lundi 25 avril 2016

Kinderzimmer de Valentine Goby

Je me suis aperçue récemment qu'il y avait plusieurs billets sur de bien belles lectures de 2013 et 2014 que je n'ai jamais écrit.
Certains de ces livres sont pourtant encore fortement ancrés en moi et j'en garde une image précise.
C'est le cas pour Kinderzimmer dont la lecture a forcément resurgi pendant que je lisais Si c'est un homme de Primo Levi.
Ce ne sont pas les mêmes livres, j'y reviendrai, mais ils sont là tous les deux pour maintenir vivante la mémoire de ces lieux, de ceux qui y sont passé et de ce qui s'y est déroulé.
Et puis hier, c’était la journée du souvenir des héros et des victimes de la déportation, alors c’est le bon moment.

Encore une fois, Suzanne s’assoit face à un groupe d’adolescents dans un lycée pour raconter ce qui lui est arrivé en 1944, la déportation, la vie à Ravensbruck.
Mais cette fois, c’est différent.
L’émotion du souvenir la submerge et son récit ne sort pas.
Alors tout lui revient en mémoire, l’arrestation sous le nom de Mila, le train, l’arrivée dans le camp, la découverte de la vie quotidienne là-bas et la nécessité de cacher qu’elle est enceinte

Valentine Goby est une conteuse hors-paire.
Son texte est ciselé, très beau et magnifiquement évocateur.
Elle a écrit un roman sensible, qui laisse toute sa place à la fois à l'Histoire des camps et a l'histoire de cette femme qu'elle raconte.
Basé sur une histoire vraie, ce récit est romancé mais s'appuie sur des faits historiques qui méritent qu'on ne les oublie pas.
J'avais peur de me lancer dans cette histoire, je craignais d'être vraiment trop touché, surtout que j'étais moi-même enceinte, peut-être un peu plus émotive.
Et ce fut le cas, mais dans un cocon de douceur et de tendresse qui permet de supporter le reste, car pour ceux qui en sont revenus, les camps étaient aussi des lieux où ils ont pu trouver un peu d'entraide et d'humanité.

Aucune comparaison ne me semble néanmoins possible entre Kinderzimmer et Si c'est un homme car ils sont complémentaires.
Cela ne me parait pas faisable ni souhaitable car leur force est différente.
Alors que le premier est un roman appuyé sur le récit d'une personne qui n'est pas l'auteur, le second est l'expression de ce qu'a vécu l'auteur lui-même.
Si c'est un homme me parait contenir une nécessité vitale qui en fait un récit factuel, plutôt destiné à la réflexion du lecteur.
Ici, au contraire, l'émotion a toute sa place et c'est elle qui va conduire la narratrice à raconter ce qu'elle a vécu en la submergeant alors qu'elle parle à de jeunes collégiens de ce qu'elle a vécu.
Les évènements sont moins pensés philosophiquement pour être plus ressentis, et j'ai l'impression que ces deux types de récits sont complémentaires.
Ils sont tout deux nécessaires à la mémoire collective et il est bon de ne pas oublier ces événements.
Marie-José Chombart de Lauwe
dont la vie a inspiré ce roman

C'est un roman qui ne peut laisser indifférent et qui reste longtemps en mémoire de façon sensible et profonde il me semble.
On y apprend beaucoup de choses et on découvre une réalité parallèle en se demandant encore une fois comment elle a pu avoir lieu sans que personne ne réagisse.
C'est aussi un très beau roman qui se lit en apnée malgré le sujet.



J’avais oublié que la femme qui raconte l’histoire s’appelle Suzanne
Et un grand merci à Argali qui m'avait envoyé ce roman en livre voyageur ^-^






dimanche 24 avril 2016

Sunday mood...

A l'heure où mon blog publie ce billet tout seul comme un grand, je suis coincé dans une voiture (certes un break) (et heureusement vu tous les bagages engendrés par ma toute petite demoiselle) avec un homme qui râle un peu tout en restant concentré sur la route et une petite minette sans doute un peu dans le gaz mais qui va bientôt nous faire savoir qu'elle est bien réveillée.
Après une semaine bien remplie / bien pourrie, oui, nous y sommes arrivé, nous sommes partis en vacances !!!




Ce ne fut pas sans mal et heureusement que nous partons chez beau-papa et belle-maman, parce que sinon, je crois qu'on serait restés chez nous.
Car sachez-le, un bébé malade (le mien en tout cas), c'est super pénible.
D'abord, tu t'inquiètes (beaucoup), ensuite tu dois lui prendre sa température (il est récalcitrant), puis lui donner des médicaments (c'est encore pire), et il chouine parce qu'il n'est pas bien (bah oui, on est pareil).
Tu dois aussi l'emmener chez le médecin, aux urgences, au laboratoire.
Mais surtout, mon bébé malade à moi ne dort plus !
Et ça, c'est une vraie plaie !




Et voilà une semaine de vacances passée sans qu'on s'en aperçoive, avec des soirées boulot (il faut bien avancer quand même dans le travail en retard) et des journées chonchons.
On a décalé le départ pour laisser baisser la fièvre, et puis on a sorti les valises, les sacs de voyage, la glacière pour le pique-nique et les petites affaires des vacances.




Du coup, ce fut aussi une semaine légère en lecture.
J'ai fini le roman de Delphine de Vigan D'après une histoire vraie en le sentant étrangement résonner en moi, mais je vous en reparlerai.
J'ai commencé L'assassin qui rêvait d'une place au paradis et c'est... bizarre.
Il y a aussi Brunetti qui me tient éveillé certains soirs et m'emmène sur les canaux vénitiens.
J'emporte quelques livres en vacances, mais c'est surtout pour avoir du choix, il y a peu de chances que je les lise tous !




Heureusement, il y a aussi eu un grand soleil qui nous a accompagné.
Les lessives qui sèchent au soleil en une matinée, cela me met en joie, surtout quand j'arrive enfin à voir le fond de mon panier à linge.
J'ai pris mon thé sur la terrasse, on est allé voir les canards des voisins, les oies, les chevaux.

Et il y a eu le nouvel album de Benjamin Biolay que j'avais précommandé :D




Allez, je vous laisse, la mer m'attend.
On ne la verra sûrement que demain, mais la savoir si proche me met déjà en joie :)











vendredi 22 avril 2016

Mon poémier de Michel Piquemal illustré par Magali Bardos

Ce vendredi a été un peu chaotique chez moi.
Un bébé malade, le départ en vacances repoussé d'une journée mais plein de trucs à faire quand même, et puis surtout le ciel qui est redevenu tout gris !
Non mais franchement, ce n'est pas permis de faire croire aux gens que le printemps est là et puis de repartir aussi sec au bout de quelques jours.
Je m'étais habitué aux fenêtres ouvertes, au linge qui sèche dehors, à ma maison doucement chauffée par le soleil.
Alors pour lutter contre ce gris, j'ai choisi de vous présenter un album plein de couleurs, un livre tout en douceur et en jolis mots.




Ce livre s'intitule Mon poémier. 
Il s'agit d'une anthologie compilée par Michel Piquemal, suivi d'un atelier d'écriture à la fin de l'ouvrage.
En 150 pages, une centaines de poèmes sont présentés et illustrés.
Le livre s'organise autour de parties thématiques : Poèmes drolatiques, De la Fontaine à Prévert, Bestiaire, Saisons et temps qui passe, Emotions.
Les auteurs choisis sont très variés, certains sont très connus comme Prèvert ou Carême, mais d'autres le sont beaucoup moins et cela permet de les découvrir.
A la fin de l'ouvrage, une dernière partie intitulée Ma petite fabrique à poèmes donne des informations sur la poésie, les différents types de poèmes et propose des règles du jeu pour écrire soi-même des poèmes.
Voilà le sommaire pour que vous ayez une idée du contenu.







Comme vous le voyez, c'est varié, original parfois, mais surtout, bien choisi.
Je trouve que Michel Piquemal a bien fait son travail et cette anthologie est vraiment bien construite avec des poèmes de différents niveaux.
On peut ainsi l'utiliser avec des enfants d'âges différents et je l'ai même présenté à mes étudiants pour qu'ils aient des idées de poésie à utiliser avec leurs élèves.




Et puis les illustrations sont vraiment sympas.
Elles permettent d'appuyer la compréhension des poèmes en dévoilant parfois un sens caché.
Elles donnent aussi à discuter et ne se laissent pas toujours regarder sans réfléchir.
La palette de couleur est la même pour tout le livre, ce qui donne aussi une unité graphique au volume.




Même si ma fille est encore petite, elle choisit parfois un texte pour que je lui lise.
La sonorité des poèmes lui plait, elle aime m'entendre lire et réciter.
Elle le feuillète aussi toute seule et avec les dessins, je crois qu'elle reconnait les textes qui lui plaisent le plus.




C'est un livre qui ne reste jamais bien longtemps dans la bibliothèque.
Il n'a pas une once de poussière tant il est feuilleté fréquemment.

Si vous cherchez un livre pour initier les enfants à la poésie, celui-ce est vraiment très bien.
A partir de 5 ou 6 ans, encore davantage quand les enfants lisent, il recèle des trésors qui leur permettront de découvrir de beaux textes, la magie des mots qui se disent à voix haute et de jolis dessins.
Et pour les textes plus compliqués, il sera un bon moyen de découvrir qu'un texte n'a pas toujours un sens unique et que chaque lecteur peut le comprendre comme il le veut.

Et moi, je vais continuer à le conseiller à mes étudiants futurs enseignants ^-^







Merci aux éditions Tourbillon pour ce joli livre.




jeudi 21 avril 2016

Premières lignes à lire et relire #2

Il y a quinze jours, je vous proposais de découvrir (ou redécouvrir) le début de Salammbô.
Je ne sais pas si cela a donné des envies de lecture à certains d'entre vous, mais je poursuis avec un nouvel incipit.

Comme la dernière fois, j'ai choisi un classique, un de ces romans qui m'ont profondément marqués quand je les ai lu adolescente.
Je garde d'ailleurs un souvenir précis de celui-ci, sans doute entretenu par le film magnifique qui en a été tiré.
A la fois violent, sanglant, et magnifiquement romantique, ce roman commence avec des lignes qui nous plongent immédiatement dans la dualité de l'évènement qui doit être une fête et la violence qui couve sous la fête, qui est déjà là, qui guette et n'attend qu'une étincelle pour s'épanouir et engloutir tout ceux qui seront présents.

Alors ? De quel roman s'agit-il ? 

"Le lundi, dix-huitième jour du mois d’août 1572, il y avait grande fête au Louvre.
Les fenêtres de la vieille demeure royale, ordinairement si sombres, étaient ardemment éclairées ; les places et les rues attenantes, habituellement si solitaires, dès que neuf heures sonnaient à Saint-Germain-l’Auxerrois, étaient, quoiqu’il fût minuit, encombrées de populaire.
Tout ce concours menaçant, pressé, bruyant, ressemblait, dans l’obscurité, à une mer sombre et houleuse dont chaque flot faisait une vague grondante ; cette mer, épandue sur le quai, où elle se dégorgeait par la rue des Fossés-SaintGermain et par la rue de l’Astruce, venait battre de son flux le pied des murs du Louvre et de son reflux la base de l’hôtel de Bourbon qui s’élevait 7 en face.
Il y avait, malgré la fête royale, et même peut- être à cause de la fête royale, quelque chose de menaçant dans ce peuple, car il ne se doutait pas que cette solennité, à laquelle il assistait comme spectateur, n’était que le prélude d’une autre remise à huitaine, et à laquelle il serait convié et s’ébattrait de tout son cœur. "






mardi 19 avril 2016

Si c'est un homme de Primo Levi { Prix Audiolib }

J'ai été très surprise de voir ce livre dans la sélection pour le prix Audiolib.
Ce classique de la "littérature des camps" est un récit qui me faisait un peu peur, qui n'est forcément pas léger et qui est très différent des textes qui l'accompagnent pour ce prix.
Mais c'est aussi une excellente idée de l'avoir enregistré en format audio.


 Capturé en 1943 suite à une dénonciation, Primo Levi est déporté à Auschwitz avec de nombreux juifs italiens dont bien peu reviendront. 
Lors de la sélection, il est envoyé de justesse à Monowitz, camp de travail où il va survivre plus d'une année avant la libération du camp. 
Il raconte ici ces journées de froid, de faim, de fatigue, la souffrance, la déshumanisation, l'incompréhension. 
Son récit est essentiel pour l'Histoire et pour son histoire personnelle également. 

Il m'est difficile de donner un "avis" sur ce roman.
Tout comme Charlotte Delbo, lu il y a longtemps, ou Kinderzimmer, ce sont des récits qui sont nécessaires au devoir de mémoire.
Ils sont plus ou moins romancés, plus ou moins appuyés sur les souvenirs, mais comment les "juger" ?
Le thème lui-même ne se juge pas, il me semble.
Ce qui est arrivé ne doit pas être oublié et c'est important de disposer de ces récits vus de l'intérieur.
J'ai l'impression que la force du texte de Si c'est un homme est plus grande que celle de Kinderzimmer car Primo Levi a vécu Auschwitz, le camp, le travail absurde et la disparition de son humanité.
Il parle de tout cela à un moment où il n'est sans doute pas encore passé à autre chose (1946-1947).

Il y a tout de même des choix d'auteur dans ce récit et on ne peut pas lui refuser le statut d'écrivain, ce n'est pas simplement une compilation de mots.
Il explique toutefois lui-même dans l'interview qui clôt ce livre audio, que le texte est un peu brut.
La suite de ce livre est davantage travaillée apparemment.
Mais il y a tout de même une focalisation sur ce qui fait l'humanité d'un homme, ou au contraire ce qui en fait une bête et lui enlève cette humanité.
Il y a aussi plusieurs références à Dante, à l'interprétation que l'on peut faire de ces textes, signe que malgré la situation, Levi est resté un homme malgré tout et un homme cultivé.

Le récit est moins tragique que d'autres sur le même sujet, car Primo Levi était dans un camp de travail, il décrit les choses de façon un peu détachée, parfois froidement et surtout, il est rentré chez lui ensuite.
Cela permet de lire le récit sans pleurer toutes les trois pages (contrairement à Kinderzimmer par exemple), mais cela n'enlève rien à l'absurdité de l'extermination, à la dureté de ce qu'il a vécu. 

La version audio dure 7h35, ce qui est une durée très raisonnable qui permet de ne pas s'infliger le récit du camp d'Auschwitz pendant une trop longue période.
C'est tout de même un texte éprouvant et la version audio me faisait peur, même si j'avais vraiment envie de le lire.
La lecture de Raphaël Einthoven est très expressive tout en laissant le texte exister.
Il le dit lui-même dans l'interview à la fin où il explique que la lecture doit être à la fois expressive pour ne pas être monocorde, tout en évitant de trop incarner les personnages.
Cette interview m'a vraiment plu pour ce qu'il dit du texte et de sa lecture, tout comme celle de Primo Levi par Philippe Roth qui la précède.
Raphaël Einthoven aborde aussi le problème du devoir de mémoire, de l'humanité des bourreaux et des victimes, du pardon impossible et non souhaitable. 
J'y ai beaucoup appris, c'est vraiment une belle interview à ne pas manquer !! 
C'est d'ailleurs un véritable plus de les versions audios et je suis toujours ravie de voir qu'il y a des interviews en fin de livre audio chez audiolib.
Quand en plus cela éclaire le récit, c'est encore mieux !

Conseiller ce récit me parait impossible et on se doit de ne pas passer à côté tout de même.
Si vous avez besoin de découvrir la vie des camps, si vous sentez qu'il vous manque ce livre à votre pensée, si vous avez envie d'en savoir plus sur cette période de cette histoire, si vous voulez en savoir plus sur la nature humaine, cela pourrait vous intéresser.









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