
L'émulation du groupe, la créativité permanente, l'apprentissage de nouvelles techniques, c'était grisant et enthousiasmant. 
Mais elle avait confiance en elle (qui d'autre sinon ?), une grande carrière de photographe l'attendait et elle était impatiente de pouvoir se lancer réellement. 
Elle savait que cela ne serait pas simple mais elle connaissait du monde et puis Benoît l'aiderait. 
Cela semblait agréable d'avoir enfin quelqu'un sur qui compter. 
Elle l'avait rencontré il y a peu de temps mais il s'était déjà imposé dans sa vie. 
Il prenait les choses en main, il l'aidait, la maternait un peu, la protégeait surtout. 
Il s'était occupé de tout pour l'expo. 
Elle n'avait pas encore vu la salle mais il lui avait tracé un plan et lui avait donné toutes les informations nécessaires. 

Et puis elle s'était re concentrée sur cette photo.
Là, face à la vue superbe, elle défiait notre dame.
Pour une fois, la beauté du bâtiment ne prendrait pas.
Il fallait que chacun la voie comme elle, comme un bloc de pierre froid et vide. 
Elle avait ajusté son appareil photo par deux fois, comme si cette dernière photo ne voulait pas se prendre.
Elle avait recommencé une troisième fois, il restait une zone de flou qui ne lui plaisait pas.
Et puis finalement, au moment où ce bateau mouche entrait dans le champ, elle avait déclenché.


Comme c'était loin tout ça. 
Elle reposa la photo qui n'avait jamais été tiré à plus d'un exemplaire sur l'étagère après avoir essuyé la poussière qui s'y était déposé. 
Benoît allait rentrer, il fallait qu'elle s'y remette. 
La vaisselle l'attendait avant d'aller chercher les enfants à l'école et il y a bien longtemps que son reflex avait été revendu. 




Comme souvent, je crois que la fin de ce petit texte est un peu trop évasive, mais c'est aussi ce qui fait le charme de cet atelier il me semble :) 
Vous trouverez d'autres textes chez Leiloona.









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