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lundi 28 novembre 2016

Train quotidien

Comme tous les matins, le paysage passait sans faillir.
Certains jours, elle laissait son esprit divaguer et ses yeux s'attarder sur les flots de couleurs qui se succédaient.
D'autres, elle n'y prêtait pas attention avant que les quais des gares de banlieue ne se succèdent les uns après les autres, annonçant l'arrivée et animant un peu ce défilement continu.
Après plusieurs années de train quotidien, elle ne s'en lassait pas.
Les levers de soleil rose des petits matins froids d'hiver, les couleurs du soir qui viraient du bleu au mauve, le ciel qui s'animait et devenait un tableau flamboyant, et même les ciels d'orage noirs et lourds qui promettaient une journée humide la ravissaient.
Parfois, une biche égarée à l'orée de la forêt avec son petit éclairait sa matinée.
Comme une bulle de calme avant la tempête, elle se coulait dans son siège et n'était là que pour elle-même pendant tout le trajet.

Ce matin là, rien ne s'était passé comme prévu.
Son siège habituel était occupé, tout comme ceux qui l'entourait.
Un groupe de jeunes adolescents braillards avait envahi la voiture, et adieu le calme et la concentration !
Elle s'était replié à l'autre bout de la voiture mais n'avait trouvé qu'une place libre face à deux autre sièges dont elle avait à peine regardé les occupants.
Casque sur les oreilles, elle avait sorti son ordinateur de mauvaise grâce, peu motivée mais bien décidée à ne pas gâcher cette heure de trajet qui s'annonçait si mal.
Et puis finalement, après avoir lutté un peu, elle l'avait éteint, trop énervée pour pouvoir se concentrer.
Alors qu'elle le glissait dans son sac, elle avait perçu un mouvement face à elle.
Reposant son sac entre ses jambes, elle vit une paire de lunettes sur la table.
Levant les yeux, elle découvrit le passager qui lui faisait face et le détesta immédiatement.
Suffisant, sûr de lui, tout ce qu'elle détestait !

Replongeant dans son sac, elle en sortit le pavé qu'elle avait commencé la veille.
Pas question d'entamer la conversation !
S'il voulait la place, qu'il la prenne ! Elle ne réagirait pas !
Elle devinait son sourire carnassier, ses yeux qui essayait d'accrocher les siens.
Elle riva alors ses yeux sur les lignes qu'elle avait bien du mal à déchiffrer et monta le son.
C'est alors qu'elle sentit qu'on lui touchait le pied, remontant le long de sa jambe !
Elle n'en pouvait plus.
Elle pris une grande inspiration, leva la jambe et après avoir jeté un oeil sous la table discrètement, elle écrasa le pied de l'importun de toutes ses forces.
Comme la gare approchait, elle sortit son sac toujours trop lourd sans attendre qu'il réagisse et l'abattit sur la table, provoquant un bruit sinistre qui signait la mort de cette paire de lunette qu'il avait brandit comme un étendard en investissant son territoire.

Finalement, la semaine s'annonçait meilleure que prévu.



Et voilà un petit texte pour l'atelier d'écriture de Leiloona. 
Je précise que cette jeune femme est bien plus forte que moi, mais personne n'est jamais allé aussi loin, et heureusement 😅









lundi 24 octobre 2016

Nuit noire

Lundi.
Brouillard.
Obscurité.
Morosité.
Elle file sans envie, sans passion, sans radio.
Le silence s'est installé dans la voiture.
Les idées tournent et retournent sans cesse.
Fusion, réorganisation, expulsion, cessation, trahison.
Elle se sent enfermée, lancée dans un tunnel dont elle ne voit pas le bout.
Et puis ce noir partout...
Mais en a-t-elle vraiment envie ?
Ce qui l'attend n'est pas si réjouissant.
Il faudra recommencer, se réinstaller, tenter de comprendre qui est un allié, qui ne l'est pas, trouver sa place sans prendre celle des autres.
Mais pourquoi fait-il si noir ?
Elle le sait, les relations humaines, ce n'est pas son fort.
Elle mise toujours sur le mauvais cheval, c'est comme ça.
Elle se méfie autant d'elle-même que des autres et les années passant ne lui ont pas apporté cette sagesse qui voit tout.

Et son esprit s'envole, au milieu de ce noir profond qu'elle essaie de percer sans succès, elle repense soudain à ce jour de mai, sur cette terrasse en Italie.
Elle s'était laissée envahir par l'air chaud, le soleil, les bruits, la mer, les gens autour, elle avait décidée que rien ne pouvait l'atteindre.
Face à cette baie qui n'attendait rien d'elle, elle avait fait un pacte avec elle-même.
Celui qui l'avait abandonnée ici la veille n'était pas digne d'elle.
Comment pouvait-on faire une chose pareille ?
Elle regardait ce ferry qui s'éloignait et l'espace d'un instant, elle avait eu l'envie de tout quitter, de partir, d'abandonner la partie.
Comme ce matin alors qu'il faisait si noir, la lumière l'avait hypnotisée et elle s'était imaginé une vie, loin, sans petit matin sombre et froid.
Et puis il avait fallut rentrer.
La fuite, c'était pas son truc.
                     
Aujourd'hui encore, elle ne fuira pas.
Une longue journée l'attend où elle devra négocier, argumenter, convaincre sans fin, avoir l'esprit vif et ne pas sombrer dans le fatalisme.
Et puis soudain, alors qu'elle essaie de rester concentrée sur la route, elle prend conscience que les lumières sont éteintes.
Elle n'en voit aucune, le paysage reste fermé, rien pour accrocher le regard.
La nuit n'est plus familière, le noir profond n'existe plus.
Il y a toujours une lueur dans le lointain, un village qui tient à sa sécurité.
Mais ce matin, rien.
Elle prend cela comme un signe.
Elle a toujours su trouver au fond d'elle ce qu'il fallait pour s'adapter et s'intégrer.
C'est peut-être cette possibilité de tout quitter qui lui donne cette force, une bascule potentielle qui n'attend qu'un pas de côté.
Alors aujourd'hui encore, elle accroche un sourire sur son visage, un sourire qui ne cache pas toujours son désaccord, mais un sourire qui peut aussi apaiser ses pensées, et elle ne garde en tête que ce soleil, ce ferry qui s'éloignait et cette mer qui n'attendait qu'elle.


Il y avait bien longtemps que je n'avais pas participé à l'atelier de Leiloona
Une journée de réunions pas passionnantes et voilà :)



lundi 13 juin 2016

La maison

Quel bric à brac !
Il y a bien longtemps qu'il avait poussé la porte de cette maison et il ne se rappelait pas à quel point chaque recoin, chaque petite pièce contenait des petits bouts de vie.
Ce sac de golf, là, était à tante Jany.
Elle était drôle quand elle débarquait chaque été.
Elle ne pouvait s'empêcher de parler fort, de faire de grands gestes et on entendait son rire jusqu'au fond du jardin.
Et puis il y avait la malle d'oncle Sam.
Alors lui, c'était un sacré numéro.
Jamais marié, il n'en cultivait pas pour autant le célibat.
Mais celle qu'il préférait, c'était Mariette.
La petite valise ronde, là, devait lui appartenir.
Elle avait toujours de si jolis chapeaux.

Il en passait du monde dans ces chambres !
Mais personne ne restait.
La maison était belle, fraiche l'été, accueillante, bruissante.
Et puis l'hiver, tout s'étiolait.
Personne ne montait plus, la gare était trop loin, la maitresse de maison trop désagréable.
D'ailleurs, ce n'est pas elle qu'on venait voir mais la maison.
Elle régnait sur ses gens comme sur une armée.
Tout devait être parfait, toujours, quitte à refaire encore et encore.

Reculant dans le hall, il apprécia le calme qui s'était installé depuis toutes ces années.
Non, elle n'était pas indispensable.
La maison vivait sa vie et malgré ce qu'elle en disait, ce n'est pas elle qui la faisait tenir debout.
Il avait bien tenté de le lui dire, il lui avait demandé de partir, de les laisser en paix.
Elle n'avait rien voulu entendre.
Jusqu'au dernier moment, elle avait tyrannisé chacun en pensant que rien ne pouvait se faire autrement.
Et puis un jour, vraiment, c'en fut trop !
Il vit dans ses yeux qu'elle avait deviné.
Elle le regarda approcher, le vit lever ses mains, et n'eut pas une parole quand il serra de ses doigts sa gorge si fine.
Pour une fois qu'elle se taisait !

Les vacances étaient finies, ils sont tous partis chercher un autre endroit où jouer les pic assiettes.
A croire qu'il ne les intéressait pas.
Le calme est retombé et personne n'est plus venu le troubler.

Jusqu'à aujourd'hui.
Il l'avait bien mérité cette maison.


Voilà ce que m'a inspiré cette photo de Leiloona
Bon lundi...







lundi 9 mai 2016

Laisser la mer l'emporter

L'immensité l'apaisait.
Là, face à la mer, son esprit trouvait un cadre à sa mesure.
Il laissait son regard dériver, le vide l'emplissait et ses pensées semblaient plus claires.

Il aurait aimé habiter là, face à la mer et pouvoir laisser sa vie derrière lui dès qu'il en sentait le besoin.
S'habiller, sortir dans le froid, la pluie ou sous le soleil, marcher d'un pas ferme et décidé vers la grève et ne plus se concentrer que sur cette ligne qui se dérobait un peu plus à chaque pas.

Hélas, il lui fallait chaque fois repartir pour des durées plus ou moins longues.
Sa vie n'était pas celle dont il avait rêvé, pourtant il fallait la vivre et ce n'était pas ici qu'il pouvait le faire.
Et puis ce n'était pas si terrible.
Son métier ne l'enthousiasmait guère, mais il était heureux de le faire la plupart du temps.
Il avait des responsabilités, ce qui le rendait libre d'agir à sa guise.
Il aurait aimé néanmoins avoir plus de temps à lui.
Sa journée ne se terminait pas en sortant du bureau et c'est sans doute ce qui lui pesait le plus.
Parfois, la fatigue aidant, il enviait la caissière du supermarché où il passait prendre des plats préparés insipides.
En quittant son travail après la fermeture, elle pourrait se concentrer sur autre chose, ses enfants, ses vacances, un bon bouquin, quand lui devrait rallumer son ordinateur pour finir ce mémo, corriger ce rapport, annoter ce projet.
Il savait que ce n'était pas tout à fait juste, mais l'illusion le rassurait sans doute.

Et puis d'un seul coup, tout lui revenait.
Qu'aurait-il fait réellement de tout ce temps ? De tout ce temps pour penser ?
Voulait-il vraiment pouvoir penser ? y penser ?

Avant que les larmes ne se forment, il se jetait furieusement sur son ordinateur et remplissait la liste de choses à faire dont il menaçait d'arriver à bout dans les prochains jours.
Rassuré, apaisé par cette liste qui s'allongeait de nouveau, il retrouvait alors ce stress qui le maintenait en vie tout en l'empêchant de penser.

Non, vraiment, la mer était trop dangereuse.



Je reviens à ce petit exercice d'écriture que j'ai délaissé quelques temps, inspirée par cette photo de la mer que j'aime tant. 
Comme toujours, il y a un peu de moi, un peu d'autre chose, un peu de mystère aussi. 
Je laisse votre imagination combler les trous qui sont énormes aujourd'hui et je vous invite même à le faire ^-^

D'autres textes chez Leiloona 











lundi 21 décembre 2015

Versailles...

Mais que je m'ennuie.
© Romaric Cazaux

Pourquoi m'a-t-elle encore traîné ici aujourd'hui ?
Alors qu'il fait si beau dehors !

Et pourquoi je lui ai encore dit oui ?
Je me dégoute de toujours acquiescer sans rien dire.
Encore une fois, ce n'est pas ce que je voulais.
Il faut toujours visiter, voir des trucs, s'occuper utilement, se cultiver.
Mais moi je n'ai pas envie.
Il fait si beau dehors.
On aurait pu rester dans les jardins, ça fait au moins vingt fois qu'on visite ces chambres, ces couloirs, ces galeries.
Il n'y a plus rien ici, plus rien que de la poussière, des touristes et du vent.
C'est vieux, usé, élimé, c'est vide, mort, inutile. 
Et puis on se retrouve tout le temps dans des colonnes de moutons qui s'extasient tous au même endroit, qui s'arrêtent tous pour regarder la même chose. 
C'est usant.

J'ai essayé de me motiver aujourd'hui avec une petite playlist adaptée. 
J'ai mis Lully, Marin Marais, et des trucs qui n'ont rien à voir comme Gossip ou Linkin Park pour cracher ma rage d'être là. 
Je sens qu'elle monte. 
J'essaie de garder mon calme mais les minutes passant, je la sens qui gonfle et s'élève. 

Chaque fenêtre m'offre une échappée vers ce jardin qui m'appelle. 
Chaque coin de ciel me rappelle à l'ordre et me renvoie à ce calme de façade que je cultive depuis tant d'années. 
Je serais bien incapable de partir en courant, de me mettre à hurler. 
Comme d'habitude, je vais être une petite fille bien élevée et poursuivre la visite. 
Pas même un air d'ennui ne passera sur mon visage. 

Allez, plus que la Galerie des Glaces.
Je vais me venger dans la librairie, je le sens. 
Elle ne pourra pas me le refuser, j'ai fait un gros effort aujourd'hui. 
Je fais chaque fois un effort plus grand. 
Pourquoi je ne sais pas dire non ? 
Je me dégoute.



Je suis partie d'une première phrase pour ce texte et mon esprit a divagué.

Pourtant, je vous assure, j'aimais beaucoup aller dans les musées quand j'étais jeune fille, et j'ai longtemps adoré aller a Versailles avec ma maman. 
Je suis même devenue guide conférencière à la fin de mes études ! 
Mais mon moi profond préférait les jardins de Versailles à ses salons (^-^)





lundi 23 novembre 2015

Paris

© Julien Ribot
Souffler, emplir ses poumons, retrouver l'air qui me fait défaut dans tes rues, sentir un poids qui s'éloigne quand je te quitte. 
Paris tu m'oppresses, tu m'effraie, tu m'enserre dans un étau de peur qui alourdit mes pas, qui s'accroche à mon cou, qui me tire vers le bas. 
Je voudrais retrouver cette légèreté perdue, ce souffle de vie permanent qui parfois me fatigue, ce bruit, ce mouvement, ces humeurs et ces emportements qui font les parisiens. 
Je voudrais que ce silence cesse, que les conversations reprennent, que l'on cesse même de se regarder avec un petit sourire qui dit tout notre amour et notre soutien, parce qu'il dit aussi la blessure et la peine, la peur et le combat. 
Je voudrais pouvoir me dire "je n'ai plus peur" et y croire. 
Je voudrais partir en paix chaque matin de chez moi en pensant simplement que mes étudiants vont encore dormir en cours, en me demandant qui sera là pour le déjeuner, si le soleil va nous accompagner aujourd'hui, quelle balade je pourrais faire en rentrant du bureau...
Je voudrais recommencer à râler et pester après tout et rien. 
Je voudrais cesser de regarder autour de moi en cherchant d'où va venir la prochaine menace. 
Je voudrais vivre. 
On ne sait pas ce qu'on perd dit le proverbe, jusqu'à ce qu'on l'ait perdu, et l'insouciance est de ces possessions qu'on affirme volontiers ne pas posséder jusqu'à ce qu'on nous la vole. 
Il n'est plus temps alors de la regretter, elle reviendra plus tard, quand le vent aura emporté les nuages, quand on s'autorisera à nouveau à respirer, quand ce qui pèse s'allègera et nous rendra le souffle. 
Mais en attendant, il faut vivre et peut-être vivre mieux pour ceux qui ne sont plus, mais surtout pour soi. 
L'insouciance reviendra, sans un mot, elle revient toujours. 
Elle sera d'humeur changeante, on ne la verra pas immédiatement, et puis un jour on s'apercevra qu'elle est là. 
Oh elle fera encore de petites fugues, elle prendra parfois la fuite face à une image, un son, un parfum, elle laissera place à la nostalgie et son cortège, elle rasera les murs pour nous laisser faire notre deuil. 

A toi qui n'est pas Parisien, recommence à nous haïr, nous les prétentieux jamais contents égocentriques exubérants râleurs envahissants beaux parleurs, ça nous rend plus vivants !  
Mais laisse-nous un peu de temps pour digérer et garde une petite place pour un peu de compassion face à ce qui s'est abattu sur certains d'entre nous avec une rage aveugle et nous a si profondément changés. 




En ce lundi, la photo si parisienne choisie par Leiloona m'a menée vers un texte un peu hors sujet mais elle m'a aussi montrée cette petite lumière allumée dans l'obscurité. 
Je ne suis qu'une Parisienne de pacotille, une Parisienne de jour qui vit à la campagne, mais je ressens violemment ce décalage entre deux ressentis lorsque je passe de l'une à l'autre. 
La France est affligée, nous sommes nombreux à être touchés plus ou moins directement, mais je peux vous assurer que Paris n'est plus Paris. 









lundi 9 novembre 2015

Sur la pointe...

Paris était un doux rêve...
© Romaric Cazaux

Mais j'y suis, me voilà.
Tel Rastignac, je regarde aujourd'hui les dorures de l'Opéra et j'y suis, c'est pour moi.
Je ne peux m'empêcher de penser qu'ils se sont trompés, qu'ils vont s'en apercevoir, qu'il vont m'annoncer que ce n'est pas moi qui ait eu la place.
La confiance en soi n'est pas mon fort, je le sais.

Il y a bien longtemps que j'ai chaussé les pointes.
Je me souviens de ce mercredi où ma mère m'a emmené pour la première fois dans cette petite salle si lumineuse où officiait cette femme fine et longue qui nous tirait sur les bras quand ils n'étaient pas assez tendus.
J'ai changé trois fois d'enseignante depuis.
J'ai tout appris : les pointes, les figures, la grâce.
J'ai aussi appris à me coiffer, à me tenir droite, à panser mes pieds meurtris.
L'apprentissage a été fait de bonheur et de souffrance.
Mais c'est un peu la vie, non ?

Ma première fois sur scène me l'a appris très tôt.
Le trac avant de monter sur scène, le peur de mal faire, l'envie de faire demi-tour, et puis le bonheur d'être là, de maitriser la situation, d'enchaîner les pas appris sans erreur.
Et surtout, la joie des applaudissements, la fierté d'y être parvenue, le besoin de retrouver ce moment si particulier aussi.
Je crois bien que c'est après cela que je cours.
Le goût de l'adulation, de la gloire sans doute.

Mais j'aime aussi l'ambiance, la vie de danseuse.
Et à l'Opéra, je sens que je vais être bien.
La compétition, les horaires, les représentations... c'est ce qui fait ma vie.
J'ai senti ce décalage avec les autres quand j'ai pris le métro ce matin.
Je les ai observé aller au bureau, je les ai imaginé enlevant leur manteau, puis s'installant derrière leur ordinateur pour y passer la journée.
J'ai alors pris conscience que ma journée sera beaucoup plus longue, mais tellement plus belle.

Nos vies ne sont pas les vôtres.
Moi, j'ai choisi cette vie il y a longtemps.
D'autres subissent la leur, j'ai décidé de prendre la mienne à bras le corps, d'être maitre de mon destin.
Mais je ne suis pas seule.
Ma mère m'a toujours soutenue.
Elle me regarde avec admiration, un sentiment qui remplace souvent l'amour sans faille qu'elle me portait auparavant.
Cela me blesse parfois.
J'aimerais retrouver dans ses yeux ce qu'elle y mettait il y a trop longtemps.
Mais le peut-elle, elle qui a tant rêvée en son temps de rejoindre la troupe dans laquelle je m'apprête à entrer ?

Est-ce bien mon rêve finalement ?



Voilà mon petit texte du lundi matin pour l’atelier d’écriturede Leiloona, comme souvent écrit d'un jet, en laissant l'histoire se construire elle-même. 
Je n'étais pas forcément partie sur cette idée, mais ça me plait. 
Et sur le blog de Leiloona, vous trouverez les liens vers les autres textes... 








lundi 21 septembre 2015

Marcel

© Julien Ribot
Le crépi se décollait par endroit, et tu n’avais vu que ça lors de notre arrivée.

Oui, le coin te plaisait, mais tu le trouvais éloigné de tout.
Pour la moindre boite d’allumettes, il faudrait sortir la voiture.
Je t’avais laissé ruminer, ouvrant les portes et les fenêtres pour que la maison respire.

Il y avait bien longtemps que personne ne l’avait ouverte, les herbes avaient envahie le jardin à l’arrière de la maison, et si la cour était encore dégagée, on le devait à Marcel qui venait s’occuper du potager.
Jamais il n’entrait dans la maison, il n’osait pas.
Il avait pourtant très bien connu les habitants précédents.
Il parlait souvent d’eux avec une larme au coin des yeux.

La maison m’avait plu immédiatement.
Je voyais déjà nos enfants à venir courir de pièce en pièce.
J’imaginais les baies vitrées s’ouvrir dans le mur du jardin, illuminant du soleil du matin la table du petit déjeuner.
Nous aurions vécu vieux ici, savourant jour après jour un calme qui nous reposait de la ville trop longtemps supportée.

Tu t’étais finalement décidée, pour me faire plaisir je le sais, et nous avions aménagé un petit coin douillet dans une partie de la maison pour y vivre le weekend et les vacances.
Cette vie d’entre deux t’avait vite lassé et c’était toi qui avais choisi de quitter vraiment la ville pour habiter ici.
Les jours coulaient tranquilles et nous n’avons rien vu venir.

La maison est aujourd’hui fermée et Marcel vient toujours s’occuper du potager.
A ceux qui viennent la visiter, il parle des occupants précédents avec une larme au coin des yeux.
Pense-t-il à nous ou voit-il devant lui tout ceux qui nous ont précédé ?
Personne ne l’a soupçonné.
Un petit vieux comme lui, bien tranquille, qui y penserait ?
Nous non plus nous n’y avons pas pensé.
Quand il a commencé à passer plus souvent, nous n’avons vu qu’un petit vieux qui s’ennuyait.
Quand il a commencé à se faire insistant, nous avons tenté de lui faire comprendre qu’il fallait qu’il rentre chez lui.
Quand il a fait irruption en pleine nuit, nous n’avons pas compris.
On nous a retrouvé deux jours plus tard, dans le petit coin de la maison que nous avions aménagé.

Personne ne saura jamais que c’est Marcel qui nous a tué.



Comme d'habitude avec l'atelier d'écriture de Leiloona, je me décide en quelques minutes, avec une première phrase qui me tente et me donne envie de poursuivre l'écriture. 
Bon, je crois que je lis trop de romans policiers, mais je vous assure que je n'ai pas d'envie de meurtre dans la vraie vie ! 








lundi 18 mai 2015

La terre mère

@Sabine
La vision de cet enfant sautant sur les pierres fit remonter tous ses souvenirs.
Il y avait quelques années qu’elle souhaitait faire ce voyage.
Repoussant sans cesse la décision, elle s’était cachée derrière les excuses les plus variées pour l’éviter.
Pas les moyens, pas le temps, personne pour l’accompagner…
Pourtant, elle en avait besoin.
Elle sentait au fond d’elle qu’il fallait qu’elle le fasse pour chasser les fantômes, pour reprendre possession de sa vie. 

L’arrivée à Phnom Penh ne lui avait rien fait.
Un aéroport de plus dans sa collection.
Elle enchainait les déplacements depuis plusieurs années et ne comptait plus vraiment les arrivées dans des halls grisâtres, poussiéreux, où elle cherchait surtout le panneau « exit » ou « baggage claim » quand elle sortait de l’avion pour quitter bien vite cette zone de transit inconfortable.
Dans le taxi, elle avait collé son front à la vitre et s’était laissé aller à observer la vie qui défilait devant ses yeux.
Elle attendait que quelque chose se passe, elle espérait que quelque chose se passe.
Mais non. Rien.
Elle était restée deux jours dans la capitale cambodgienne.
Jouant les touristes, elle avait évité certains lieux, leur préférant les temples et le palais royal.
Il est des cicatrices qu’il ne faut pas rouvrir.

Et puis elle s’était décidée à se rapprocher encore.
La gare routière était bruyante et agitée.
Son ticket en main, elle était descendu du tuk-tuk, avait réglé la course et son sac à dos arrimé sur ses épaules, elle s’était dirigée vers les bus à touriste colorés.
Touriste encore…

A Siem Reap, elle avait senti une nouvelle fois l’avantage d’avoir son visage dans ce pays tout en étant une touriste.
Les tuk-tuks étaient moins chers pour elle et sa chambre d’hôtel était l’une des plus grandes de l’établissement, tout en profitant du confort à l’occidental auquel elle était habituée à présent.
Mais ce n’était pas important.
Il lui fallait à maintenant trouver une voiture, ou un chauffeur peut-être.
Elle sentait qu’elle était prête.

Elle avait encore attendu deux jours, flânant dans la ville, visitant les temples d’Angkor plein de touristes… Angkor Vat, le Ta Promh, le Barein…
Elle s’imprégnait de cette atmosphère si particulière.
Elle attendait.
Encore.

Et puis elle était montée dans cette voiture pour aller visiter ce temple à l’écart.
La route était mauvaise, comme autrefois.
Elle était descendue de voiture, avait senti comme un malaise en respirant l’air chaud, saturé de poussière rouge de latérite.
Au détour d’un éboulement, elle avait vu ce jeune garçon sauter de pierre en pierre, un éclair orange dans son champ de vision.
Et là, tout était revenu !

Tel une bouffée de chagrin, des images l’avaient assaillie.
Les pierres qui l’avaient accueilli depuis qu’elle était née, sa mère à la peau cuivrée qui la berçait entre deux colonnes sculptées, son père archéologue qui dessinait ces sculptures et qui disait souvent qu’il avait épousé une des apsaras qu’il dessinait.
Et puis les Khmers rouges qui étaient arrivés, qui avaient tout abimé.

Tout avait disparu, englouti dans le cataclysme qui les avait submergé.
Son enfance broyée, sa vie dévastée.
Ses premiers souvenirs avaient toujours été ceux du bateau qui les emportait loin, ballotés par les vagues, secoués, perdus, déracinés.
Et son père qui les regardait au loin, qui s’éloignait jusqu’à ne plus être qu’un petit point.

Elle avait oublié ces jours meilleurs.
Elle les avait enfoui pour moins souffrir.
On lui avait volé sa vie.


Mais désormais, elle savait d’où elle venait.




On ne m'arrête plus, il faut croire que je prend goût à ce petit exercice. Mais bon, quand on me met une photo du Cambodge sous le nez, je ne peux pas résister. 



Les autres textes sont en lien chez elle









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